Comptabilité
Date de publication : 03/12/2025

Philippe Guay
Options de comptabilisation, corrections d’erreurs, changements de méthode, comment traiter les régularisations comptables dans les comptes annuels ?
Les réformes successives de la règlementation comptable auxquelles les associations et organismes sans but lucratif ont été confrontés ces dernières années, ont permis de découvrir certaines particularités attachées à la régularisation d’erreurs antérieures qu’il était possible de corriger à l’occasion.
En effet, lorsqu’un changement intervient dans la règlementation comptable, comme ce fut le cas à l’occasion de l’introduction des dispositions du nouveau plan comptable pour les associations (règlement ANC n°2018-06), ou plus récemment pour le Plan comptable général (règlement ANC n°2014-03), ces évènements présentent de bonnes opportunités pour en profiter et corriger quelques erreurs du passé qui seraient susceptibles de rester dans vos comptes.
De même, c’est souvent le bon moment pour changer quelques options ou introduire d’autres méthodes de comptabilisation selon que la réglementation comptable nous y autorise.
Mais on ne peut pas corriger, ainsi, les comptes d’une entité sans respecter quelques principes ou des règles essentielles.
Cet article couvre les principes relatifs à la réglementation comptable française applicable aux organismes privés. Il porte sur les options de comptabilisation, la réévaluation des actifs, les corrections d’erreurs et les changements de méthodes comptables.
En France, la comptabilité des entités privées est régie principalement par le Plan Comptable Général (PCG), élaboré par l’Autorité des Normes Comptables sous la référence ANC n°2014-03. Ce cadre réglementaire vise à assurer la cohérence, la transparence et la comparabilité des informations financières. Ce règlement est régulièrement adapté à l’évolution des lois et des textes. Il vient de faire l’objet d’un important chantier de modernisation applicable aux comptes ouverts à partir du 1er janvier 2025 afin d’assurer le respect de plusieurs directives européennes.
La mise à jour dont il est fait état a nécessairement engendré quelques conséquences sur les règlements comptables annexes applicables à certains secteurs d’activité. C’est le cas pour les associations, fondations et autres organismes sans but lucratif qui doivent adapter le règlement ANC n°2018-06 qui leur est bien connu désormais. En termes de documentation, une version consolidée des textes mis à jour peut être consultée sur le site de l’ANC sous le lien : Recueil des normes comptables françaises – secteur non lucratif.
Le Plan Comptable Général offre aux entités certaines options de comptabilisation, permettant une certaine flexibilité tout en respectant les principes comptables fondamentaux.
Une option de comptabilisation est une alternative permise par le Plan Comptable Général pour le traitement comptable d’une opération ou d’un événement. Ces options doivent être exercées de manière cohérente et justifiée, en assurant une image fidèle des comptes de l’entité. Bien souvent, les options prises par l’entité sont retenues une fois pour toutes et sont appliquées de manière permanente.
Parmi les options de comptabilisation que la règlementation comptable autorise de choisir librement, il est fréquent de retenir celles qui, selon les circonstances, l’organisation ou l’objet de l’organisme correspondent le mieux à ses modalités de fonctionnement.
Nous commentons, ci-après les rubriques qui font l’objet de réflexions préalables nécessaires avant d’être retenues :
Le choix d’une option de comptabilisation doit être documenté et justifié dans l’annexe des comptes annuels, conformément à l’article 1224-12 du Plan Comptable Général. Cette documentation doit expliquer les raisons du choix et son impact sur les états financiers.
Les changements d’estimation résultent soit d’un changement de circonstances sur lesquelles l’estimation était fondée, de nouvelles informations ou d’une meilleure expérience. Ils n’ont un effet que sur l’exercice en cours et les exercices futurs. L’incidence du changement sur l’exercice en cours est enregistrée dans les comptes de l’exercice. Les changements d’estimation peuvent avoir un effet sur les différentes lignes du bilan et du compte de résultat. Ils ne constituent pas des corrections d’erreur sauf si les estimations antérieures étaient fondées sur des données elles-mêmes manifestement erronées sur la base des informations disponibles à l’époque.

