Fiscalité
Date de publication : 14/04/2025
Philippe Guay
Par principe, une association poursuit un but non-lucratif, mais ceci ne l’empêche pas de développer ses activités et porter de nouveaux projets afin de répondre aux besoins. Focus dans notre article.
Lorsque l’association ou l’organisme sans but lucratif réalise des activités commerciales significatives, il a bien souvent choisi l’opportunité de loger ces activités dans une structure juridique dédiée, distincte de son modèle d’origine. Le choix de la filialisation permet ainsi de poursuivre le développement de ces activités dans le cadre d’un schéma dynamique et selon la stratégie d’un plan commercial qui peut être profitable à l’ensemble du système. En effet, la présence d’une filiale commerciale permet bien souvent de nourrir le projet associatif tant en moyens de réalisation et d’aboutissement du concept mis en place qu’en fonction des ressources financières qu’il peut procurer.
De plus, si le projet économique de la filiale est porteur, la mise en place d’une filiale commerciale autonome lui permettra de donner libre court à sa gestion, ses projets et son développement. Dans ce cas, rien n’empêche la filiale commerciale de traiter ses activités économiques à des conditions concurrentielles normales avec tous types de clients. Y compris l’association elle-même dès lors que cette dernière est traitée dans les mêmes conditions commerciales.
Cependant, l’exercice d’une activité lucrative au sein d’une association répond à des exigences juridiques et fiscales strictes. En effet, un manque d’appréhension fiscale peut entraîner des conséquences lourdes et engendrer l’effet inverse de celui attendu.
La filialisation revient à créer une société commerciale détenue par l’association à laquelle est affectée l’activité souhaitée. Dès lors que la croissance de son activité commerciale pourrait remettre en cause le caractère non-lucratif de l’association, cette solution doit être privilégiée. En outre, la création d’une filiale commerciale présente d’autres avantages indéniables. En effet, l’objet de la société sera clairement déterminé et identifié. Il ne portera pas à confusion avec celui de l’association. Dans ce cas, la détention des titres de la société constituera, en elle-même, un secteur lucratif dans l’association. Par la suite, l’administration exigera, si l’association souhaite conserver son identité non-lucrative, que cette dernière ne prenne pas une part importante dans la gestion de sa filiale. Il est donc préférable que le projet économique de la filiale s’oriente vers un choix de développement autonome confié à des dirigeants distincts.
Par ailleurs, les moyens et ressources seront affectés de manière précise ; ils seront limités à la société. De plus, il sera possible de chercher des modes de financement identifiés (banques, apports d’autres structures…). Enfin, le mode de gouvernance sera spécifique et adapté en conséquence.
Ainsi, le seul lien qui persiste sera celui de la détention capitalistique, totale ou partielle, entre l’association mère et sa filiale.
Lorsque des relations privilégiées entre l’association et la filiale sont caractérisées, l’ensemble des activités du groupe est lucratif, sans possibilité de sectorisation. Dès lors, l’association est passible des impôts commerciaux sans pouvoir bénéficier de la franchise. La soumission aux impôts d’une activité filialisée peut engendrer des opportunités fiscales (suppression de la taxe sur les salaires, par exemple, …), qu’il convient d’évaluer face aux éventuelles menaces (perte du mécénat ou de subventions).La création d’une filiale s’inscrit dans une réflexion stratégique en matière de gouvernance et de responsabilité.
Lorsque l’entité a déjà développé des activités lucratives et que le montant annuel des recettes de ces dernières vient à dépasser le montant de la franchise (78.596 euros pour 2024), il convient de transférer l’activité lucrative dans une structure juridiquement distincte. Dans ce cas, un apport partiel d’actif à une société nouvelle ou préexistante conviendra. En contrepartie, l’entité reçoit des titres de la société commerciale à laquelle son activité lucrative est apportée.
Les conséquences de cette opération sur le caractère non-lucratif de l’association s’analysent selon trois situations :
On voit donc, que « l’ensemblier » associatif apparaît comme plusieurs structures juridiquement indépendantes les unes des autres mais en fait soumises à une unité de décision économique. Sa constitution permet l’implantation sur de nouveaux marchés, l’optimisation du financement ou encore la diversification des activités.
Lors de la création d’une filiale, l’entité choisira au préalable la nature de la société. L’entité qui souhaite rester « seul maître à bord » adoptera la forme de l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée puisqu’une seule personne morale peut constituer une telle entreprise à condition de désigner un gérant de la société, personne physique.
Une société par actions (SAS) peut être constituée d’un associé unique. Elle est une forme privilégiée de création de filiale, dès lors qu’un développement significatif est attendu.
L’ensemblier associatif pourra être créé avec une ou plusieurs filiales commerciales, mais aussi dans l’objectif d‘une externalisation de son patrimoine immobilier au sein d’une SCI.
La détention de titres d’une société commerciale par un organisme sans but lucratif peut entraîner des conséquences sur son caractère non-lucratif :
Dans ce cas, les produits de participation sont soumis à l’impôt au taux de 15% sur les revenus de capitaux mobiliers (déclaration N°2070).
La simple détention par un organisme d’une partie du capital d’une société n’est pas à même en soi de remettre en cause son caractère non-lucratif général. Si la détention est minoritaire, il y a présomption de gestion passive. Si l’organisme ne joue, dans la société, aucun rôle de gestion actif, la gestion peut être considérée comme patrimoniale. Dans cette hypothèse, les titres de la société font partie du patrimoine de l’organisme qui demeure non-lucratif.
