Comptabilité, Médico-social
Date de publication : 22/11/2021
Isabelle Prunier
Nombreux acteurs publics sont impliqués dans le secteur social et médico-social : Etat, assurance maladie, agences régionales de santé (ARS), collectivités locales… Chacun a un rôle déterminant dans le financement et impose des obligations strictes en matière comptable et budgétaire aux établissements porteurs des activités.
A ce jour, plus de 35 000 établissements et services existent pour répondre aux besoins et sont gérés de manière diverse en établissements publics, sous forme privée à but lucratif (pour les EHPAD notamment) et majoritairement sous forme associative.
Vu le niveau des concours publics dédiés chaque année à ce secteur, chaque établissement doit s’organiser pour respecter un cadre réglementaire qui devient de plus en plus complexe pour les équipes internes et demande une énergie de formation constante et/ou un accompagnement extérieur.
Ils doivent faire face à de multiples réglementations (plan comptable des associations, respect des normes RGPD, obligations CPOM, etc.) ou aux décisions prises par les associations gestionnaires (rapprochements de structures, demandes d’extensions de places, dossiers de financement d’investissements, réponses à des appels à projet …)
Des obligations complémentaires sont venues perturber les habitudes du secteur social et médico-social : CPOM, EPRD, ERRD… Autant d’abréviations qui entraînent la nécessité de revoir son « langage » sectoriel et son organisation comptable et financière. Il faut se rappeler que, d’après l’article L313-14-1 du Code de l’action sociale et des familles (CASF), toute structure peut être contrôlée par les autorités de tarification.
Cet environnement place la comptabilité au cœur des prises de décisions et des engagements à prendre pour l’avenir.
La comptabilité dans le secteur médico-social suppose de s’intéresser à deux thématiques différentes : le plan comptable spécifique des ESMS (ou ESSMS) ainsi que les états de synthèse budgétaires et comptables.
Le changement du plan comptable et spécificités
Depuis le 1er janvier 2020, toutes les personnes morales privées à but non lucratif, gestionnaires d’ESSMS doivent respecter un nouveau plan comptable, les anciens textes du secteur n’étant plus applicables (CNC n°2007-05, CNC n°2019-04…).
Ce nouveau plan comptable est régi par le règlement ANC n°2018-06 du 5 décembre 2018 applicable aux structures associatives et par le règlement ANC 2019-04 du 8 novembre 2019 spécifique aux structures ESMS.
À découvrir :
Le secteur médico-social passe au nouveau règlement comptable en 2020
Parmi les modifications les plus significatives pour le secteur ESMS, les comptes « Fonds associatifs sans et avec droit de reprise » qui avaient été utilisés pour le financement d’investissements (comptes 102 et 103) ont disparu et ont été reclassés selon leur destination et les conventions d’origine.
Au-delà d’une bonne maîtrise de la comptabilité, le secteur social et médico-social applique certains mécanismes ou outils spécifiques, qu’il est bon de connaître. Nous pouvons citer :
Ces documents sont établis sur la base d’un plan de comptes spécifiques défini par un arrêté du ministère chargé de l’Action Sociale dénommé « M22 Bis ».
Les règles comptables, la présentation des comptes financiers, les bilans, les comptes de résultat, les rapports et les annexes sont donnés par les instructions budgétaires et comptables M22 bis pour les établissements médico-sociaux privés.
Deux situations coexistent encore :
1/ Aujourd’hui, la plupart des structures gérant des ESSMS ont signé ou sont en cours de négociation d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM). Issus de la loi 2002-2 rénovant l’action sociale et médico-sociale et définis dans les articles L. 313-11 du CASF, ce financement sur 5 années entraîne une refonte des organisations comptables et financières notamment avec l’accord de dotations pour un périmètre de structures.
De nouveaux cadres deviennent obligatoires notamment l’EPRD (État prévisionnel des recettes et dépenses).
L’EPRD est un véritable outil de gestion qui permettra de connaître la situation financière des structures et d’identifier les faiblesses de certains indicateurs (capacité d’autofinancement, taux de vétusté…). Le gestionnaire devra ainsi alerter et prendre les décisions qui s’imposent au cours des 5 années.
2/ Pour les structures hors du périmètre CPOM, un compte administratif doit être transmis aux autorités de tarification, ce compte comprend des tableaux imposés par les financeurs, son cadre est normé (bilan, compte de résultat, tableaux des rémunérations, …).
Les établissements qu’elles gèrent et bénéficiant de concours publics sont soumis à une réglementation particulière prévue par le CASF les conduisant notamment à produire, pour chacun d’entre eux, un compte administratif de clôture, en réponse à des exigences budgétaires.
Les organisations comptables et financières de certains ESMS peuvent parfois être anciennes et les équipes sont souvent préoccupées par des habitudes du passé.
Plusieurs questions doivent se poser et obligent très souvent les associations gestionnaires à réaliser des diagnostics externes pour permettre une transformation de leur service comptabilité.
Quelques exemples peuvent être cités :
La production comptable doit désormais devenir un moyen pour mettre en place des outils de d’aide à la décision. A l’heure de la digitalisation, il est essentiel de s’assurer que les outils sont en adéquation avec les besoins de l’association gestionnaire. Le contrôle de gestion devient une fonction support essentielle pour suivre l’avancée des activités et l’atteinte des objectifs prévus.
L’association gestionnaire doit anticiper et surtout ne pas attendre les difficultés ou les dialogues de gestion avec l’autorité. L’analyse financière et budgétaire permettra de suivre les indicateurs de performances, les objectifs fixés lors de la conclusion du CPOM, etc. Les notions de CAF (capacité d’autofinancement), de BFR, FRNG etc. sont désormais réclamés par les autorités de tarification.
La transformation de l’organisation comptable devient un réel défi pour le secteur et pour son avenir !
Isabelle Prunier
Expert-comptable, responsable régionale ESS Ile-de-France