Gestion de société
Date de publication : 13/01/2025
Philippe Guay
Pour un très grand nombre d’associations, le sujet immobilier fait partie de leurs préoccupations essentielles. Dans plusieurs secteurs d’activité, la détention ou l’utilisation d’un immeuble adapté à l’accomplissement de l’objet associatif est indispensable. C’est le cas, par exemple, pour les organismes qui œuvrent pour des activités sociales ou médico-sociales, pour des activités de santé ou encore dans le domaine de la formation ou de l’enseignement. Les locaux doivent être conçus pour permettre le développement quotidien des animations assurées par ces associations qui sont, pour la plupart du temps, engagées avec des autorités publiques par des contrats qui les soumettent au respect de différents contrôles et règlementations.
Dans bien d’autres domaines, les associations rendent à la collectivité des services qui nécessitent de faire appel à des équipements spécialisés, immobiliers et plus, qu’elles ne peuvent financer elles-mêmes pour différentes raisons. C’est le cas notamment des organismes qui évoluent dans le domaine sportif ou socio-culturel qui n’utilisent que partiellement des équipements réalisés et entretenus par les collectivités locales.
Face à ces besoins fondamentaux, les associations montrent, selon leur historique, selon la stratégie insufflée par leurs gouvernances, des visages très différents.
Certaines d’entre elles pensent que la détention d’un patrimoine immobilier constitue une forme d’épargne et sécurise, en quelque sorte, la pérennité de l’association. D’autres ne vont retenir que l’objectif d’accomplir leur objet et considèrent que les ressources qu’elles perçoivent ne doivent alimenter que le fonctionnement courant de leurs activités. Ces deux logiques, propriétaire ou locataire, aboutissent nécessairement à des conséquences financières qui s’inscrivent dans le quotidien de l’association et dans ses charges de fonctionnement.
L’investissement immobilier nécessite une réflexion à long terme pour l’association et le secteur d’activité dans lequel elle évolue est un paramètre important à considérer. Ces deux points sont importants car il est plus difficile de reconsidérer son impact immobilier à court terme lorsqu’on est propriétaire au cas où les activités de l’association et la nature de ses équipements ne seraient plus adaptés. Ce raisonnement est particulièrement vrai si les locaux à construire sont complexes et peu adaptés à une reconversion vers d’autres activités en cas de cession. Ainsi, est finie l’époque où les associations gestionnaires d’établissements d’accueil pour handicapés s’installaient à grands frais dans des domaines ou châteaux anciens, impossibles à chauffer et éloignés de toute vie sociale. Il en est de même pour les associations qui rénovaient de vieilles « maisons » reçues en legs pour y ouvrir des EHPAD organisés sur un nombre incalculable de niveaux.
Si votre projet associatif vous incline à porter votre investissement immobilier vers la réalisation d’une création à caractère durable, c’est que votre réflexion préalable a déjà franchi certains seuils de simulations mettant en avant les avantages d’être propriétaire de votre « outil ».
Vous êtes convaincu que la constitution d’un patrimoine permettra de donner une image de pérennité et de stabilité à votre association. Vous pensez qu’en investissant dans un immeuble, vous réalisez une certaine forme d’épargne puisque, le montant que vous allez verser chaque mois pour amortir ou rembourser un emprunt, par exemple, remplacera le loyer qui constitue votre charge actuelle.
Être propriétaire vous donne également une certaine liberté d’action et de jouissance sur l’immeuble que vous achetez ou faites construire. Vous pourrez effectuer librement des travaux ou aménagements pour répondre à des besoins spécifiques de vos activités. Et si vous avez été prévenant, vous pouvez au moment de la première acquisition, vous réserver, selon les cas, une possibilité d’évolution foncière vous autorisant la réalisation d’extensions futures en accroissement ou de reprise d’activités nouvelles.
