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Les prêts et opérations de trésorerie entre organismes sans but lucratif

Date de publication : 12/09/2025

#Article

Philippe Guay

La loi du 15 avril 2024 (loi n°2024-344 du 15 avril 2024 visant à soutenir l’engagement bénévole et à simplifier la vie associative) introduit dans le code monétaire et financier la possibilité pour les associations membres d’un même groupement ou entretenant entre elles des relations croisées, fréquentes et régulières sur le plan financier ou économique, de recourir à des conventions de trésorerie.

Le texte de loi a pour but :

  • De simplifier les conditions de prêt entre associations, via des contrats de prêts approuvés par l’organe de direction de l’organisme prêteur.
  • De permettre l’établissement de conventions de trésorerie entre associations membres d’un même groupe associatif, afin d’optimiser leur trésorerie et d’éviter le recours systématique à des emprunts bancaires.

Nous avions annoncé l’approbation de ces dispositions dès le vote de la loi, mais son application restait soumise à la publication d’un décret.

C’est désormais chose faite et le ministère a publié deux décret au mois d’août que nous commentons, ci-après. Ces textes permettent de définir les organismes concernés ainsi que les conditions, notamment de publicité, et les limites dans lesquelles ces organismes peuvent octroyer des prêts (Décret n° 2025-779 du 7 août 2025 relatif aux prêts entre organismes sans but lucratif ; Décret n° 2025-780 du 7 août 2025 relatif aux opérations de trésorerie entre organismes sans but lucratif).

L’évocation du sujet nous permet de décrire la réglementation des prêts et opérations de trésorerie entre organismes sans but lucratif en France.

Introduction

Les organismes sans but lucratif (OSBL), tels que les associations, fondations et fonds de dotation, jouent un rôle essentiel dans la vie sociale et économique française. La gestion de leur trésorerie est cruciale pour assurer la pérennité de leurs actions. Traditionnellement, les OSBL étaient soumis à des restrictions strictes concernant les opérations de prêt et de trésorerie, afin de respecter le monopole bancaire. Cependant, des évolutions législatives récentes, induites par la loi du 15 avril 2024 sus-évoquée ainsi que les décrets du 7 août 2025, ont assoupli ces contraintes, permettant une plus grande flexibilité tout en encadrant rigoureusement ces pratiques.

Cadre juridique général

Le monopole bancaire

En effet, selon l’article L. 511-5 du Code monétaire et financier (CMF), seules les entités agréées en tant qu’établissements de crédit ou sociétés de financement peuvent réaliser des opérations de crédit à titre habituel. Cette disposition vise à protéger le système financier et les emprunteurs.

Dérogations pour les OSBL

Toutefois, des dérogations ont été introduites pour permettre à certains OSBL de consentir des prêts dans un cadre strictement défini. La loi n° 2021-875 du 1er juillet 2021 a introduit une première exception, autorisant les prêts entre associations d’un même réseau, sous conditions. Cette dérogation a été élargie par la loi n° 2024-344 du 15 avril 2024, puis précisée par les décrets n° 2025-779 et n° 2025-780 du 7 août 2025. Désormais, l’interdiction relative aux opérations de crédit ne s’applique plus aux organismes sans but lucratif qui, dans le cadre de leur mission et pour des motifs d’ordre social, accordent, sur leur ressources propres, des prêts à conditions préférentielles à certains de leurs ressortissants.

De même, cette interdiction ne s’applique plus lorsque des organismes sans but lucratif consentent, à titre accessoire à leur activité principale, des prêts à d’autres organismes sans but lucratif avec lesquels ils entretiennent des relations étroites, telles que l’adhésion, ou avec lesquels ils participent à un groupement prévu par la loi ou constitué sur une base volontaire.

Afin d’assurer une transparence et une responsabilité accrues, les prêts ainsi accordés doivent faire l’objet d’un contrat de prêt approuvé par l’organe de direction de l’organisme. La liste, les conditions et le montant des prêts consentis sont mentionnés dans le rapport de gestion ou d’activité et l’annexe aux comptes annuels.

