4 min.

ESS

Fin de l’USAID : Comment les ONG s’organisent-elles ?

Date de publication : 21/08/2025

#Article

Charlotte Marchand

Le 24 janvier dernier : une onde de choc pour les ONG. À peine de retour à la Maison-Blanche, Donald Trump avait annoncé la suppression de 85 % des financements de programmes à l’étranger par l’USAID (Agence des États-Unis pour le développement international). Cette aide, instaurée par une loi du Congrès américain en 1961, représentait jusqu’alors environ 45 % de l’aide humanitaire déboursée à l’échelle mondiale. Ce sont donc près de 5 200 contrats qui ont été annulés.

Dans l’objectif de se recentrer sur les États-Unis, en réponse à sa doctrine du MAGA (Make America Great Again), le gouvernement de Donald Trump a décidé de couper les vivres à des milliers d’Organisations Non Gouvernementales (ONG) qui oeuvrent au quotidien pour la prospérité. Il ne s’agit donc pas seulement d’économiser « près de 60 milliards de dollars » : cette décision met en péril de nombreuses vies. Alors, comment les ONG parviennent-elles à survivre et à mener à bien leurs projets ? Triangle Génération Humanitaire (TGH) fait notamment partie des nombreuses organisations affectées par la suppression de l’aide nord-américaine. Fondée il y a maintenant plus de 30 ans par des membres d’Équilibre, une fameuse ONG lyonnaise, TGH est quant à elle une organisation à taille humaine. Elle a été pensée pour être moins bureaucratique, plus souple et proche du terrain. Composée d’une trentaine de salariés au siège, elle agit dans trois grands domaines d’intervention : tout ce qui concerne l’eau, notamment l’accès à l’eau potable et l’assainissement, la protection et la promotion de l’éducation, ainsi que la sécurité alimentaire. L’ONG intervient dans 13 pays, avec la particularité d’être encore présente en Corée du Nord.

« Et une des caractéristiques de TGH, c’est d’intervenir dans des zones où souvent les autres acteurs ne vont pas, ou se sont retirés. On est par exemple présent en Centrafrique (…) dans des zones assez éloignées comme la Vakaga, où les besoins sont importants. » Stanislas Bonnet, Directeur général de Triangle Génération Humanitaire

Pour l’année 2024, l’ONG avait un budget de 31 millions d’euros, qui était alors composé à 25 % par l’USAID. L’annonce de la suppression de l’aide a donc été un coup dur, d’autant plus que cette suppression s’inscrit dans une baisse globale des aides attribuées aux ONG ces dernières années.

La suppression de l’USAID où la goutte d’eau qui fait déborder le vase…

Le 20 janvier dernier, Donald Trump a repris place autour du bureau ovale. La fin de l’hiver approche, mais le climat est glacial pour les ONG. Le président nord-américain vient de signer un décret (Reevaluating and Realigning United States Foreign Aid) qui instaure alors un gel de 90 % pour l’ensemble des financements de l’aide étrangère américaine : l’USAID. Bien que l’aide internationale ait semblé plutôt être un objet bipartisan aux États-Unis depuis plusieurs années, l’arrêt soudain des financements américains a provoqué stupeur et incompréhension.

« Ce qui a surpris tout le monde, ça a été la rapidité, l’ampleur et, quelque part, donc la brutalité de ces coupes (…) personne ne s’attendait à ce niveau-là de coupes. » Stanislas Bonnet, Directeur général de Triangle Génération Humanitaire

Quatre jours après l’Executive Order, le Secrétaire d’État, Pete Marocco, ordonne un Stop Work Order suspendant tous les nouveaux projets et ordonnant l’arrêt des contrats et subventions en cours. Seules les interventions de “Life saving” (interventions considérées comme vitales) peuvent être maintenues. Or, du côté des ONG, les informations sont confuses. « C’était une situation assez chaotique, avec des informations parcellaires, contradictoires, difficiles à suivre (…) nos interlocuteurs de l’USAID étaient dans une incertitude, et on ne pouvait pas tout arrêter du jour au lendemain (…) on attend encore de savoir si ces coûts seront couverts », précise le Directeur général de Triangle Génération Humanitaire.

