Médico-social
Date de publication : 16/09/2024
Philippe Guay
Les Groupements de Coopération Sanitaire (GCS) et les Groupements de Coopération Sociale et Médico-Sociale (GCSMS) sont deux outils de coopération importants dans le secteur de la santé et du médico-social en France. Ils favorisent la coopération et l’optimisation des ressources dans leurs secteurs respectifs, contribuant ainsi à une meilleure prise en charge des patients et des usagers.
Conçu par la loi du 2 janvier 2002 portant rénovation de l’action sociale et médico-sociale et la loi « handicap » du 11 février 2005, le GCS ou groupement de coopération sanitaire s’inscrit dans le paysage des structures juridiques destinées à mettre en commun et gérer des équipements ou des activités de professionnels de santé en vue de développer un service efficient et rationnel auprès des usagers auxquels ces services sont destinés.
La nature juridique du GCS dépend de la nature des personnes qui le composent. Il doit, par obligation, comporter au moins un établissement de santé parmi ses membres. Lorsque celui-ci est exclusivement composé de personnes morales de droit public ou de professionnels médicaux libéraux, le GCS est de droit public.
À l’inverse lorsque le GCS est exclusivement composé de personnes morales de droit privé, le groupement est de droit privé.
Enfin, lorsque le groupement de coopération sanitaire comporte à la fois des personnes morales de droit public et de droit privé, il acquiert la nature juridique des personnes morales majoritaires au capital, ou à défaut de capital, majoritaires aux charges de fonctionnement du groupement. Par ailleurs, le GCS peut accueillir en son sein tous autres professionnels de santé ou organismes (avec l’accord du directeur de l’ARS), sans pour autant que ceux-ci ne disposent d’un droit de vote dans son fonctionnement. La nature juridique du GCS détermine les règles budgétaires et comptables applicables au groupement.
Le dispositif législatif et réglementaire a été complété par un important décret d’application qui a été publié le 6 avril 2006 inséré dans le livre III du Code de l’Action Sociale et des Familles. Depuis, ces textes ont subi plusieurs changements au fil des différentes réformes du système de santé en France.
L’existence et le fonctionnement du GCS reposent sur la mise en place d’une convention constitutive élaborée par ses membres puis transmise pour approbation et publication au directeur général de l’ARS du ressort de son siège. La constitution d’un GCS dépend de l’initiative de ses membres ou sur demande du directeur général de l’ARS. Dans ce cas, il s’agira d’un GCS exclusivement composé d’établissements publics de santé (EPS). Un GCS peut être constitué avec ou sans capital social, mais les statuts doivent toujours prévoir une participation des membres aux charges de fonctionnement.
Le GCS peut employer des salariés, personnels médicaux ou non. S’il est employeur, les salariés recrutés auront le statut dépendant de la nature juridique du GCS (public ou privé). Toutefois, les membres du GCS peuvent également mettre à disposition leurs propres salariés dans les conditions réservées aux organismes sans but lucratif. De même, le GCS peut bénéficier de l’appui de personnels qui lui sont détachés.
Par ailleurs, un GCS étant une personne morale distincte, il peut faire l’acquisition de tous biens et équipements nécessaires à l’accomplissement de son objet.
Dans le cadre de la mise en œuvre de ses activités, et selon les conditions et attachements qui sont prévus aux diverses conventions qui le lient avec ses membres, le GCS peut recevoir sous forme d’apports des contributions à divers moyens et soutiens matériels. Dans ce cas, la règlementation prévoit que la participation du GCS aux charges du groupement sont évaluées sur la base de leur valeur nette comptable ou de leur coût réel. Mais la participation des membres au fonctionnement du GCS peut se concrétiser par une contribution financière, une mise à disposition de locaux ou d’équipements, de matériels ou de personnels.
Le GCS de moyens est un organisme à but non lucratif. La convention constitutive du GCS est rédigée comme les statuts d’une association ou d’une société. Elle dispose la répartition des pouvoirs, l’organisation et le fonctionnement du groupement. En général, ce fonctionnement agit autour d’une assemblée générale des membres régie par cette convention. De même, il est couramment admis que les droits des membres sont proportionnels à leurs apports au capital ou, s’il n’y a pas de notion de capital, en fonction de leur participation aux charges de fonctionnement dans le groupement. Ils doivent être précisés dans la convention constitutive. Il n’y a pas de notion de présidence, mais les textes précisent qu’un administrateur compétent est élu par l’assemblée générale. Il reçoit les pouvoirs nécessaires pour mettre en œuvre les décisions prises par l’organe délibérant.
Les comptes du GCS de droit public relèvent de la mise en œuvre de la comptabilité publique. Dans ce cas, il est doté d’un agent comptable qui a été désigné à cette fonction par arrêté du ministre chargé du budget. Ce dernier met en œuvre les dispositions du décret n°62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique relatives aux établissements publics à caractère industriel et commercial dotés d’un agent comptable. Concernant l’affectation des résultats, pour les GCS de droit public, soumis aux règles de la comptabilité publique, le résultat n’est pas réparti entre les membres mais affecté lors de la clôture de l’exercice. Il n’est donc pas possible de prévoir la répartition des excédents ou des déficits entre les membres.