Le décret n° 2025-779 du 7 août 2025 : prêts entre OSBL

Le décret qui vient d’être publié précise les conditions dans lesquelles un OSBL peut consentir un prêt à un autre OSBL.

Conditions d’éligibilité

Les prêts peuvent être accordés à titre accessoire par un OSBL relevant de l’une des catégories mentionnées au 1° du 7 de l’article 261 du Code général des impôts (rappel : ceux qui exercent des services de caractère social, éducatif, culturel ou sportif rendus à leurs membres par les organismes légalement constitués agissant sans but lucratif, et dont la gestion est désintéressée, mais également tous les autres organismes cités aux alinéas 1 b à 1 quater de cet article tels que les œuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée, les organismes mentionnés au premier alinéa du 1 bis de l’article 206, les associations intermédiaires conventionnées dont la gestion est désintéressée, les associations agréées en application de l’article L. 7232-1 du code du travail ou autorisées en application de l’article L. 313-1 du code de l’action sociale et des familles, et dont la gestion est désintéressée et les lieux de vie et d’accueil mentionnés au III de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles), à un autre OSBL de la même catégorie, sous réserve de l’une des conditions suivantes :

  • Ils doivent appartenir à un même groupement : Les deux organismes sont membres d’un groupement tel qu’un groupement de coopération sociale ou médico-sociale, un groupement d’intérêt économique, une fédération sportive, etc. ;
  • Il doit exister entre eux des relations étroites : Les deux organismes entretiennent des relations étroites caractérisées par des activités interdépendantes, une gouvernance commune, ou l’établissement de comptes combinés.

On voit, ici, que cette exigence peut donner un regain d’intérêt à la présentation de comptes combinés pour certaines unions, fédérations ou groupements d’associations, qui auraient intérêt à instaurer de tels prêts entre eux.

Conditions du prêt

Selon les dispositions du décret, le prêt doit respecter plusieurs conditions :

  • Formalisation : Un contrat de prêt approuvé selon les modalités de l’article L. 612-5 du Code de commerce (rappel : cet article traite des conventions règlementées dans les associations lorsqu’il existe des relations particulières entre l’association et l’un de ses dirigeants). Cela veut dire que lorsque le contrat de prêt visera cette situation particulière concernant un dirigeant de l’organisme prêteur ou emprunteur, cette convention devra être citée dans le rapport spécial soumis à l’approbation de l’organe délibérant.
  • Attestation : Une attestation établie par un commissaire aux comptes ou un expert-comptable, précisant le montant initial, le capital restant dû et le respect des règles applicables. Le décret précise que cette attestation doit être jointe au rapport de gestion ou d’activité de l’organisme prêteur.
  • Indépendance financière : Le prêt ne doit pas placer l’organisme emprunteur dans une situation de dépendance financière vis-à-vis du prêteur.
  • Durée et taux : Le prêt est consenti pour une durée maximale de cinq ans, à un taux n’excédant pas le taux moyen de rendement des obligations des sociétés privées (mentionné à l’article 14 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération). En réalité, ce taux maximal correspond au taux moyen de rendement des obligations des sociétés privées, majoré de deux points.
  • Montant : Le total des prêts consentis par un organisme au cours d’un exercice ne peut dépasser 50 % de sa trésorerie nette disponible à l’ouverture de l’exercice. Le montant de cette trésorerie nette est laissé à l’appréciation de la gouvernance de l’organisme, certainement assisté de l’avis de professionnels et experts.

Transparence

Les informations relatives aux prêts (liste, conditions, montants) doivent être retracées dans le rapport de gestion ou d’activité de l’organisme prêteur, ainsi que dans l’annexe de ses comptes annuels. L’attestation mentionnée doit également y être annexée.

Le décret n° 2025-780 du 7 août 2025 : opérations de trésorerie entre OSBL

Un décret spécifique encadre les opérations de trésorerie entre OSBL, telles que les avances de trésorerie.