Cela suppose la création d’un secteur lucratif imposable afin que ne soit pas remis en cause le caractère non-lucratif de tout l’organisme. Cette situation existe notamment en cas de participation majoritaire et de dirigeants communs.
Il convient d’être attentif aux situations de fait car l’administration fiscale ne retient pas toujours systématiquement comme patrimoniale, la détention d’une participation majoritaire dans le capital de la filiale. Cela étant, la détention majoritaire du capital n’est pas suffisante pour qualifier la gestion de gestion active. Il convient de s’interroger sur le point de savoir si l’organisme intervient concrètement et de façon importante dans la gestion de sa filiale. Dans cette situation, il est considéré que l’organisme exerce une activité lucrative de gestion de titres et alors, il convient d’appliquer à la gestion de ces titres une sectorisation de cette activité. Si l’activité de gestion de titres n’est pas prépondérante, le secteur lucratif peut être limité à la seule détention des titres.
Elles sont considérées comme lucratives. Dans ce cas, la complémentarité économique est la situation dans laquelle l’activité non-lucrative tend à développer l’activité de la société commerciale et celle dans laquelle cette dernière confère à l’activité non-lucrative de l’organisme, par contagion de ses propres buts et pratiques commerciales, tout ou partie des avantages liés au recours au marché.
Dans ce cas, la détention des titres de la société commerciale constitue un secteur distinct fiscalisé au sein de l’organisme.
Si l’association se contente de détenir les parts sociales de sa filiale commerciale, sans intervenir dans sa gestion, elle n’encourt, en principe, du fait de cette filialisation aucun risque fiscal. Les dividendes perçus d’une société française sont assujettis pour les exercices clos depuis le 31 décembre 2009, au taux d’impôt sur les sociétés de 15 %.
En revanche, si elle intervient de façon active dans la gestion de la filiale (c’est le cas notamment lorsqu’elle est l’associée unique d’une EURL ou d’une SASU), ou lorsque la filiale a reçu dans le cadre d’un apport partiel d’actif une branche d’activité lucrative précédemment exploitée par l’association elle-même, la gestion des titres de la société constitue un secteur distinct lucratif, au sein de l’association. Celle-ci devient redevable de l’impôt sur les sociétés au taux commun sur les dividendes perçus.
Néanmoins, le régime fiscal des « sociétés mères-filles » limite l’incidence de cette fiscalisation. Si ce secteur n’est pas prépondérant, les activités non-lucratives prépondérantes de l’association demeurent exonérées.
Enfin, si l’association conserve avec sa filiale une complémentarité économique, procède à une répartition de clientèle ou à des échanges de services, ou lorsque la société assume des charges relevant de l’association, cette dernière peut être fiscalisée sur l’ensemble de ses activités sans possibilité de sectorisation.
Cette hypothèse devrait essentiellement viser des situations dans lesquelles l’activité de l’association tend à favoriser l’activité commerciale de la filiale (existence de relations privilégiées avec une entreprise) ou encore lorsqu’il existe une confusion de gestion et de patrimoine entre les deux structures. Mais la seule complémentarité entre l’activité de la filiale et celle de l’association est insuffisante pour entrainer l’assujettissement de l’association aux impôts commerciaux.
Filialiser consiste à transférer les activités lucratives dans une structure juridiquement distincte. Cela implique l’apport partiel de l’activité lucrative à une société nouvelle (ou préexistante). Pour être réalisable au sens de la loi ESS du 31 juillet 2014, cet apport doit porter sur une branche complète et autonome d’activité. En contrepartie, l’association reçoit des titres de la société commerciale à laquelle son activité lucrative est apportée (dans le cas d’apport à une société).
De ce fait, elle peut bénéficier du régime de faveur des fusions sous condition de créer un secteur lucratif pour les titres qu’elle reçoit en échange. Cela veut dire que les plus-values qui résultent de cette opération se trouvent en sursis d’imposition. Il s’agit d’un mécanisme fiscal permettant de différer l’imposition des plus-values réalisées lors de l’apport de titres à une société soumise à l’impôt sur les sociétés (IS) jusqu’à la cession ultérieure de ces titres.
Le régime mère-fille est une option fiscale permettant, à l’entité bénéficiaire d’une distribution de dividendes, d’exonérer une partie importante de son impôt sur les sociétés sous réserve d’une réintégration d’une quote-part de 5% pour frais et charges dans sa base imposable. Il s’applique à des ensembles détenus dès lors que le pourcentage de détention est d’au moins 5%.
Plusieurs conditions doivent être remplies pour pouvoir bénéficier de l’application du régime mère-fille :
L’exonération prévue par le régime mère-fille n’est pas automatique. L’option doit être formulée par l’entité mère du groupe. Elle s’applique annuellement et n’est soumise à aucun formalisme. L’entité mère doit juste porter les mentions nécessaires sur sa liasse fiscale et ce, pour permettre l’exonération des produits distribués par la filiale et la réintégration de la quote-part de frais et charges de 5%.
Le régime mère-fille constitue un régime fiscal particulièrement favorable aux groupes constitués avec une filiale commerciale qui distribue des dividendes. Les conditions sont en effet très souples pour les structures désireuses de bénéficier de l’exonération. Ce régime fiscal favorise ainsi les « remontées » de bénéfices vers l’association mère pour lui permettre de réaliser sereinement ses projets non-lucratifs, ce qui est très souvent le cas de son objet.
Philippe Guay
Expert-comptable, commissaire aux comptes, spécialisé ESS
Philippe est un expert-comptable et commissaire aux comptes qui a accompagné pendant de nombreuses années de multiples associations, fonds et fondations.