Coronavirus - Covid 19, Juridique
Date de publication : 06/05/2020
Philippe Guay
Solène Girard
La situation exceptionnelle vécue actuellement par les associations peut être mise à profit pour repenser les statuts de l’association.
La crise sanitaire du coronavirus est intervenue en France à une période de l’année où la plupart des associations préparaient leurs réunions annuelles de conseils d’administration et d’assemblées générales pour présenter et approuver le résultat des activités de l’année écoulée. Les décisions, gouvernementales relatives au confinement de la population et à la cessation de nombreuses activités économiques et associatives ont eu pour effet de chambouler toutes les habitudes dans ce domaine. L’ordonnance n°2020-318 du 25 mars 2020 a permis aux différentes personnes morales, dont les associations, les fondations et les fonds de dotation, de pourvoir à cette situation d’exception et de reporter les différentes réunions d’arrêté des comptes et les assemblées générales convenues pour les approuver. Pour celles qui ont décidé de les maintenir, une seconde ordonnance leur a permis d’aménager les modalités de présence à distance à ces assemblées et de recourir à des processus adaptés tels que la visioconférence ou le vote à distance (ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020).
Cette situation de crise a été préoccupante et soudaine pour de nombreux dirigeants qui ont pris conscience de l’obsolescence des statuts de leur association et d’un mode de gouvernance qui n’a pas évolué en même temps que les moyens de communication actuels. Passée cette période de confinement et d’activité contrainte à des comportements réduits, il est indispensable de « rebondir » sur ce que nous avons tous vécu. Il est important, à nos yeux, de réfléchir sur ce que cette crise sanitaire nous a révélé et d’en tirer les enseignements. Un des effets collatéraux passera indiscutablement par une immense campagne de « modernisation » et « d’adaptation » des statuts et des modes de gouvernance des associations. Certes, tous les risques ne peuvent être évités par des dispositions statutaires. Certes, toutes les situations ne peuvent être réglées par une transcription cartographique des risques. Mais une réflexion s’impose dont les conclusions doivent nécessairement aboutir à une évolution des statuts.
Sans vouloir établir un inventaire exhaustif des sujets qu’il convient d’aborder ou de reprendre, la réflexion doit s’orienter sur les premiers articles des statuts de votre organisme. En effet, puisque vous allez vous lancer dans une nécessaire refonte de vos statuts, profitez-en pour revoir la définition de l’objet et des moyens de l’association et pour les mettre à jour en fonction des nouvelles activités qui auraient été développées. N’oubliez pas, à ce stade, de traiter l’aspect fiscal des activités de l’association car leur description devra être en totale harmonie avec la doctrine de l’administration fiscale et le positionnement retenu de votre organisme. Surtout si vous réalisez quelques activités lucratives accessoires qui méritent d’être précisées.
Pensez à revoir ou redéfinir les modes de gouvernance et la hiérarchie que vous entendez donner aux différents organes de gestion (bureau, conseil d’administration, comités ou commissions dont les travaux viendront assister les dirigeants…). Et n’oubliez pas de leur confier les pouvoirs qui leur seront nécessaires. La délégation d’un pouvoir à une personne ou à un collège de personnes doit permettre à un organe de gestion ou de réflexion de fonctionner de façon harmonieuse, dans les limites qui lui sont imparties. Réservez ensuite la décision finale au niveau que vous souhaitez dans l’organisation de votre association. L’objectif principal de la refonte de vos statuts et du règlement intérieur est porté par la situation conjoncturelle que nous avons connue avec l’arrêt de l’activité économique et le confinement de la population. Vos futurs statuts doivent intégrer des dispositions vous offrant la possibilité de pallier toute situation de blocage.
