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Fiscalité

Comment procéder à son autodiagnostic fiscal ?

Date de publication : 21/10/2024

#Article

Philippe Guay

Les organismes sans but lucratif, bien que généralement exonérés d’impôts commerciaux, doivent être attentifs à la nature lucrative de leurs activités et à la manière dont elles sont perçues par l’administration fiscale. Ce guide vise à éclairer les dirigeants d’associations sur les étapes essentielles à suivre pour évaluer leur situation fiscale grâce à l’autodiagnostic fiscal.

Instaurées depuis plus de 25 ans, les règles et principes qui constituent la doctrine fiscale applicable aux organismes sans but lucratif sont désormais bien stabilisées et connues de tous ses dirigeants. Les fondamentaux qui ont été dictés par le rapport du Conseiller d’État, Guillaume GOULARD, à l’été 1998 et les instructions fiscales qui s’en suivirent sont régulièrement confirmées par la jurisprudence et nul ne songe à les remettre en cause.

Les organismes sans but lucratif (OSBL), les associations visées par la loi du 1er juillet 1901 ainsi que les congrégations religieuses, les associations régies par la loi locale maintenue en vigueur dans les départements de la Moselle du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, les fondations reconnues d’utilité publique et fondations d’entreprise, les fonds de dotation, les syndicats, les CSE ne sont, en principe, pas soumis aux impôts commerciaux (impôt sur les sociétés de droit commun, contribution économique territoriale et taxe sur la valeur ajoutée). Ces entités restent redevables d’un impôt sur les revenus du patrimoine et elles sont assujetties aux impôts commerciaux lorsqu’elles exercent une activité lucrative.

Le contexte de la détermination du caractère lucratif des activités

Pour rappeler brièvement les conditions mises en place par le législateur et les différents services de l’état, le caractère lucratif de l’association est déterminé au moyen d’une démarche en trois étapes conduite pour chaque activité :

  • 1ère étape : chaque activité est réalisée sans recherche de bénéfice ni partage de profit entre les membres ou les dirigeants.
  • 2ème étape : l’association doit conduire un examen de sa situation au regard de la concurrence, ainsi qu’un examen des conditions dans lesquelles elle exerce ses activités selon la « règle des 4 P », qui consiste en leur analyse, classées par ordre d’importance décroissante :
    • Le « Produit » proposé par l’organisme ;
    • Le « Public » visé par l’organisme ;
    • Le « Prix » pratiqué ;
    • La « Publicité », soit les opérations de communication réalisées.
  • 3ème étape : l’association doit, enfin, rester attentive sur l’existence ou non de relations privilégiées avec des organismes ou entreprises du secteur lucratif qui seraient susceptibles de retirer un avantage concurrentiel de ce dispositif.

Depuis la mise en place de ces règles, l’administration fiscale a adopté, on l’a vu au cours des différentes lois de finances, quelques tolérances qui permettent à l’organisme, dans certaines circonstances et avec quelques limites, de rémunérer certains dirigeants ou encore de réaliser des opérations lucratives (dans la limite de 78.596 euros en 2024) sans que soit remis en cause son exonération fiscale. Mais l’association qui dépasse ces seuils a la possibilité de procéder à certains aménagements pour clarifier sa situation fiscale sans contestation. Le principe retenu consiste à isoler les activités lucratives pour qu’elles soient assujetties aux impôts commerciaux, comme pour une entreprise, et maintenir l’exonération fiscale aux activités purement associatives. Nous attirons tout particulièrement l’attention des organismes qui se trouvent dans cette situation car c’est souvent là que les contestations de l’administration s’exercent lorsqu’un contrôle fiscal intervient ou lorsque les activités lucratives se développent sans une vigilance suffisante des gestionnaires de l’association.

La déclaration d’un secteur distinct fiscalisé

La sectorisation permet de distinguer, dans la comptabilité de l’association, d’une part l’activité relative aux opérations non lucratives et d’autre part l’activité relative aux opérations lucratives. Cette distinction permet de mettre en évidence, pour les activités lucratives, l’assiette des impôts commerciaux. Cette sectorisation permet également de vérifier qu’une part prépondérante de l’activité reste à but non lucratif. Si ce point n’est pas validé, c’est l’ensemble des opérations de l’association qui sont assujetties aux impôts commerciaux (TVA, IS, CET…). La sectorisation comptable est une opération technique délicate dont les paramètres méritent d’être surveillés en permanence.

