9 min.

Fiscalité

Associations – La gestion des relations avec sa filiale commerciale

Date de publication : 14/04/2025

#Article

Philippe Guay

Par principe, une association poursuit un but non-lucratif, mais ceci ne l’empêche pas de développer ses activités et porter de nouveaux projets afin de répondre aux besoins. Focus dans notre article.

Lorsque l’association ou l’organisme sans but lucratif réalise des activités commerciales significatives, il a bien souvent choisi l’opportunité de loger ces activités dans une structure juridique dédiée, distincte de son modèle d’origine. Le choix de la filialisation permet ainsi de poursuivre le développement de ces activités dans le cadre d’un schéma dynamique et selon la stratégie d’un plan commercial qui peut être profitable à l’ensemble du système. En effet, la présence d’une filiale commerciale permet bien souvent de nourrir le projet associatif tant en moyens de réalisation et d’aboutissement du concept mis en place qu’en fonction des ressources financières qu’il peut procurer.

De plus, si le projet économique de la filiale est porteur, la mise en place d’une filiale commerciale autonome lui permettra de donner libre court à sa gestion, ses projets et son développement. Dans ce cas, rien n’empêche la filiale commerciale de traiter ses activités économiques à des conditions concurrentielles normales avec tous types de clients. Y compris l’association elle-même dès lors que cette dernière est traitée dans les mêmes conditions commerciales.

Cependant, l’exercice d’une activité lucrative au sein d’une association répond à des exigences juridiques et fiscales strictes. En effet, un manque d’appréhension fiscale peut entraîner des conséquences lourdes et engendrer l’effet inverse de celui attendu.

La filialisation revient à créer une société commerciale détenue par l’association à laquelle est affectée l’activité souhaitée. Dès lors que la croissance de son activité commerciale pourrait remettre en cause le caractère non-lucratif de l’association, cette solution doit être privilégiée. En outre, la création d’une filiale commerciale présente d’autres avantages indéniables. En effet, l’objet de la société sera clairement déterminé et identifié. Il ne portera pas à confusion avec celui de l’association. Dans ce cas, la détention des titres de la société constituera, en elle-même, un secteur lucratif dans l’association. Par la suite, l’administration exigera, si l’association souhaite conserver son identité non-lucrative, que cette dernière ne prenne pas une part importante dans la gestion de sa filiale. Il est donc préférable que le projet économique de la filiale s’oriente vers un choix de développement autonome confié à des dirigeants distincts.

De fait, lorsque les critères relatifs à la mise en place d’un secteur distinct fiscalisé ne peuvent plus être respectés au sein de l’organisme lui-même, la solution passe inévitablement par la filialisation des opérations lucratives.

Par ailleurs, les moyens et ressources seront affectés de manière précise ; ils seront limités à la société. De plus, il sera possible de chercher des modes de financement identifiés (banques, apports d’autres structures…). Enfin, le mode de gouvernance sera spécifique et adapté en conséquence.

Ainsi, le seul lien qui persiste sera celui de la détention capitalistique, totale ou partielle, entre l’association mère et sa filiale.

Les points de vigilance de la filialisation

Lorsque des relations privilégiées entre l’association et la filiale sont caractérisées, l’ensemble des activités du groupe est lucratif, sans possibilité de sectorisation. Dès lors, l’association est passible des impôts commerciaux sans pouvoir bénéficier de la franchise. La soumission aux impôts d’une activité filialisée peut engendrer des opportunités fiscales (suppression de la taxe sur les salaires, par exemple, …), qu’il convient d’évaluer face aux éventuelles menaces (perte du mécénat ou de subventions).La création d’une filiale s’inscrit dans une réflexion stratégique en matière de gouvernance et de responsabilité.

Quels sont les modes de comportement entre l’association et la société commerciale ?

Lorsque l’entité a déjà développé des activités lucratives et que le montant annuel des recettes de ces dernières vient à dépasser le montant de la franchise (78.596 euros pour 2024), il convient de transférer l’activité lucrative dans une structure juridiquement distincte. Dans ce cas, un apport partiel d’actif à une société nouvelle ou préexistante conviendra. En contrepartie, l’entité reçoit des titres de la société commerciale à laquelle son activité lucrative est apportée.

