Fiscalité, Mécénat
Date de publication : 05/02/2021
Solène Girard
La loi de finances pour 2019 a créé une nouvelle obligation pour les entreprises, inscrite à l’article 238 bis, 6 du Code général des impôts (CGI). Ainsi, les entreprises doivent, pour les exercices ouverts depuis le 1er janvier 2019, établir une déclaration fiscale lorsqu’elles ont consenti plus de 10 000 € de dons durant l’année. Sont concernés l’ensemble des dons et versements réalisés au cours d’un exercice et dont la somme dépasse 10 000 €. Si cette obligation semble ne concerner que les entreprises mécènes, les organismes bénéficiaires ont également leur rôle à jouer.
La déclaration des dons est effectuée par l’entreprise en même temps que le dépôt de sa liasse fiscale. Elle doit comporter les montants et dates des dons (quels que soient leurs montants), l’identité des bénéficiaires ainsi que la valeur des biens et services reçus, directement ou indirectement, en contrepartie. C’est sur ce dernier point que les organismes d’intérêt général identifiés à l’article 238 bis du CGI sont concernés, et notamment les associations d’intérêt général, les fondations, les fonds de dotation et les fondations d’entreprises.
En effet, selon les commentaires de l’administration fiscale, les organismes d’intérêt général bénéficiaires des dons sont tenus à une obligation d’information de l’entreprise mécène. L’administration fiscale indique expressément que toutes les contreparties reçues par l’entreprise doivent faire l’objet d’une valorisation, laquelle doit être effectuée non par l’entreprise versante, mais par l’organisme d’intérêt général qui accorde la contrepartie. L’entreprise versante déclare la valeur des contreparties directes accordées par le bénéficiaire des dons et, le cas échéant, des contreparties indirectes accordées par un autre organisme.
Pour la valorisation de cette contrepartie, l’administration distingue selon qu’il existe ou non une convention de mécénat. Dans le premier cas, la valeur de la contrepartie sera celle inscrite dans la convention. À défaut de convention de mécénat, ce sera le prix de vente du bien ou du service faisant en principe l’objet d’une offre commerciale. Lorsque ce n’est pas le cas, la valorisation se fait au coût de revient (ensemble des coûts supportés par l’organisme bénéficiaire pour acquérir ou produire le bien ou le service objet de la contrepartie).
Il est intéressant de prendre connaissance des exemples proposés par l’administration fiscale pour illustrer les règles évoquées ci-dessus. En effet, par ce moyen, elle donne des informations essentielles pour la valorisation des contreparties en donnant même un pourcentage maximum pour les contreparties immatérielles comme les contreparties en termes d’image (apposition du nom ou du logo de l’entreprise, notamment), avec une analyse qui se fera selon le rayonnement géographique de l’organisme bénéficiaire.
Rappelons qu’un don suppose une intention libérale et ne doit, en principe, pas avoir de contrepartie. Il est admis, à titre dérogatoire, qu’un don puisse avoir une contrepartie sans remettre en cause le bénéfice du régime du mécénat, à condition qu’il existe une disproportion marquée entre les sommes données et la valorisation de la contrepartie. Le Conseil d’État a d’ailleurs récemment rappelé dans une affaire concernant une contrepartie en termes d’image que « si le bénéfice de la réduction d’impôt prévue par ces dispositions n’est pas susceptible d’être remis en cause par la seule circonstance que le nom de l’entreprise versante soit associé aux opérations réalisées par l’organisme bénéficiaire du versement, il ne saurait toutefois être admis qu’à la condition que la valorisation du nom de l’entreprise ne représente, pour cette dernière, qu’une contrepartie très inférieure au montant du versement accordé » (CE, 20 mars 2020, n° 423664).
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Dans un premier exemple, l’administration s’intéresse à une entreprise qui soutient financièrement l’organisation d’une exposition temporaire d’un musée pour 70 000 €. Plusieurs contreparties sont alors accordées par le musée à l’entreprise. D’une part, des contreparties matérielles valorisées à 10 000 € et détaillées ainsi : mise à disposition d’un espace de réception pour une soirée, valorisée 5 000 €, 100 laissez-passer pour l’exposition, valorisés 10 € l’unité, soit 1 000 €, 80 catalogues, valorisés 50 € l’unité, soit 4 000 €. Des contreparties immatérielles, d’autre part, consistant en l’apposition du nom et du logo de l’entreprise sur l’ensemble des supports de communication du musée relatifs à l’exposition temporaire. L’administration précise ici que « la valorisation de ce type de contrepartie immatérielle ne peut excéder 10 % du montant du don de l’entreprise ».
Elle précise ensuite que dans le cas d’espèce, et compte tenu du rayonnement régional du musée, ce dernier valorise la contrepartie d’image à hauteur de 5 % du montant du don, soit 3 500 €. Si le musée avait eu un rayonnement excédant la région, l’administration précise que la valorisation de la contrepartie se serait élevée à 10 % du montant du don de l’entreprise, soit 7 000 €.
Un deuxième exemple s’intéresse à une entreprise qui soutient l’organisation d’un tournoi par une association sportive locale à hauteur de 12 000 €. En contrepartie, le nom et le logo de l’entreprise sont inscrits sur un des panneaux du stade de l’association pour la tenue du tournoi. La règle de valorisation ne pouvant excéder 10 % du montant des dons effectués est rappelée, sauf qu’au cas présent, compte tenu du rayonnement limité au niveau local, l’association sportive valorise cette contrepartie pour un montant nul.
Le troisième exemple concerne une entreprise finançant une conférence sur une thématique environnementale en réalisant un don financier de 20 000 € à l’association organisatrice. En contrepartie, celle-ci met en place des sessions de sensibilisation sur le thème du développement durable pour les salariés de l’entreprise. Si ces sessions font l’objet habituellement d’une offre commerciale, la valorisation de la contrepartie à déclarer sera le prix de vente de cette prestation. À défaut d’offre commerciale, l’association valorisera ces séances à leur coût de revient, c’est-à-dire les salaires et charges sociales de personnel, le matériel et la location de la salle de formation, pour un total de 1 500 €.
Pour aller plus loin :
BOI-BIC-RICI-20-30-20 §130 et suivants
Solène Girard
Responsable Nationale Marché Economie Sociale
Solène est Responsable nationale de la ligne de marché « Economie Sociale » chez In Extenso. Dans ce cadre, elle anime et coordonne le réseau pour le marché spécifique des associations et de l’économie sociale.