Conditions d’éligibilité

Les opérations de trésorerie sont autorisées entre OSBL relevant des mêmes catégories que celles mentionnées ci-dessus (au 1° du 7 de l’article 261 du Code général des impôts), à condition :

  • Que les organismes concernés appartiennent à un même groupement : Les deux organismes doivent être membres d’un groupement tel que défini précédemment.
  • Qu’il existe entre eux des relations croisées : Les organismes entretiennent des relations croisées, fréquentes et régulières sur le plan financier ou économique, attestées par une gouvernance commune, des comptes combinés, une convention de gestion commune, ou l’appartenance à un même réseau.

Conditions des opérations

Le décret précise que ces opérations de trésorerie doivent respecter les conditions suivantes :

  • Formalisation : Une convention de trésorerie approuvée selon les modalités de l’article
    L. 612-5 du Code de commerce. Ainsi, comme pour les contrats de prêt, lorsque la convention de trésorerie concernera des organismes ayant des dirigeants communs, elle devra être citée dans le rapport spécial soumis à l’approbation de l’organe délibérant.
  • Attestation : Une attestation doit être établie par un commissaire aux comptes ou un expert-comptable, précisant le montant des opérations et le respect des dispositions applicables.
  • Taux : Les opérations sont consenties à un taux n’excédant pas le taux moyen de rendement des obligations des sociétés privées (mentionné à l’article 14 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération). En réalité, ce taux maximal correspond au taux moyen de rendement des obligations des sociétés privées, majoré de deux points.

Transparence

Les informations relatives aux opérations de trésorerie (liste, conditions, montants) doivent être retracées dans le rapport de gestion ou d’activité de l’organisme pivot.

Obligations comptables et de transparence

Les OSBL doivent respecter des obligations strictes en matière de transparence et de comptabilité lors de la réalisation de prêts ou d’opérations de trésorerie :

  • Rapport de gestion ou d’activité : Les informations relatives aux prêts et opérations de trésorerie (liste, conditions, montants) doivent être retracées dans le rapport de gestion ou d’activité de l’organisme prêteur.
  • Annexe aux comptes annuels : Ces informations doivent également figurer dans l’annexe aux comptes annuels, conformément aux dispositions comptables en vigueur.
  • Attestation d’un professionnel : Une attestation établie par un commissaire aux comptes ou un expert-comptable doit être annexée au rapport de gestion ou d’activité, précisant le montant initial du prêt ou de l’opération de trésorerie, le capital restant dû et le respect des règles applicables.

Ces obligations visent à assurer la transparence des opérations financières entre OSBL et à prévenir les risques de dérives ou de non-conformité.

Sanctions en cas de non-respect

Le non-respect des dispositions réglementaires relatives aux prêts et opérations de trésorerie entre OSBL peut entraîner des sanctions :

  • Sanctions administratives : Les autorités compétentes peuvent prononcer des sanctions administratives, telles que des amendes ou des interdictions temporaires d’exercer certaines activités.
  • Sanctions fiscales : Les avantages fiscaux dont bénéficient les OSBL peuvent être remis en cause en cas de non-conformité, entraînant des redressements fiscaux.
  • Responsabilité des dirigeants : Les dirigeants des OSBL peuvent voir leur responsabilité engagée en cas de manquements graves aux obligations légales et réglementaires.

Il est donc essentiel pour les OSBL de se conformer strictement aux dispositions en vigueur afin d’éviter ces sanctions.

Conclusion

Les décrets du 7 août 2025 ont marqué une avancée significative dans la réglementation des prêts et opérations de trésorerie entre organismes sans but lucratif en France. En assouplissant les conditions de réalisation de ces opérations tout en instaurant un cadre rigoureux, ils permettent aux OSBL de mieux gérer leur trésorerie et de renforcer leur coopération, tout en garantissant la transparence et la sécurité du secteur associatif.

Il est impératif pour les OSBL de bien comprendre ces nouvelles dispositions, de mettre en place des procédures internes adaptées et de solliciter l’accompagnement de professionnels compétents pour assurer leur conformité.

Auteur(s) :

Philippe Guay

Expert-comptable, commissaire aux comptes, spécialisé ESS

Philippe est un expert-comptable et commissaire aux comptes qui a accompagné pendant de nombreuses années de multiples associations, fonds et fondations.

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