Le caractère non lucratif d’ensemble de l’organisme n’est pas contesté si les opérations lucratives sont dissociables de l’activité principale non lucrative. Il est nécessaire que l’activité non lucrative demeure significativement prépondérante car la partie lucrative ne doit pas orienter l’ensemble de l’activité de l’organisme. Ainsi, une association peut, sous certaines conditions, constituer un secteur dit “lucratif” qui sera seul soumis à l’impôt sur les sociétés, à la taxe sur la valeur ajoutée, et à la contribution économique territoriale.

De plus, si l’association collecte des ressources relevant du mécénat ouvrant droit à l’avantage fiscal pour les donateurs, celles-ci doivent impérativement et uniquement servir les activités non lucratives. Il en est de même pour les aides et soutiens apportés par les bénévoles qui ne peuvent pas servir au développement des activités lucratives. On comprend aisément que ces situations méritent d’être parfaitement maitrisées et suivies pour être démontrées et n’être pas contestées par les différents tiers ou administrations.

Une autre solution, la filialisation

La filialisation consiste pour une association de loger ses activités lucratives au sein d’une société commerciale dont elle détiendra tout ou partie du capital. Dans ce cas, la détention des titres de la société constituera, en elle-même, un secteur lucratif dans l’association. Par la suite, l’administration exigera, si l’association souhaite conserver son identité non-lucrative, que cette dernière n’occupe pas une part importante dans la gestion de sa filiale. Il est donc préférable que le projet économique de la filiale s’oriente vers un choix de développement autonome confié à des dirigeants distincts.

Quelles sont les bonnes questions à se poser pour un autodiagnostic fiscal réussi ?

L’association fournit-elle régulièrement (ou exclusivement) des prestations à des entreprises ?

  • Dans ce cas, l’administration fiscale considère, bien souvent, que les activités de l’association constituent le prolongement des activités lucratives de ces entreprises.  Le régime fiscal de l’association est donc intégralement lucratif.

L’association a-t-elle pour but d’exercer une activité complémentaire de celle d’un organisme du secteur lucratif dans laquelle un dirigeant de l’organisme aurait, directement ou indirectement, des intérêts ?

  • Dans ce cas, le fait de rémunérer un ou des dirigeants de l’association ou le fait qu’un dirigeant de l’association soit également dirigeant de l’entreprise qui bénéficie des services de l’association renforce le caractère lucratif des activités de celle-ci.

L’association rémunère-t-elle ses dirigeants au-delà des ¾ du SMIC ?

  • Il convient, ici, d’être particulièrement attentif au respect des règles de forme exigées par l’administration fiscale dans la tolérance administrative qu’elle attribue à cette exception.

Les dirigeants bénéficient-ils d’avantages en nature ?

  • La notion d’avantage en nature s’apprécie au cas par cas et de façon individuelle. L’évaluation des avantages attribués aux dirigeants doit être réaliste et obéir également aux conditions d’autorisation et d’acceptation prévues par les statuts de l’association.

Les membres de l’association peuvent-ils se faire attribuer une part de l’actif en cas de dissolution ?

  • Cette notion s’apprécie en fonction de dispositions statutaires particulières qu’il convient de surveiller et faire respecter, le moment venu.

L’association exerce-t-elle une activité similaire à celle d’entreprises ou d’organismes lucratifs du même secteur économique ou géographique ?

  • Il est possible que certaines associations réalisent des activités d’apparence commerciale mais qui satisfont un besoin particulier sur le plan économique ou social dans leur secteur géographique. Dans ce cas, l’absence de concurrence est à démontrer. Et à vérifier en permanence. Ce sujet a été l’objet de nombreux contentieux qui n’ont jamais bénéficié au secteur associatif.

L’association réalise-t-elle des actes payants au profit de personnes ne justifiant pas l’octroi d’avantages particuliers au vu de leur situation économique et sociale comme les chômeurs et personnes en situation de handicap notamment ?

  • Il s’agit du premier (et donc du plus important dans la hiérarchie) des « 4 P ». Le sens de la réponse à cette question emporte souvent la conclusion sur l’assujettissement ou non de l’organisme aux impôts.

L’association fixe-t-elle un prix équivalent pour des services de nature similaire rendus par le secteur lucratif ?

  • L’administration fiscale ne précise pas ce qu’il faut entendre par cette notion de prix « nettement inférieur pour des services de nature similaire » (sic).