A défaut de pouvoir qualifier clairement une modification de changement de méthode comptable ou de changement d’estimation, cette modification est assimilée à un changement d’estimation.
La réévaluation des actifs permet d’ajuster la valeur comptable des actifs à leur juste valeur, reflétant ainsi une image plus fidèle du patrimoine de l’entité.
La réévaluation libre est une opération facultative permettant à une entité de réévaluer certains actifs immobilisés. Cette réévaluation doit concerner l’ensemble des actifs d’une même catégorie et être justifiée par des motifs économiques. La décision de cette opération, si elle présente l’intérêt de fournir une information patrimoniale actualisée de l’entité doit être murement réfléchie car elle n’est pas sans conséquences pour les exercices futurs.
En effet, les biens amortissables réévalués engendreront nécessairement, des dotations aux amortissements réévaluées que devront supporter les années suivantes. Et lorsque l’association gère des établissements et services sous contrôle de tiers financeurs, cela complique la relation avec ce dernier.
L’écart de réévaluation correspond à la différence entre la valeur réévaluée et la valeur comptable nette. Il est enregistrée en fonds propres, dans un compte spécifique d’écart de réévaluation (compte 105 – Ecarts de réévaluation).

L’annexe des comptes annuels doit mentionner la méthode de réévaluation utilisée, les actifs concernés, le traitement fiscal (éventuel, pour les entités fiscalisées) de l’écart de réévaluation et l’impact sur les états financiers, conformément à l’article 1224-9 du Plan Comptable Général.
Les erreurs comptables peuvent survenir et doivent être corrigées de manière appropriée pour assurer la fiabilité des états financiers et le respect de la règlementation applicable à l’entité.
Sans être exhaustif, on peut identifier la notion d’erreur autour des caractéristiques principales suivantes :
Bien évidemment la détection d’une erreur pour un exercice en cours induit sa correction avant l’arrêté des comptes. Cette détection est bien souvent révélée à l’occasion de la révision des comptes effectuée par les services internes de l’organisme, lorsqu’il y en a, le trésorier, l’expert-comptable ou le commissaire-aux-comptes de l’entité. Dans ce cas, l’erreur doit être corrigée et l’incident est sans impact sur les états financiers publiés.
Par contre, nécessitent des corrections d’erreurs, au sens de la règlementation comptable, les erreurs commises à l’occasion d’exercices antérieurs, les omissions matérielles ou interprétations erronées. Constitue également une erreur, l’adoption par l’entité d’une méthode comptable non admise.
Dans ce cas, les corrections d’erreurs sont comptabilisées dans le résultat de l’exercice au cours duquel elles sont constatées sauf lorsqu’il s’agit de corriger une écriture ayant été directement imputée sur les fonds propres. L’incidence des corrections d’erreurs significatives est présentée sur une ligne séparée du compte de résultat, en dehors du résultat courant ou, le cas échéant, sur une ligne séparée du report à nouveau. Elles peuvent faire l’objet de corrections par ajustement des fonds propres d’ouverture de l’exercice en cours, avec mention dans l’annexe des comptes annuels, mais ce cas de figure est exceptionnel.
Bien évidemment, l’information doit être complète et détaillée dans l’annexe qui décrira la nature des erreurs corrigées, leur impact sur les états financiers et les exercices concernés.
Un changement de méthode résulte soit d’un changement de réglementation comptable, soit d’un changement de méthode comptable à l’initiative de l’entité.
Lorsque le changement de règlementation s’impose à l’association, le changement comptable en résultant n’a pas à être justifié. Par contre son incidence financière sur la présentation des comptes annuels doit être décrite dans l’annexe. Et s’il en est nécessaire, on y adjoindra des états proforma permettant de comparer les état financiers « avant » et « après » application du changement de méthode comptable.
Les changements de méthodes comptables doivent être justifiés et traités conformément aux dispositions prévues par le Plan Comptable Général pour garantir la comparabilité et la fiabilité des états financiers.
Un changement de méthode comptable implique la modification des principes, règles ou pratiques spécifiques appliqués par une entité lors de l’établissement des comptes annuels. Il est bien souvent dicté à l’occasion d’une réforme ou d’une mise à jour du plan comptable de base applicable à l’organisme ou à son secteur d’activité. Dans ce cas, il s’impose et ses conséquences doivent être intégrées dans les comptes annuels pour lesquels cette réforme est appliquée pour la première fois.
Ce fut le cas, par exemple, en ce qui concerne le mode de comptabilisation des subventions d’investissement pour les associations et fondations lors de la mise en application du règlement ANC n° 2018-06 à compter du 1er janvier 2020. Au cas particulier, la mise en application du changement de méthode comptable avait un effet rétroactif, c’est-à dire que les organismes qui l’appliquaient pour la première fois devaient prendre en compte les incidences des nouvelles règles comptables comme si elles avaient toujours existées et l’écart qui en résultait était traité dans le compte de « report à nouveau ». Une présentation adaptée était nécessaire dans l’annexe des comptes annuels pour identifier l’impact de ce changement de méthode sur la présentation financière lors de l’exercice de sa première application.