Les conséquences de cette opération sur le caractère non-lucratif de l’association s’analysent selon trois situations :

  1. Une gestion (passive) patrimoniale de la participation entrainera l’imposition des produits de la participation au titre des revenus du patrimoine (15%) ;
  2. Une gestion (active) de la filiale supposera la création d’un secteur lucratif imposable au sein de l’association afin que ne soit pas remis en cause le caractère non-lucratif de toute l’entité ;
  3. Des relations privilégiées (complémentarité économique) avec la filiale entraineraient le caractère lucratif de l’ensemble de l’entité.

On voit donc, que « l’ensemblier » associatif apparaît comme plusieurs structures juridiquement indépendantes les unes des autres mais en fait soumises à une unité de décision économique. Sa constitution permet l’implantation sur de nouveaux marchés, l’optimisation du financement ou encore la diversification des activités.

Lors de la création d’une filiale, l’entité choisira au préalable la nature de la société. L’entité qui souhaite rester « seul maître à bord » adoptera la forme de l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée puisqu’une seule personne morale peut constituer une telle entreprise à condition de désigner un gérant de la société, personne physique.

Une société par actions (SAS) peut être constituée d’un associé unique. Elle est une forme privilégiée de création de filiale, dès lors qu’un développement significatif est attendu.

L’ensemblier associatif pourra être créé avec une ou plusieurs filiales commerciales, mais aussi dans l’objectif d‘une externalisation de son patrimoine immobilier au sein d’une SCI.

Comment caractériser des relations privilégiées de l’association avec sa filiale, pour éviter le caractère lucratif de l’ensemble ?

La détention de titres d’une société commerciale par un organisme sans but lucratif peut entraîner des conséquences sur son caractère non-lucratif :

1 – Pour la gestion patrimoniale des titres qui ne remet pas en cause le caractère non-lucratif d’ensemble de l’organisme (actionnaire passif).

Les titres de la société font partie du patrimoine de l’organisme qui demeure non-lucratif.

Dans ce cas, les produits de participation sont soumis à l’impôt au taux de 15% sur les revenus de capitaux mobiliers (déclaration N°2070).

La simple détention par un organisme d’une partie du capital d’une société n’est pas à même en soi de remettre en cause son caractère non-lucratif général. Si la détention est minoritaire, il y a présomption de gestion passive. Si l’organisme ne joue, dans la société, aucun rôle de gestion actif, la gestion peut être considérée comme patrimoniale. Dans cette hypothèse, les titres de la société font partie du patrimoine de l’organisme qui demeure non-lucratif.

Exception : les titres reçus en rémunération d’un apport partiel d’actif, placé sous le régime de faveur de sursis d’imposition, doivent impérativement être localisés dans un secteur lucratif.

Attention toutefois ! Il n’y a plus de gestion passive des titres lorsqu’il existe des liens économiques entre les deux entités ou que les dirigeants de la filiale sont également dirigeants de l’organisme ou encore, qu’il existe des liens de parenté entre les dirigeants de l’organisme et ceux de la filiale.

2 – Une gestion active de la filiale, sans complémentarité commerciale

Cela suppose la création d’un secteur lucratif imposable afin que ne soit pas remis en cause le caractère non-lucratif de tout l’organisme. Cette situation existe notamment en cas de participation majoritaire et de dirigeants communs.

Il convient d’appliquer à la gestion de ces titres une sectorisation de cette activité au sein de l’organisme. Si l’activité de gestion de titres n’est pas prépondérante, le secteur lucratif peut être limité à la seule détention des titres.

Il convient d’être attentif aux situations de fait car l’administration fiscale ne retient pas toujours systématiquement comme patrimoniale, la détention d’une participation majoritaire dans le capital de la filiale. Cela étant, la détention majoritaire du capital n’est pas suffisante pour qualifier la gestion de gestion active. Il convient de s’interroger sur le point de savoir si l’organisme intervient concrètement et de façon importante dans la gestion de sa filiale. Dans cette situation, il est considéré que l’organisme exerce une activité lucrative de gestion de titres et alors, il convient d’appliquer à la gestion de ces titres une sectorisation de cette activité. Si l’activité de gestion de titres n’est pas prépondérante, le secteur lucratif peut être limité à la seule détention des titres.

