Fiscalité
Date de publication : 28/01/2022
Philippe Guay
Les associations et autres organismes sans but lucratif ne sont pas soumis aux impôts commerciaux s’ils respectent plusieurs conditions. Ils peuvent, néanmoins, exercer certaines activités lucratives et bénéficier d’une franchise d’impôts commerciaux. Mais que se passe-t-il en cas de dépassement de cette franchise ? Retour sur le dispositif en vigueur et sur les modalités pratiques.
Article mis à jour en mars 2024
Le régime fiscal des associations est développé à l’article 206, 1 bis du Code général des impôts. Cet article introduit le principe d’assujettissement à l’impôt sur les sociétés au régime de droit commun :
» Toutefois, ne sont pas passibles de l’impôt sur les sociétés : les associations régies par la loi du 1er juillet 1901, les associations régies par la loi locale maintenue en vigueur dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, les syndicats régis par les articles L. 2131-1 à L. 2136-2 du Code du travail, les fondations reconnues d’utilité publique, les fondations d’entreprise, les fonds de dotation et les congrégations, dont la gestion est désintéressée, lorsque leurs activités non lucratives restent significativement prépondérantes et le montant de leurs recettes d’exploitation encaissées au cours de l’année civile au titre de leurs activités lucratives n’excède pas 78.596 € [pour 2024]. «
Tout est dit dans cet article ! La doctrine mise en place depuis plus de 20 ans par l’administration fiscale n’a pas changé depuis et le monde associatif s’est largement approprié cette forme de raisonnement en trois étapes à laquelle on associe la fameuse « règle des 4 P ».
En principe, les associations ne sont pas soumises aux impôts commerciaux (impôt sur les sociétés de droit commun, TVA et CET) en raison de leur caractère non lucratif.
Le caractère lucratif s’apprécie par rapport à trois critères, le caractère intéressé ou non de la gestion, la situation de l’association au regard de la concurrence, les conditions d’exercice de l’activité.
Il est courant que l’association exerce plusieurs activités, auquel cas le caractère lucratif doit être examiné pour chaque activité. Si une ou plusieurs activités revêtent un caractère lucratif avéré, ces activités deviennent taxables et assujetties aux impôts commerciaux. De plus, lorsqu’une association exerce une activité lucrative, elle encourt le risque d’une fiscalisation globale.
La sectorisation sous-entend la création d’un secteur distinct qui regroupe toutes les activités lucratives, ce qui permet de limiter l’application des impôts commerciaux à ce seul secteur lucratif. Ce processus est possible à condition que les activités lucratives soient dissociables et que ces dernières soient significativement prépondérantes dans l’association.
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Comment les associations peuvent-elles opérer une sectorisation de leurs activités lucratives ?
La filialisation consiste, pour l’association, à prendre des participations dans une société qu’elle crée pour la circonstance ou déjà existante. Cette société est alors chargée de l’exploitation des activités lucratives de l’association. Dans ce cas, il convient d’être vigilant car la détention de titres est susceptible de remettre en cause le caractère non lucratif de l’association.
La filialisation des activités lucratives peut prendre trois formes :
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Créer une filiale commerciale : un levier de croissance ?
Lorsqu’elle a aménagé la doctrine fiscale actuellement applicable, l’administration fiscale a été amenée à prévoir un cas de figure alternatif (instruction fiscale du 16 février 1999). En effet, la plupart des associations peuvent développer des activités concurrentielles, en faible proportion, sans pour cela que cette situation nécessite la déclaration d’un secteur distinct ou encore moins la filialisation de ces activités lucratives. Depuis cette date, il est convenu que lorsque ces activités ne dépassent pas un certain seuil (appelé « franchise des impôts commerciaux »), l’association ne serait soumise à aucune des règles énoncées ci-avant.
Le montant de cette franchise a évolué depuis ces dernières années pour atteindre 78.596 € pour les opérations réalisées en 2024. Il est, désormais, actualisé chaque année en fonction de l’évolution de l’indice du cout de la vie retenu dans le cadre de la loi de finances annuelle.
Le dépassement de ce seuil peut entrainer l’association dans l’obligation de sectoriser ses activités lucratives avec pour conséquences la mise en place d’une organisation administrative et comptable adaptée.
En matière de TVA, le dépassement du montant de la franchise déclenche l’assujettissement de l’association à la TVA pour les opérations ayant un caractère lucratif qu’elle a pu identifier. L’application du régime de la TVA se fait immédiatement à partir du mois suivant le dépassement du montant de la franchise.
En matière d’IS, le dépassement du montant de la franchise déclenche l’assujettissement de l’association à l’impôt sur les sociétés au régime de droit commun. L’association doit, alors, organiser un secteur distinct lucratif au sein de sa comptabilité. Cette séparation des activités lucratives permet ainsi de déterminer le montant du résultat fiscal qui sera imposé à l’IS. Le taux de cet impôt est actuellement de 15 % dans la limite d’une première tranche dont le montant maximal est de 42.500 €, puis de 25 % au-delà.
La contribution économique territoriale (CET) est composée de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Cette contribution fait l’objet de déclarations distinctes :
Bien entendu, les comptes annuels globaux de l’association seront issus de la somme des deux secteurs (lucratif et non lucratif). Pour améliorer la traçabilité des flux revenant au secteur lucratif, il est recommandé de distinguer au mieux les opérations lui revenant par des relations individualisées avec les tiers (factures clients et fournisseurs, comptes bancaires, contrats de location, etc..). Et les opérations partagées avec le secteur non lucratif transiteront par un compte de liaison (n°18 du plan comptable général) qui s’annuleront lors du regroupement des deux comptabilités pour la confection des comptes annuels de l’entité.
Lorsque l’association entretien avec sa filiale commerciale des relations de gestion active (voir ci-dessus), elle doit isoler les opérations issues de cette relation dans un secteur distinct selon les mêmes règles et mêmes principes que ceux développés ici. Dans ce cas, le montant du capital détenu dans sa filiale commerciale doit être porté à l’actif de ce secteur distinct (participation financière). Par la suite, tous mouvements de titres relatifs à cette filiale (augmentation, réduction ou cession) seront assujettis au régime de droit commun de l’IS.
En guise de conclusion, il convient de reconnaître que le sujet est délicat et requiert une attention particulière. Au-delà des quelques points qui composent ce vademecum, nous ne pouvons que vous recommander de rapprocher votre analyse auprès de votre expert-comptable qui saura guider vos choix.
Philippe Guay
Expert-comptable, commissaire aux comptes, spécialisé ESS
Philippe est un expert-comptable et commissaire aux comptes qui a accompagné pendant de nombreuses années de multiples associations, fonds et fondations.