La nouvelle méthode conduit à une meilleure information financière lorsqu’elle reflète de façon plus adaptée et plus pertinente la performance ou le patrimoine de l’entité au regard de son activité, sa situation et son environnement. On peut ainsi évoquer le choix de comptabiliser sous forme de provision les engagements de retraite de l’entité vis-à vis des salariés (lorsque ceux-ci ne sont pas « externalisés ») alors que cette information ne paraissait pas jusqu’alors en engagements hors bilan.
La provision pour indemnité de départ à la retraite : ce qu’il faut retenirDans un même contexte et pour une même opération ou information, une méthode qui a été considérée par l’entité comme fournissant une meilleure information financière ne peut être remise en cause par la suite. L’adoption d’une méthode comptable pour des événements ou opérations qui diffèrent sur le fond d’événements ou d’opérations survenus précédemment, ou l’adoption d’une méthode comptable pour des événements, opérations ou éléments qui étaient jusqu’alors sans importance significative, ne constituent pas des changements de méthodes comptables mais des changements d’estimation.
Selon le règlement ANC n°2018-01 (règlement spécifique du 20 avril 2018, consacré à ce sujet), un changement de méthode comptable est justifié s’il existe un choix entre plusieurs méthodes comptables. Dans ce cas, le changement conduit à une meilleure information financière, offrant une image plus adaptée et pertinente de la performance et du patrimoine de l’entité.
Comme il a été dit infra, le changement de méthode comptable est appliqué de manière rétrospective, en retraitant les exercices antérieurs comme si la nouvelle méthode avait toujours été appliquée. Si ce retraitement est impraticable, l’effet est comptabilisé de manière prospective ce qui veut dire que les exercices antérieurs ne sont pas revus, mais que les exercices suivants subiront les conséquences de l’option retenue.
L’impact du changement déterminé à l’ouverture, après effet éventuel d’impôt, est imputé en ” report à nouveau ” dès l’ouverture de l’exercice sauf si, en raison de l’application de règles fiscales, l’entité est amenée à le comptabiliser dans le résultat de l’exercice. Dans ce dernier cas, l’impact net d’impôt est comptabilisé en dehors du résultat courant.
Ce sujet provoque une réflexion nécessitant un changement de méthode comptable. Dans ce cas, la valeur rétroactive correspondant à l’entrée dans le bilan des droits acquis par les salariés de l’entité historique au début de l’exercice d’application sera inscrite au débit du compte « 11 – Report à nouveau » (la contrepartie étant le compte « 153 – Provision pour pensions et obligations similaires »). Par la suite, seules les variations de l’exercice seront enregistrées au compte de résultat.
L’annexe des comptes annuels doit indiquer la nature du changement, les raisons de celui-ci, son impact sur les états financiers et les exercices concernés, conformément aux dispositions du Plan Comptable Général.
L’application du Plan Comptable Général ou des règlements qui en découlent pour les organismes sans but lucratif implique, comme on vient de le voir, le respect de principes et de règles strictes. Qu’il s’agisse de circonstances réglementaires ou d’opportunités liées à la vie de votre association, les textes vous laissent néanmoins une grande souplesse dans les options que vous pouvez retenir.
Les choix que vous avez à opérer seront guidés par l’actualité de votre entité ou la recherche d’une présentation améliorée de vos états financiers. Nous ne sommes pas encore dans l’univers merveilleux du monde « anglo-saxon » qui peut faire rêver certains financiers, mais on peut penser que notre « French-GAAP » (Generally Accepted Accounting Principles) nous permet parfois d’y accéder.

Philippe Guay
Expert-comptable, commissaire aux comptes, spécialisé ESS
Philippe est un expert-comptable et commissaire aux comptes qui a accompagné pendant de nombreuses années de multiples associations, fonds et fondations.