La loi et les règlements ne comportant pratiquement pas de dispositions particulières pour les associations et fondations, il convient donc d’introduire à ce niveau, dans vos statuts, la possibilité pour votre organisme de tenir ses réunions sous des formes compatibles avec des circonstances telles que celles que nous venons de vivre. Il peut donc être opportun de laisser la possibilité à l’assemblée générale de se réunir via une conférence téléphonique ou audiovisuelle. Les statuts devront alors prévoir l’organe compétent pour prendre la décision, les conditions dans lesquelles ces assemblées seront convoquées et préciser si certains sujets seront exclus lorsque ce mode de réunion sera choisi.
Il faudra aussi penser à la manière dont l’association répondra aux demandes de communication de documents des membres à distance. En s’inspirant de ce qu’a prévu l’ordonnance pour répondre à la crise, les statuts de l’association (ou le règlement intérieur) peuvent préciser que les moyens techniques mis en oeuvre devront transmettre au moins la voix des participants et satisfaire à des caractéristiques techniques permettant la retransmission continue et simultanée des délibérations. Des stipulations statutaires similaires pourront être adoptées en ce qui concerne les réunions du conseil d’administration ou de l’organe de gestion défini dans les statuts.
Et puisque vous êtes dans un exercice de refonte de vos statuts, n’hésitez pas à vous interroger sur leur mise à niveau depuis la réforme du droit des contrats de février 2016, notamment en ce qui concerne les délégations et mandats accordés aux dirigeants. Pour les associations reconnues d’utilité publique, plusieurs des recommandations évoquées ci-dessus sont prévues dans les nouveaux statuts types du Conseil d’État (version du 19 juin 2018).
D’une manière générale, essayez d’adopter une rédaction simple et pragmatique de vos statuts et de votre règlement intérieur. Il est inutile de réécrire les dispositions légales et réglementaires pour « étoffer » les statuts. Et surtout, n’inscrivez pas, dans vos statuts, de contraintes plus exigeantes que celles imposées par la loi et les règlements. C’est inutile. N’imaginez pas de situations trop complexes ou improbables qui risquent d’alourdir ou bloquer le fonctionnement de vos délibérations ou instances. Vous pourriez rapidement vous trouver devant des situations de blocage desquelles vous auriez bien de la peine à vous sortir, le moment venu.
Pour mettre en oeuvre ce chantier, nous vous recommandons de désigner un pilote qui se verra confier cette mission autour d’un comité de réflexion ou d’une commission réunie pour la circonstance. Cette dernière pourra, à tous moments, se rapprocher d’un conseil expert-comptable ou d’un avocat pour s’assurer que son plan de marche conduit le projet dans la bonne direction. Sa feuille de route doit être préparée a minima par le conseil d’administration dont quelques membres siégeront au sein de ladite commission afin de constituer un trait d’union avec la gouvernance principale. Il semble utile que le président, s’il ne participe pas à ces réunions, soit régulièrement tenu informé de l’évolution du texte en préparation.
Enfin, lorsque le projet sera abouti, il sera présenté à l’organe de gestion de votre association (ou au conseil d’administration) qui le validera en vue de le soumettre à l’approbation d’une assemblée générale des membres à caractère extraordinaire. Pour la présentation de cette réforme de vos statuts, n’hésitez pas à adopter un mode de communication clair et dynamique qui facilitera la compréhension des membres et leur adhésion à ces changements.
Présentez la démarche adoptée pour conduire la réflexion ainsi que les membres qui ont composé la commission de travail. Introduisez les changements apportés à chaque article des statuts, puis la rédaction du texte de l’article « avant » et celui que vous proposez.
Enfin, la loi vous donne 3 mois pour publier les nouveaux statuts de votre association en préfecture du siège de celle-ci (loi du 1er juillet 1901, art.5).
Philippe Guay
Expert-comptable, commissaire aux comptes, spécialisé ESS
Philippe est un expert-comptable et commissaire aux comptes qui a accompagné pendant de nombreuses années de multiples associations, fonds et fondations.
Solène Girard
Responsable Nationale Marché Economie Sociale
Solène est Responsable nationale de la ligne de marché « Economie Sociale » chez In Extenso. Dans ce cadre, elle anime et coordonne le réseau pour le marché spécifique des associations et de l’économie sociale.