Les tarifs pratiqués sont-ils identiques quelle que soit la situation des usagers ?

  • L’administration fiscale considère que « cette condition peut éventuellement être remplie lorsque l’organisme pratique des tarifs modulés en fonction de la situation des clients ».

L’association a-t-elle recours à des pratiques commerciales (publicité) ?

  • Ce critère, à lui seul, n’est pas suffisant pour remettre en cause le caractère non lucratif des activités de l’association. Toutefois, il est recommandé de s’en tenir à des opérations de « communication » et non de « publicité ».

L’association dispose-t-elle d’un site internet permettant de réaliser des ventes auprès de tout public ?

  • L’utilisation de telles méthodes commerciales est à proscrire si l’association entend préserver le caractère non-lucratif de ses activités.

Les opérations lucratives sont-elles prépondérantes ?

  • Ce critère est à surveiller en permanence. Là encore, cette notion de prépondérance ne porte pas seulement sur le seul critère de chiffre d’affaires et l’administration ne précise pas à partir de quel ratio le caractère lucratif est-il retenu ou non.

L’association est-elle dans l’incapacité de dissocier comptablement les charges et les produits se rattachant aux différentes activités lucratives et non-lucratives ?

  • Dans le cas où l’association est dans l’incapacité de dissocier comptablement les charges et les produits se rattachant aux différentes activités lucratives et non-lucratives, l’ensemble des activités de l’association est considéré comme lucratif.

Le sujet particulier de la TVA

Au-delà des questions relatives au régime fiscal des activités lucratives ou non de votre association, le diagnostic ne serait pas complet si vous ne meniez pas quelques réflexions indispensables sur l’application ou non de la TVA à vos activités. L’un étant étroitement lié à l’autre, l’administration fiscale considère que la présence d’activités lucratives entraine nécessairement l’assujettissement de ces dernières à la TVA. Sauf, si certaines particularités les en exonèrent.

Les conclusions auxquelles vous aboutirez ne sont pas anodines sur le plan économique et financier car les entités qui sont soumises à la TVA peuvent déduire la taxe qu’elles ont acquittée pour leurs achats de biens ou de services payée en amont de la taxe qu’elles facturent à leurs clients et usagers. Il en est de même pour la TVA grevant les investissements directement affectés aux équipements réservés au secteur assujetti. De plus, les associations employeurs ne seront assujetties à la taxe sur les salaires, dans certaines conditions, qu’à due proportion de la part non lucrative de leurs ressources.

Pour l’analyse de l’application, ou non de la TVA, on doit se référer aux textes spécifiques à cet impôt, notamment pour identifier les activités exclues du champ ainsi que les montants éventuels à partir desquels l’imposition s’applique. La TVA n’est pas un impôt qui tient compte de la structure juridique. C’est l’activité de l’association qui est prise en considération. Les associations entrent dans le champ d’application de la TVA dès lors qu’elles exercent une activité économique et qu’elles réalisent des opérations de ventes de biens ou de services.

De plus, les associations percevant souvent des subventions publiques, il conviendra d’être très attentif à l’existence ou non d’un lien direct entre la subvention et le service rendu ou les biens proposés.

Toutefois, même si elles entrent dans le champ d’application de la taxe, elles peuvent échapper, en tout ou partie, à la TVA si elles réalisent des opérations dont le montant est inférieur au montant de la franchise évoqué ci-dessus (78.596 euros par an pour 2024).

D’autres cas particuliers d’exonérations visent les associations qui ne rendent des services qu’à leurs membres ou lorsqu’elles organisent des manifestations de soutien ou de bienfaisance dans la limite de six par an.

Quelles sont les questions principales à se poser en matière de TVA ?

L’activité de l’association est-elle menée dans un cadre autre qu’une mission d’intérêt général ?

  • Bien qu’elle ne soit pas définie par un texte légal, la notion d’intérêt général retenue par la doctrine fiscale sous-entend l’absence d’activités lucratives qui, bien souvent, entrent dans le champ d’application de la TVA.

L’activité de l’association constitue-t-elle le prolongement naturel et librement organisé de l’activité indépendante de ses membres et les sommes versées à l’association constituent-elles en réalité la contrepartie d’une opération réalisée au profit de la partie versante ?

  • Une réponse positive à ces deux questions, déjà observée pour l’appréciation du caractère lucratif de l’association, ne fait que confirmer son assujettissement à la TVA.