Les comptes du GCS de droit privé entrent dans le champ d’application du plan comptable général (PCG) ainsi que du règlement ANC n°2018-06 du 5 décembre 2018 relatif aux comptes annuels des personnes morales de droit privé à but non lucratif. Dans ce cas, il est également fait application de l’instruction comptable M22 bis réservée à ce secteur d’activité. Les comptes annuels sont obligatoirement certifiés par un commissaire aux comptes qui est nommé par l’assemblée générale. Concernant l’affectation des résultats, pour les GCS de droit privé, les résultats peuvent être répartis entre les membres, à condition que la convention constitutive prévoit une disposition expresse sur ce point, par exemple la répartition des résultats à proportion des droits. A défaut, le résultat est affecté dans les conditions prévues à l’article R.6133-3 du CSP, c’est-à-dire au renforcement des fonds propres.
Regard d’experts
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La loi n°2009-879 du 21 juillet 2009 dite HPST précise que lorsque le GCS comporte un nombre important de membres, il est possible de créer en son sein un comité restreint qui bénéficiera d’une délégation de représentation devant l’assemblée générale. Cet aménagement du texte permet ainsi une gestion plus souple de certains GCS. Cette dernière loi a, par ailleurs, apporté une importante évolution en permettant à certains GCS de recevoir directement le statut d’établissement de santé. Ainsi, ces GCS-Etablissements de santé sont désormais financés sur le fondement des règles tarifaires des établissements de santé. Ils se trouvent en relation directe avec le patient hospitalisé dont ils sont responsables de la prise en charge. Il est tenu aux mêmes règles de tout établissement de santé, notamment en matière de qualité et de sécurité des soins, de système d’information, suivi des données et certification HAS (haute autorité de santé).
Le groupement de coopération sociale et médico-sociale (GCSMS) constitue un instrument juridique récent issu de la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale et dont la majorité des règles se trouvent inscrites à l’article L.312-7 du code de l’action sociale et des familles (CASF).
Inspiré du groupement de coopération sanitaire, le GCSMS s’adresse spécifiquement au secteur social et médico-social et complète la palette d’outils qui existaient jusque-là en matière de coopération tels que les groupements d’intérêt économique (GIE), les groupements d’intérêt public (GIP), et autres associations de moyens.
Il permet aux établissements sociaux et médico-sociaux, quel que soit leur statut juridique, et éventuellement avec un ou plusieurs établissements sanitaires, de rassembler une partie, voire toutes leurs activités sociales et médico-sociales, pour les gérer en commun. Il permet aux établissements de collaborer de manière renforcée tout en offrant plusieurs avantages.
Le GCSMS est doté de la personnalité morale. Il poursuit un but non lucratif. Il permet aux acteurs du secteur social et médico-social une meilleure adaptation à l’évolution de leurs besoins. Il doit permettre des interventions communes de professionnels ou encore l’exercice direct de missions et prestations habituellement exercées par un établissement ou service du secteur social et médico-social. Il permet de mettre en œuvre la mutualisation de moyens (locaux, véhicules, personnel, etc.), la mise en commun de services (administration) ou d’équipements (restauration).
Le GCSMS permet à ses membres d’organiser et de formaliser la coopération et le partenariat. Cela va de la simple mise en commun de moyens, à la gestion d’un personnel à temps partagé jusqu’à l’exercice des missions des établissements et services sociaux et médico-sociaux.
La loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale et la loi « handicap » du 11 février 2005 ont précisé le cadre de la coopération en matière sociale et médico-sociale (art. L.3127 et suivants du CASF). Le décret du 6 avril 2006 pris pour l’application de la loi du 2 janvier 2002 a inséré dans le livre III du CASF une section dédiée aux différents groupements de coopération sociale et médico-sociale (GCSMS).
Comme pour le GCS, la nature juridique du GCSMS est déterminée en fonction des membres qui le constituent, public ou privé. Le groupement constitué à la fois de personnes morales de droit public et de droit privé choisira son statut mais, bien souvent, ce choix est dicté en fonction de l’organisme qui en a pris l’initiative ou qui prendra un poids déterminant dans la répartition des charges et des fonctions du groupement.
Un GCSMS peut être autorisé à exercer directement des missions et des prestations habituellement confiées à des établissements et des services sociaux et médico-sociaux (art. L.3121 du CASF) et à assurer directement, à la demande de l’un ou plusieurs de ses membres, l’exploitation de l’autorisation, après accord de l’autorité l’ayant délivrée. Dans ce cas, un protocole est annexé à sa convention constitutive.
Le GCSMS peut être constitué avec un capital. Les apports ne peuvent être ni des apports en industrie ni représentés par des titres négociables. Ils peuvent être fournis en espèces, sous forme de dotation financière des membres, ou en nature, sous forme de biens mobiliers ou immobiliers.