Suite à ces instructions, Triangle Génération Humanitaire a finalement dû stopper progressivement deux projets qui étaient alors entièrement financés grâce aux aides nord-américaines. Des projets importants avaient notamment débuté les années précédentes au Soudan et en Ukraine, que l’ONG espérait pouvoir poursuivre en 2025 malgré une baisse significative des aides internationales. La fin de l’USAID a donc été le dernier coup de massue sur cet espoir persistant.

Stanislas Bonnet souligne notamment le fait que « les coupes budgétaires ne sont pas qu’américaines, elles sont aussi françaises ». Selon Coordination Sud, l’Aide Publique au Développement (APD) en France a en effet été réduite d’environ 37 % dans le cadre du projet de loi de finances 2025, soit une baisse supérieure à 2,1 Md €.

Par conséquent, face au manque de moyens grandissant, l’ONG a dû geler les recrutements et n’a pas pu renouveler 4 des 30 postes au siège. Il est donc actuellement compliqué de mener à bien les projets en équipes réduites, mais le collectif prime.

Résister pour mieux se réinventer : le collectif au service de la solidarité internationale

En réponse à ces diverses coupes budgétaires, le secteur de l’humanitaire a joué de plus en plus la carte du collectif, en intervenant en coalition dans le débat public pour interpeller les décideurs politiques. Coordination Sud est justement l’une des plateformes françaises qui regroupe plus de 180 ONG, dont TGH. Au niveau métropolitain, TGH a organisé un groupe d’une douzaine d’ONG pour rappeler l’importance de l’aide publique et de la solidarité internationale. L’organisation a aussi décidé de se rapprocher encore davantage de ses partenaires locaux dans les pays où elle intervient. C’est le cas au Népal avec NACCFL (National Agriculture Cooperative Central Federation Limited), avec qui TGH intervient au Pakistan sur divers projets agricoles.

« On réfléchit de plus en plus à donner du « shift of power » à nos partenaires, c’est-à-dire donner le pouvoir décisionnaire aux organisations locales sur le terrain, pour agir au plus près des besoins (…) qu’on intervienne uniquement en soutien et non plus en donneur d’ordres. » Stanislas Bonnet, Directeur général de Triangle Génération Humanitaire

Cette collaboration inter-organisationnelle permet aussi de redonner de l’espoir et de la force vive au secteur humanitaire : « Il y a une majorité, parfois silencieuse, parfois inquiète, parfois un peu sidérée, mais qui est en mesure de se mobiliser pour changer le monde. Donc je veux garder foi et espoir dans cette capacité de changer. » souligne Stanislas Bonnet.

L’ONG réfléchit à ajuster son modèle économique, qui reposait jusqu’à présent uniquement sur les subventions publiques. L’organisation souhaite s’ancrer davantage sur le territoire lyonnais et envisage de s’ouvrir au mécénat de compétences : un moyen de mettre le collectif au service de la prospérité.

Auteur(s) :

Charlotte Marchand

Journaliste de solution

Contactez notre expert

Voir d'autres articles

Partagez cet article
Vous aimerez aussi...

newsletter Newsletter

Recevez nos actualités et des invitations à nos événements

*

Les données collectées serviront uniquement pour vous envoyer les lettres d’information. Vous pouvez à tout moment utiliser le lien de désabonnement intégré dans chaque envoi. En savoir plus dans notre politique de confidentialité.

Nos Experts

Nos experts vous répondent et vous accompagnent dans vos démarches

Contact rapide
close slider

    Contact rapide

    * champs obligatoires

    Les données collectées marquées d’un * sont obligatoires et serviront uniquement pour répondre à votre demande. En savoir plus dans notre politique de confidentialité .