Sur le plan financier, votre projet doit être équilibré. Des fonds propres disponibles en suffisance vous permettront de réaliser l’apport d’autofinancement de l’association. Ces fonds sont indispensables en cas d’acquisition de terrain ou d’immeuble pour honorer les frais d’achat et de mise en conformité. Pensez, néanmoins, à conserver un fonds de roulement d’exploitation suffisant tout au long de l’année pour ne pas mettre votre trésorerie courante en difficulté. Soyez conscient que vous mobilisez une grande partie de vos disponibilités financières pour ce projet immobilier, ce qui réduira d’autant votre capacité à financer d’autre projets parfois plus immédiats.
Ensuite, si vous sollicitez une banque, votre plan d’investissement doit vous permettre de démontrer la capacité de votre association à rembourser les échéances de l’emprunt que vous comptez souscrire. Dans certains secteurs d’activité, et selon les caractéristiques de votre investissement, il est possible de solliciter des subventions auprès des pouvoirs publics ou de différents organismes. Il convient, pour cela, de constituer les dossiers dans des délais suffisants pour que l’aide convenue puisse s’inscrire dans votre plan de financement.
Pour les organismes habilités à recevoir des libéralités (dons, donations et legs), la mise en place d’une campagne d’appel spécifique pour financer votre projet peut constituer une bonne opportunité. Les sommes reçues permettent d’alimenter confortablement les ressources de votre plan d’investissement et de limiter autant l’appel aux emprunts. Dans certains secteurs d’activités, des réseaux fédératifs ont constitué des fonds ou fondations dont l’objet consiste également à aider à la réalisation de projets immobiliers portés par leurs affiliés.
Investir dans l’immobilier n’est pas un long fleuve tranquille. Lorsque vous avez décidé d’acquérir ou de construire votre prochain immeuble, il vous est fortement recommandé de constituer une « équipe de choc » au sein de la gouvernance de votre association. Regroupée autour de la présidence et de quelques administrateurs intéressés par le sujet ; cette « commission d’investissement » pourra recevoir quelques responsabilités pour suivre et mener à bien le projet d’investissement, tout en rendant compte régulièrement au conseil d’administration. Cette organisation confère une certaine souplesse au déroulement du projet et permet d’assurer l’interface avec les professionnels qui interviennent sur le terrain par des réunions de chantiers régulières (architectes, maîtres d’ouvrages, entreprises), mais également avec les administrations et collectivités locales.
Mais attention ! Le statut de propriétaire ne présente pas que des avantages. Il convient d’identifier certaines contraintes pour bien les maîtriser. Ainsi, comme exposé précédemment, la détention d’un immeuble en pleine propriété donne moins de flexibilité en cas de changement stratégique de l’association et de volonté de relocalisation sur un autre site. C’est pourquoi, lorsque vous réalisez un tel investissement, il faut toujours envisager les conditions d’avenir et sa cession éventuelle.
Par ailleurs, la détention d’un immeuble impliquera, pour vous, la prise en charge de travaux d’entretien qui incombent au propriétaire et dont vous aurez, désormais, la responsabilité.
Une association peut détenir directement son patrimoine immobilier. Dans ce cas, la valeur historique de l’acquisition des terrains et immeubles (ou de leur construction) apparaîtra à l’actif de son bilan. Les engagements financiers et dettes auprès des banques ou des tiers apparaitront au passif de son bilan. La visibilité de son patrimoine et de sa situation financière sont ainsi globales et il est rapidement possible d’en apprécier l’état de vétusté et l’équilibre.
Mais, l’association peut également procéder à des montages juridiques plus complexes qui présentent, parfois, des avantages fiscaux et financiers qui permettent la réalisation du projet ou la satisfaction d’objectifs stratégiques envisagés à court ou moyen terme.
La séparation du patrimoine de l’association consiste à isoler ses investissements, essentiellement immobiliers, dans une entité juridique distincte habilitée à cette fonction. Il peut s’agir d’une société civile immobilière (SCI) ou d’un fonds de dotation.