Lorsqu’il est de nature privée, le groupement de coopération ne peut dégager aucun bénéfice ou excédent.
Par rapport aux autres formes de groupements tels que le GIE ou GIP, par exemple, le GCSMS présente un intérêt non négligeable car il est le seul outil habilité par la loi à gérer des activités sociales et médico-sociales et à être titulaire des autorisations ou agréments nécessaires.
Dans les domaines sanitaire, social et médico-social, il est souvent fait recours au GIE principalement pour acquérir ou gérer des équipements d’intérêt commun (en particulier en imagerie), pour mutualiser des moyens matériels, ou pour fournir aux membres des prestations ou services auxiliaires à leurs activités respectives. Le GIE ne peut exploiter en propre une activité médico-sociale ou sociale car ce n’est pas une activité économique accessoire à celle des membres mais bien une activité à part entière.
Le GIP, lui aussi, permet à ses membres de mettre en commun des moyens pour qu’ils y exercent, eux et non le groupement lui-même, des activités d’intérêt général.
Comme pour tous les groupements dont la vocation consiste à répartir entre ses membres des charges et produits qui ont été mis en commun selon l’application d’une convention fondatrice, la règle comptable consiste à comptabiliser ces charges et ces produits en respectant la règle d’affectation « par nature ». Pour cela, il est fait application aux principes et comptes du plan comptable général (règlement ANC n°2014-03). La participation des membres aux charges et produits de fonctionnement du groupement apparait dans les comptes grâce à l’utilisation des comptes 6551 (participation aux pertes) ou 7551 (participation aux bénéfices) – quote-part de résultats sur opérations faites en commun dans le cadre d’un GCS ou GCSMS.
En matière de TVA, selon l’article 261 B du code général des impôts, les services rendus à leurs adhérents par les groupements constitués par des personnes physiques ou morales exerçant une activité exonérée de la TVA ou par laquelle elles n’ont pas la qualité d’assujetti, sont exonérés de cette taxe à la condition qu’ils concourent directement et exclusivement à la réalisation de ces opérations exonérées ou exclues du champ d’application de la TVA et que les sommes réclamées aux adhérents correspondent exactement à la part leur incombant dans les dépenses communes. Cette règle, bien connue du secteur associatif, s’applique dans les mêmes conditions aux GCSMS. Il convient donc que les dirigeants du groupement s’attachent à respecter strictement les conditions édictées par la doctrine fiscale sur ce sujet et restent attentifs en permanence à ne pas dévier des taux, montants ou fractions d’activité qui permettent au groupement de bénéficier de ce champ d’exonération.
Ce point revêt toute son importance lorsque le groupement est employeur et verse des salaires car sa situation en matière de TVA, selon qu’il est partiellement ou non assujetti, entraine obligatoirement des conséquences en matière de contribution à la taxe sur les salaires.
En matière d’impôt sur les sociétés, il est précisé que le GCSMS n’entre pas dans le champ d’application de l’impôt sur les sociétés prévu à l’article 206-1 du code général des impôts. Ils relèvent du régime des sociétés de personnes. Cela veut dire que chacun de ses membres est personnellement passible, pour la part des bénéfices correspondant à ses droits dans le groupement, soit de l’impôt sur le revenu, soit de l’impôt sur les sociétés s’il s’agit de personnes morales relevant de cet impôt, selon les règles prévues à l’article 238 bis-k du CGI, que ces bénéfices soient distribués ou non aux membres. Lorsque le GCSMS dégage des résultats déficitaires, ses membres peuvent imputer sur leurs bénéfice imposable la quote-part des déficits qui leur revient. Toutefois, le GCSMS peut opter pour son assujettissement à l’impôt sur les sociétés. Cette option est irrévocable.
Spécialement dédiés à un fonctionnement plus rationnel et harmonieux des organismes et professionnels évoluant dans les domaines de la santé ou de la gestion des établissements médico-sociaux, les GCS et GCSMS ont su prendre la place qui leur est réservée. Il convient de bien connaitre et maitriser les règles qui s’imposent à ces types de structures et d’en maitriser leurs modes de gouvernance.
A l’usage, les opérateurs ont trouvé de nombreuses vertus à ces groupements. La création de certains peut servir de banc d’essai avant la mise en œuvre d’une opération de fusion plus complète entre différents organismes. Dans d’autres circonstances, la création d’un groupement de coopération se révèle très utile et efficace pour gérer conjointement des équipements techniques lourds et couteux.
En toutes circonstances, notre recommandation est de veiller à la juste équitée dans la répartition des charges et la part que chaque membre tient dans l’organisation du groupement.
Philippe Guay
Expert-comptable, commissaire aux comptes, spécialisé ESS
Philippe est un expert-comptable et commissaire aux comptes qui a accompagné pendant de nombreuses années de multiples associations, fonds et fondations.