3 – Des relations privilégiées caractérisées par une complémentarité économique

Elles sont considérées comme lucratives. Dans ce cas, la complémentarité économique est la situation dans laquelle l’activité non-lucrative tend à développer l’activité de la société commerciale et celle dans laquelle cette dernière confère à l’activité non-lucrative de l’organisme, par contagion de ses propres buts et pratiques commerciales, tout ou partie des avantages liés au recours au marché.

Dans ce cas, la détention des titres de la société commerciale constitue un secteur distinct fiscalisé au sein de l’organisme.

Imposition

Si l’association se contente de détenir les parts sociales de sa filiale commerciale, sans intervenir dans sa gestion, elle n’encourt, en principe, du fait de cette filialisation aucun risque fiscal. Les dividendes perçus d’une société française sont assujettis pour les exercices clos depuis le 31 décembre 2009, au taux d’impôt sur les sociétés de 15 %.

En revanche, si elle intervient de façon active dans la gestion de la filiale (c’est le cas notamment lorsqu’elle est l’associée unique d’une EURL ou d’une SASU), ou lorsque la filiale a reçu dans le cadre d’un apport partiel d’actif une branche d’activité lucrative précédemment exploitée par l’association elle-même, la gestion des titres de la société constitue un secteur distinct lucratif, au sein de l’association. Celle-ci devient redevable de l’impôt sur les sociétés au taux commun sur les dividendes perçus.
Néanmoins, le régime fiscal des « sociétés mères-filles » limite l’incidence de cette fiscalisation. Si ce secteur n’est pas prépondérant, les activités non-lucratives prépondérantes de l’association demeurent exonérées.

Enfin, si l’association conserve avec sa filiale une complémentarité économique, procède à une répartition de clientèle ou à des échanges de services, ou lorsque la société assume des charges relevant de l’association, cette dernière peut être fiscalisée sur l’ensemble de ses activités sans possibilité de sectorisation.

Cette hypothèse devrait essentiellement viser des situations dans lesquelles l’activité de l’association tend à favoriser l’activité commerciale de la filiale (existence de relations privilégiées avec une entreprise) ou encore lorsqu’il existe une confusion de gestion et de patrimoine entre les deux structures. Mais la seule complémentarité entre l’activité de la filiale et celle de l’association est insuffisante pour entrainer l’assujettissement de l’association aux impôts commerciaux.

Les modalités de la filialisation

Filialiser consiste à transférer les activités lucratives dans une structure juridiquement distincte. Cela implique l’apport partiel de l’activité lucrative à une société nouvelle (ou préexistante). Pour être réalisable au sens de la loi ESS du 31 juillet 2014, cet apport doit porter sur une branche complète et autonome d’activité. En contrepartie, l’association reçoit des titres de la société commerciale à laquelle son activité lucrative est apportée (dans le cas d’apport à une société).

De ce fait, elle peut bénéficier du régime de faveur des fusions sous condition de créer un secteur lucratif pour les titres qu’elle reçoit en échange. Cela veut dire que les plus-values qui résultent de cette opération se trouvent en sursis d’imposition. Il s’agit d’un mécanisme fiscal permettant de différer l’imposition des plus-values réalisées lors de l’apport de titres à une société soumise à l’impôt sur les sociétés (IS) jusqu’à la cession ultérieure de ces titres.

Le régime mère-fille et ses avantages.

Le régime mère-fille est une option fiscale permettant, à l’entité bénéficiaire d’une distribution de dividendes, d’exonérer une partie importante de son impôt sur les sociétés sous réserve d’une réintégration d’une quote-part de 5% pour frais et charges dans sa base imposable. Il s’applique à des ensembles détenus dès lors que le pourcentage de détention est d’au moins 5%.