La détention d’un immeuble dans une SCI présente la contrainte qu’elle exige la présence de deux associés. On peut imaginer la détention du capital à 99,99 % par l’association, et le restant par un tiers, il n’en reste pas moins le risque de déterminer l’introduction pérenne d’une tierce personne dans une structure associative à but non lucratif. Sauf à ce que cette seconde personne soit, elle-même, une autre personne morale, par exemple. Dans un cas comme dans l’autre, la détention par la SCI peut mettre en échec le financement du projet car l’éligibilité à certains prêts ou à certaines subventions publiques est parfois refusée à ce type de structure juridique.
La détention d’un immeuble dans un fonds de dotation créé par l’association fondatrice présente l’avantage de la maîtrise totale de la gouvernance de cette entité puisque les statuts du fonds sont librement rédigés. La contrainte de ce type de montage réside, bien souvent, sur la faiblesse du schéma économique qui exige le dégagement d’une capacité d’autofinancement suffisante pour équilibrer durablement les comptes du fonds de dotation. L’apport dont bénéficiera le fonds de dotation devra nécessairement être plus important, soit par l’association fondatrice, soit par les libéralités qu’il peut recevoir directement, en totale neutralité fiscale, ce qui est un avantage indéniable pour ce type de structure juridique.
Dans un cas comme dans l’autre, il ne faut pas perdre de vue que ces schémas passent par la création de personnes morales qui exigent des contraintes administratives importantes, nouvelles et contraignantes. Notamment pour le fonds de dotation. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Il faut mesurer l’impact d’une telle stratégie. En effet, depuis la loi CRPR du 24 août 2021, les fonds de dotation sont des organismes très surveillés, contrôlés et leur objet initial est plus orienté vers le mécénat et les objets d’intérêt général que vers la gestion de patrimoines immobiliers. Certes, si la détention de patrimoine immobilier ne constitue pas la partie « intérêt général » de l’objet du fonds, c’est bien l’utilisation des ressources qu’il en tirera qui doivent être d’intérêt général. Et pour cela, encore faut-il qu’il en tire des ressources, c’est-à-dire des revenus fonciers. Le projet immobilier présenté par le fonds doit donc être suffisamment excédentaire.
Lorsque l’association externalise son investissement immobilier dans un montage ou une structure qui fait appel à une entité distincte, il est indispensable qu’elle préserve sa communication financière en intégrant la totalité du patrimoine dont elle dispose.
Ainsi, lorsqu’elle fait appel à un contrat de crédit-bail immobilier, les informations relatives au montant de l’investissement, son financement et ses modalités de remboursement, doivent obligatoirement être mentionnés dans l’annexe des comptes annuels. Les engagements conclus et souscrits auprès du crédit-bailleur doivent être rappelés chaque année en complément de ces informations pendant toute la durée du contrat.
Lorsque l’investissement est logé dans une SCI ou un fonds de dotation, nos recommandations vont vers la présentation de comptes combinés ou consolidés (lorsqu’il existe une détention capitalistique) qui constituent la meilleure forme de présentation globale du patrimoine démembré de l’association, ses dettes et ses engagements. A ce jour, les textes n’ont aucune exigence sur cette forme, mais le souci de présentation transparente de vos comptes ne peut que vous conduire à adopter et publier de telles informations.
Si vous êtes dirigeant d’association, vous allez vous passionner par le projet immobilier que vous défendez devant l’assemblée générale des membres. Votre enthousiasme doit avoir les limites de la raison qui s’impose à tout dirigeant d’association. Les fonds que vous allez engager sont, parfois, importants et ne vous appartiennent pas personnellement. Ils peuvent, en cas d’erreur ou de mauvaise appréciation déstabiliser ou compromettre les équilibres financiers de l’organisme dont vous avez reçu la responsabilité. Sachez vous entourer de conseils avant de déterminer votre (ou vos) choix. C’est indispensable.
Philippe Guay
Expert-comptable, commissaire aux comptes, spécialisé ESS
Philippe est un expert-comptable et commissaire aux comptes qui a accompagné pendant de nombreuses années de multiples associations, fonds et fondations.