Cybersécurité
Date de publication : 27/11/2023
Christian Serpaud
Comme les entreprises et les administrations, les associations sont régulièrement victimes de fraudes externes. Des escroqueries basées sur l’usurpation d’identité ou les failles informatiques qui, lorsqu’elles ne sont pas déjouées, viennent affecter le fonctionnement de l’association. Une bonne raison, au travers d’exemples tirés de situations réelles, d’analyser les scénarios les plus souvent mis en œuvre par les escrocs pour mieux s’y préparer.
Esther est la trésorière d’une association d’aide alimentaire basée dans le Grand Est. Samedi, vers 11h, alors qu’elle est chez elle, elle reçoit un appel. C’est le numéro de de la banque de l’association qui s’affiche sur son portable. L’homme au bout du fil se présente comme étant l’assistant du conseiller bancaire avec qui elle traite d’ordinaire. Il cite le nom du conseiller bancaire avant d’expliquer à Esther que le compte de l’association est victime d’une attaque de pirates informatiques. Après avoir inquiété son interlocutrice, l’homme la rassure en lui précisant qu’heureusement, l’attaque a été détectée par ses services.
En revanche, pour la bloquer, précise-t-il, « nous avons besoin de votre confirmation pour supprimer chaque opération suspecte. Pour chacune d’entre elles, je vais vous adresser un SMS et, en réponse, vous validerez sa suppression en entrant le code de double authentification ». Les SMS qu’elle reçoit portant le numéro de téléphone de la banque, Esther s’exécute. Le lundi, de retour au bureau, elle reçoit un appel du conseiller bancaire de l’association, le vrai cette fois, qui s’interroge sur quatre virements effectués vers une banque étrangère pendant le week-end pour un montant total de 75 000 €.
Ce scénario paraît fou et pourtant, il illustre ce que l’on appelle désormais la « fraude au faux conseiller bancaire ». Une arnaque très en vogue qui touche les particuliers comme les professionnels. Elle est réalisée par des escrocs chevronnés, souvent basés à l’étranger, capables de détourner le numéro de téléphone d’une banque et de percer le premier niveau de protection des applications bancaires (vu le nombre d’attaques, cela ne doit pas être si compliqué…). Avant cela, ils auront eu accès à des informations bancaires de base pour rendre leur argumentaire plus crédible (en se procurant un relevé de compte, les numéros d’une carte bancaire, le nom du conseiller en charge des associations de l’agence bancaire…)
Si vous recevez un appel d’alerte de ce type, partez du principe que c’est une arnaque. Prétextez un rendez-vous, un visiteur qui sonne à la porte, une réunion qui démarre pour raccrocher en précisant que vous allez rappeler la banque dans la foulée. Ne laissez pas votre interlocuteur dérouler son argumentaire, c’est un professionnel, il est rompu à l’exercice et pourrait parvenir à vous convaincre. Dans la foulée, appeler votre conseiller bancaire, non pas en utilisant la fonction « rappel » de votre téléphone mais en composant son numéro. Il y a de grandes chances pour qu’il vous confirme que vous avez été victime d’une tentative d’escroquerie !
Jean-Louis travaille au service comptable d’un groupe associatif gérant des cliniques et des établissements accueillant des personnes âgées dépendantes. Un jour, il reçoit un courriel d’un gros fournisseur, un fournisseur d’énergie, qui lui indique un changement de coordonnées bancaires et un changement de numéro de téléphone. Le courriel est signé par son interlocuteur habituel, M. Jean, le directeur grands comptes de la société prestataire et est en tous points comparable aux courriels qu’il a l’habitude de recevoir de cette société (logo, format, images, adresse d’expédition…). Jean-Louis compose alors le nouveau numéro. On lui indique que M. Jean est en déplacement et on lui confirme le changement de numéro de compte. Au cours des 6 mois suivants, Jean-Louis met en paiement trois factures pour un total de 260 000 €.