Exemple : Une association possède 70% d’une filiale B. La filiale lui distribue 100.000 euros de dividendes. Le régime de droit commun engendre une imposition de 25.000 euros (25 % d’IS sur 100.000 euros), sans distinction de l’application du taux réduit d’imposition à 15% dans la limite de 38.120 euros, dans notre exemple.

Dans le cadre du régime mère-fille, les 100.000 euros de dividendes seront exonérés d’impôt sur les sociétés sous réserve de la réintégration d’une quote-part pour frais et charges de 5%. L’association réintégrera donc 5.000 euros dans sa base imposable, ce qui engendrera une imposition de 1.250 euros.

Le régime mère-fille permet donc de favoriser les distributions de dividendes à l’intérieur d’un « groupe » en bénéficiant d’une exonération quasi totale d’impôt sur les sociétés.

Les conditions d’application du régime

Plusieurs conditions doivent être remplies pour pouvoir bénéficier de l’application du régime mère-fille :

  • 1ère condition : L’entité bénéficiaire des dividendes doit être une personne morale soumise de plein droit ou sur option à l’impôt sur les sociétés au taux normal (25 %). Les organismes sans but lucratif peuvent bénéficier de ce régime à condition d’être soumis à l’impôt sur les sociétés au taux normal (en totalité ou sur un de leurs secteurs d’activité) ;
  • 2ème condition : La société distributrice des dividendes doit également être soumise à l’impôt sur les sociétés.  L’exonération n’est ni conditionnée par la forme juridique (sauf pour les sociétés relevant de l’IR) ni par le lieu d’implantation de la filiale (sauf pour les filiales situées dans des états non-coopératifs). Les filiales bénéficiant d’une exonération d’impôt sur les sociétés peuvent également bénéficier du régime ;
  • 3ème condition : L’entité bénéficiaire doit détenir au moins 5% du capital de la société émettrice. Ce taux s’apprécie à la date de la distribution des dividendes. Les titres dépourvus du droit de vote (actions de préférence par exemple) peuvent donner lieu à l’application du régime mère-fille. Sont en revanche exclus du régime les titres détenus en usufruit ;
  • 4ème condition : Une conservation des titres par l’entité bénéficiaire pour une durée au moins égale à 2 ans. Cette conservation des titres offre un caractère définitif au régime mère-fille. La conservation ne concerne que les titres représentant 5% du capital de la société émettrice.

L’option pour le régime mère-fille

L’exonération prévue par le régime mère-fille n’est pas automatique. L’option doit être formulée par l’entité mère du groupe. Elle s’applique annuellement et n’est soumise à aucun formalisme. L’entité mère doit juste porter les mentions nécessaires sur sa liasse fiscale et ce, pour permettre l’exonération des produits distribués par la filiale et la réintégration de la quote-part de frais et charges de 5%.

Conclusion

Le régime mère-fille constitue un régime fiscal particulièrement favorable aux groupes constitués avec une filiale commerciale qui distribue des dividendes. Les conditions sont en effet très souples pour les structures désireuses de bénéficier de l’exonération. Ce régime fiscal favorise ainsi les « remontées » de bénéfices vers l’association mère pour lui permettre de réaliser sereinement ses projets non-lucratifs, ce qui est très souvent le cas de son objet.

Auteur(s) :

Philippe Guay

Expert-comptable, commissaire aux comptes, spécialisé ESS

Philippe est un expert-comptable et commissaire aux comptes qui a accompagné pendant de nombreuses années de multiples associations, fonds et fondations.

Contactez notre expert

Voir d'autres articles

Partagez cet article
Vous aimerez aussi...

newsletter Newsletter

Recevez nos actualités et des invitations à nos événements

*

Les données collectées serviront uniquement pour vous envoyer les lettres d’information. Vous pouvez à tout moment utiliser le lien de désabonnement intégré dans chaque envoi. En savoir plus dans notre politique de confidentialité.

Nos Experts

Nos experts vous répondent et vous accompagnent dans vos démarches

Contact rapide
close slider

    Contact rapide

    * champs obligatoires

    Les données collectées marquées d’un * sont obligatoires et serviront uniquement pour répondre à votre demande. En savoir plus dans notre politique de confidentialité .