Les subventions complètent-elles le prix d’une opération imposable ?

  • Sur ce sujet, la jurisprudence de l’Union Européenne confirme l’assujettissement à la TVA dès lors qu’une subvention reçue vient compléter le prix d’une opération imposable pour permettre une tarification réduite d’une fourniture ou d’un service auprès du public.

Les cotisations versées par les membres offrent-elles plus qu’une simple contrepartie morale (droit de participer à l’assemblée générale, d’être éligible aux instances dirigeantes) ?

  • Cette situation doit s’apprécier clairement avec les éléments qui le démontrent. En effet, dès lors que le montant de la cotisation reçue des membres couvre également la fourniture de biens ou de services, le risque d’assujettissement à la TVA est présent. Il convient, pour cela de bien dissocier les deux éléments, sans ambiguïté.

Les services rendus s’adressent-ils à d’autres personnes que les membres de l’association ?

  • Dans ce cas (association ouverte), l’examen de la règle des « 4P » revêt toute son importance pour apprécier la situation concurrentielle des pratiques commerciales de l’association.

Les services rendus ont-ils un caractère autre que social, éducatif, culturel ou sportif ?

  • Ne pas oublier que l’article 261-7 du CGI limite l’exonération de TVA aux « services de caractère social, éducatif, culturel ou sportif rendus à leurs membres par les organismes légalement constitués agissant sans but lucratif, et dont la gestion est désintéressée. »

L’association effectue-t-elle des ventes accessoires à ses membres qui excèdent 10 % des recettes totales ?

  • « Il en est de même des ventes consenties à leurs membres par ces organismes, dans la limite de 10 % de leurs recettes totales. »

L’association exploite-t-elle un bar ou une buvette, réalise-t-elle des opérations d’hébergement ou de restauration ?

  • « Toutefois, demeurent soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, les opérations d’hébergement et de restauration, l’exploitation des bars et buvettes. »

L’association organise-t-elle plus de six manifestations par an de bienfaisance et de soutien ?

  • Au-delà de la sixième manifestation, les recettes de l’organisation de telles fêtes, animations ou spectacles sont soumises à la TVA. Pour identifier les manifestations de soutien ou de bienfaisance, l’association doit organiser sa comptabilité en conséquence et conserver toute documentation permettant de les justifier.

En ce qui concerne le secteur distinct d’opérations assujetties, les caractéristiques développées en matière d’impôt direct emportent les mêmes conséquences pour la TVA. En effet, la sectorisation n’est possible qu’à condition que les activités lucratives soient identifiables et non prépondérantes. Partant de ce constat, en ce qui concerne les opérations communes (charges et produits), il doit être possible d’organiser la répartition entre secteur assujetti (à la TVA) et secteur non assujetti par la mise en place de clés de répartition que vous pourrez justifier à l’occasion de toutes demandes de l’administration.

En cas de doutes, rapprochez-vous de votre expert-comptable.

Le principe de l’autodiagnostic fiscal vous permet de faire le point régulièrement sur la situation fiscale de votre association et de vous poser les bonnes questions. Si certaines de ces questions provoquent des doutes ou génèrent de nouvelles interrogations, n’hésitez pas à vous rapprocher de votre conseil habituel. Il saura vous accompagner dans la réflexion.

L’expert-comptable peut vous assister dans le cadre de votre diagnostic fiscal et plus particulièrement si vous souhaitez interroger l’administration en rédigeant le questionnaire fiscal dans le cadre d’une procédure de rescrit.

Ainsi, avant toute prise de décision, l’expert-comptable sera à vos côtés pour analyser les différentes conséquences fiscales liées à la réalisation de certaines activités, pour accompagner votre association dans la mise en place éventuelle d’une sectorisation ou d’une filialisation. Et dans ce dernier cas, il orientera votre décision dans le choix du type de structure juridique la plus appropriée qu’il conviendra de retenir. Enfin, au moment de créer une filiale commerciale, la situation n’est pas la même selon que l’association crée une « nouvelle » activité commerciale ou selon qu’elle « apporte » une activité commerciale déjà existante.

Auteur(s) :

Philippe Guay

Expert-comptable, commissaire aux comptes, spécialisé ESS

Philippe est un expert-comptable et commissaire aux comptes qui a accompagné pendant de nombreuses années de multiples associations, fonds et fondations.

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