Un jour, M. Jean appelle Jean-Louis car il s’inquiète du non-paiement de trois de ses factures. Ensemble, ils découvrent la fraude.
Cette fraude, baptisée « fraude au fournisseur », frappe les entreprises et les associations depuis des années. Son succès lui vaut d’être indémodable. Elle connaît d’ailleurs de nombreuses variantes, une des plus redoutables étant la « fraude aux factures impayées ». Dans ce cas, la victime reçoit un appel des services des impôts. Ces derniers, chargés de recenser les impayés, lui réclament une copie des factures en souffrance « à des fins statistiques ». Copie des factures en main, les escrocs se feront passer pour un cabinet de recouvrement afin d’encaisser les impayés. Dans ce type de fraude, il y a deux victimes : le créancier et le débiteur…
En cas de demande de changement de coordonnées bancaires d’un fournisseur, il faut, surtout si le nouveau compte est à l’étranger :
Si un virement vient d’être effectué, sans attendre, il convient :
Si vous êtes démarché par un cabinet de recouvrement pour une facture impayée, appeler votre fournisseur avant de donner suite. Il est rare qu’un fournisseur le face sans prévenir son client…
Cadre administratif dans une association humanitaire, Gilles est en télétravail. Comme tous ses collègues dans le même cas, il passe plusieurs heures par semaine à participer à des visioconférences. Et d’ailleurs, il vient de recevoir un courriel aux couleurs de Zoom. L’outil de visioconférence lui indique qu’il peut, pendant 48 heures, visionner l’enregistrement de la dernière réunion de direction. Il ignorait que cela était possible et s’en réjouit car il n’avait pas pu assister à cette réunion. Il se connecte, via ce courriel, sur une page d’accueil où ses codes et mot de passe Microsoft lui sont demandés. Il ne s’en étonne pas et les renseigne. Or, il n’accédera jamais à l’enregistrement de la conférence mais apprendra, quelques jours plus tard, que le serveur de son association a été victime d’une attaque de rançongiciel qui a bloqué son fonctionnement pendant une semaine.
Les rançongiciels (logiciels cryptant les données et réclamant une rançon pour les libérer) se répandent comme tous les logiciels malveillants. Dès lors, il convient :
Dès qu’une machine est touchée par un rançongiciel, immédiatement, il faut :
D’une manière générale, la fraude externe s’appuie sur les nouvelles technologies et les environnements de travail en distanciels de plus en plus utilisés.
L’émergence de l’intelligence artificielle va accroître les possibilités et les cas d’usurpation d’identité se démultiplient. Toutes les possibilités sont envisageables puisqu’elles peuvent concerner les acteurs internes de la structure des membres de la gouvernance (président, trésorier, etc.) et/ou de salariés (directeur, administrateur du service informatique, etc.). De même, tous les tiers interagissant avec la structure peuvent être un support d’intrusion (banques, fournisseurs, avocats, clients potentiels, agents de l’Etat, expert-comptable, etc.).
Télédéclarations, télérèglements et demandes d’information pour la mise en place de la facture électronique sont autant de possibilités qui facilitent les fraudes externes.
Acquérir le réflexe de ne jamais céder à une urgence, à une insistance permet bien souvent de faire renoncer à des attaques mineures.
Toute demande de connexion, d’identification par code doit être appréhendée avec discernement et en adéquation avec les règles existantes. Toute demande qui ne respecte pas les procédures habituelles sont à faire valider par un responsable avant de poursuivre les opérations.
A n’en pas douter, ces fraudes font partie intégrante de la vie de nos structures et constituent un enjeu majeur pour leur pérennité.
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Christian Serpaud
Expert-comptable, commissaire aux comptes, associé, directeur national ESS
Christian est associé au sein du cabinet In Extenso. Expert-comptable et commissaire aux comptes spécialiste du secteur associatif et ESS, il est en charge du Marché Economie Sociale du groupe In Extenso.