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Lire, bien plus que ressentir c’est se redécouvrir

Date de publication : 01/07/2025

#Article

Charlotte Marchand

« Lire, c’est boire et manger. L’esprit qui ne lit pas maigrit comme le corps qui ne mange pas. » Cette citation de Victor Hugo, maître des mots qu’on ne présente plus, illustre parfaitement le pouvoir de la lecture : celui d’alimenter ses pensées, de s’extirper du quotidien et d’oser lire, parfois, ce que l’on ne peut décrire. Alors, s’il y a un point commun entre la lecture en résidence pour personnes âgées et celle à destination des détenu.es en prison, c’est bien cette reconnexion avec l’émancipation. Coupées de la vie extérieure, et parfois de toute vie sociale, ces personnes trouvent dans la lecture un moyen de se reconnecter à elles-mêmes.

Selon une étude menée par l’université de Yale sur une période de douze ans, la lecture quotidienne allongerait l’espérance de vie de deux ans en moyenne. Lire ou écouter un récit conté, c’est en effet, s’ouvrir à un monde au-delà de soi. Que ce soit en prison ou en résidence, la solitude est bien trop souvent synonyme de perte d’aptitudes : d’aptitude à communiquer, à se repentir, à reconnaître ses fautes, ou encore à rêver. Nous verrons alors dans cet article comment la lecture peut amener à une libération de soi et redonner de l’espoir, en abordant les actions des associations Lire et Sourire (1) et Lire pour en Sortir.

Lire pour reconnecter avec nos aîné·es

Fin d’hiver 2020, le confinement est annoncé, les portes se ferment, le couvre-feu est mis en place et les visites en EHPAD, du jour au lendemain, s’effacent. Distance de sécurité oblige, le flux humain est limité et ce sont des milliers de personnes qui se retrouvent alors isolées. Face à ce constat, le Fonds Decitre décide d’envoyer des liseuses à plusieurs établissements de la région Auvergne-Rhône-Alpes afin que les résident·es puissent voyager par la lecture.
Rapidement, les maisons de retraite ont fait la demande de bénévoles pour faire la lecture. Devant l’enthousiasme suscité, le Fonds Decitre a mobilisé de nombreux bénévoles dans une trentaine d’établissements. C’est au bout de deux ans que l’association Lire et Sourire voit le jour pour intervenir au niveau national. Aujourd’hui, cinq ans de maturation plus tard, l’association est composée de 6 salariés et de 150 bénévoles qui interviennent dans 120 établissements de l’Hexagone.

« Au bout de deux ans, on s’est demandé pourquoi ça n’avait pas déjà été fait avant (…) Cela répondait à un vrai besoin, face à des personnes souvent très seules et isolées. »

Guillaume Decitre, président délégué et fondateur de Lire & Sourire

De Lyon à Tourcoing, en passant par Bordeaux, les nombreux bénévoles interviennent une à deux fois par semaine dans chaque résidence partenaire du programme. D’âges et d’horizons divers, les bénévoles recréent, à travers les livres, du lien social avec les résidents. Ils sont d’ailleurs formés par l’association à la lecture en public. Car bon lecteur n’est pas qui veut : Lire et Sourire veille en effet à l’accompagnement de ses bénévoles en leur proposant plusieurs sessions de formation.

Après avoir échangé sur leurs motivations, ils vont être accompagnés pour monter en compétences sur la prise de parole à voix haute, pour poser leur voix. La première session de lecture se fait en duo avec un·e bénévole plus expérimenté·e, qui sait comment interagir avec le public. Par ailleurs, il est demandé aux bénévoles de s’engager sur l’année : « l’objectif étant de réellement construire un lien avec les personnes qu’ils vont aller voir », souligne Guillaume Decitre.

Pour bénéficier de ces services, les établissements à but non lucratif doivent participer à hauteur de 200 euros à l’année, et ceux à but lucratif doivent quant à eux verser 800 euros afin de couvrir les frais des interventions. L’association fonctionne également avec le mécénat de compétences. Elle est notamment en partenariat avec Cultura, qui propose à ses salarié·es de prendre part aux sessions de lecture. Pour 2025, l’association a pour objectif de renforcer ses différents projets existants et est à la recherche de nouveaux partenaires et bénévoles. Selon Guillaume Decitre :

« La lecture force à réfléchir, à faire preuve d’attention, à imaginer (…) Quand on lit, on est ailleurs, on est dans notre imagination (…) dans le quotidien pas toujours drôle d’une maison de retraite, la lecture permet alors une petite évasion. »

Ehpad Thiers-Lyon 6 Michel Djaoui

Faire naître des passions pour favoriser la réinsertion

La lecture a un pouvoir : elle favorise l’imagination et est vectrice de reconnexion avec le temps présent. Mais qu’en est-il lorsque l’on se trouve derrière les murs d’une prison ?

Depuis 2014, l’association Lire pour en Sortir intervient au cœur des prisons françaises avec une conviction simple : la lecture peut être un levier puissant de réinsertion. Créée par l’avocat Alexandre Duval-Stalla, l’association propose aux détenu·es des programmes de lecture personnalisés. Chaque participant choisit un livre parmi une sélection de 300 ouvrages achetés localement. Il doit ensuite le lire et rédiger une fiche, pour ensuite échanger avec son référent. Ces fiches pourront également être transmises au juge d’application des peines, devenant un outil de valorisation dans le parcours pénal.

Au-delà du face-à-face individuel, l’association anime des ateliers collectifs et organise des rencontres d’auteur·es, tout en participant à la dotation des bibliothèques pénitentiaires. Depuis sa création, plus de 1G 400 personnes incarcérées ont bénéficié de ses actions dans une quarantaine d’établissements, en métropole comme en outre-mer.

Pour certain·es détenu·es, la lecture est une découverte totale. Elle leur permet de se reconnecter avec leur humanité, tout en s’échappant mentalement du quotidien carcéral. De plus, depuis 2021, Lire pour en Sortir a lancé le programme « Lire en Famille », avec pour objectif de maintenir le lien familial via la lecture.

Alors, entre création de lien et ode à l’humanité, la lecture prône le pouvoir des mots et donne l’espoir d’un regard nouveau.

(1) Est un Fonds de dotation reconnu d’intérêt général, issu de la librairie lyonnaise du même nom crée par Guillaume Decitre pour promouvoir la lecture et l’écriture auprès des publics éloignés du livre.

Auteur(s) :

Charlotte Marchand

Journaliste de solution

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