Gestion
Date de publication : 01/02/2024
Christian Serpaud
Attendu pour 2024, le lancement des premières obligations de réception et d’émission des factures électroniques n’interviendra qu’en 2026. Un délai que les associations concernées peuvent mettre à profit pour mieux se préparer à cette bascule numérique qui, bien qu’imposée, recèle des opportunités.
Pour rappel, l’obligation d’adopter la facturation électronique recouvre trois types d’opération : la capacité à recevoir des factures électroniques, celle de les émettre et enfin la capacité (communément appelée « e-reporting ») à transmettre certaines données de transaction à l’administration fiscale.
Précisons au passage, qu’une facture électronique n’est pas une simple version dématérialisée de la facture papier, comme par exemple, un fichier PDF (fichier image). Il s’agit d’un document dématérialisé dont le format structuré permet d’automatiser le traitement et l’intégration complète dans la chaîne des données qu’elle contient. Des données qui pourront, par ailleurs, être analysées et suivies par l’administration fiscale.
Enfin, sont, en principe, concernées par l’obligation de déployer un système de facturation électronique, les associations assujetties à la TVA, c’est-à-dire celles exerçant une activité lucrative. Ne sont toutefois pas visées les associations dont une partie seulement de l’activité est lucrative (recettes annuelles inférieures à 78.596 € pour 2024) et dont les activités non lucratives restent prépondérantes et leur gestion désintéressée. Ces opérations sont hors du champ de la facturation électronique et entre dans le champ du e-reporting. Les associations sont par ailleurs, concernées par l’e-reporting si elles émettent des factures à destination de clients particuliers ou établis à l’étranger qui ne sont pas concernés par la facturation électronique.
Il convient de rappeler que la facturation électronique concerne l’ensemble des opérations d’achats et de ventes de biens et de services réalisées entre des entreprises et/ou des associations.
Initialement, les entreprises et les associations devaient être en mesure de recevoir des factures électroniques au 1er juillet 2024. Quant aux obligations d’émission des factures électroniques et d’e-reporting, elles devaient s’appliquer progressivement, en trois étapes :
Finalement, « afin de donner le temps nécessaire à la réussite de cette réforme structurante pour l’économie », les pouvoirs publics ont, via la loi de finances pour 2024, reporté l’obligation de réception pour toutes les structures, au 1er septembre 2026.
L’application des obligations d’émission et d’e-reporting, est, elle aussi décalée :
Sachant que ces nouvelles échéances pourront, si besoin, être prorogées jusqu’à 3 mois.
Bien sûr, passer à la facture électronique est une obligation légale. L’État, grâce à la dématérialisation des échanges et à leur suivi via le portail public de facturation, entend améliorer la détection de la fraude à la TVA et profiter de cet observatoire des activités des entreprises et des associations pour adopter un pilotage plus fin de sa politique économique, fiscale et sociale.
Mais réduire le passage à la facture électrique au simple statut de contrainte revient à ignorer les avantages immédiats et les opportunités à venir que ce changement de pratiques offre aux associations.
Le premier avantage, le plus simple à identifier, n’est autre que la baisse du coût de traitement moyen d’une facture. Estimé à plus de 10 € en version papier (traitement du courrier, saisie des données, validation, paiement ou encaissement, gestion des relances, archivage…), il devrait être divisé par 2 pour une facture électronique, et ce en raison de l’élimination du papier et des frais d’envoi mais aussi de l’automatisation du traitement (gestion automatique de la facture, des suivis de paiement, des relances et de l’archivage). Un bon point pour les frais de gestion de l’association mais aussi pour la planète qui verra, à terme, disparaître les 2 milliards de factures papier émises en France chaque année.
Autre avantage immédiat, la possibilité pour les associations multisites d’offrir un accès à ces documents sans contrainte de localisation. Un effet « dématérialisation » qui apportera une plus grande capacité de prise de décision et d’action à l’ensemble des responsables de sites. Une action de dématérialisation que, d’ailleurs, les associations ont tout intérêt à étendre à un plus grand nombre de documents (devis, propositions commerciales, courriers avec les partenaires, échanges avec l’administration…) pour, là encore, faciliter l’accès à la base documentaire comptable, juridique, commerciale et administrative de l’association.
On trouvera aussi, parmi les intérêts immédiats à mettre en place la facturation électronique, la réduction des risques d’erreur (en éditant sa facture), et donc de redressement TVA. Un avantage notable qui se double d’une baisse de la charge administrative induite par l’automatisation du processus de traitement : édition, traitement, classement… mais aussi de la gestion des impayés. Une tâche complexe nécessitant un suivi et une gestion chronophage des relances que cette bascule technologique permettra, d’en grande partie, « déléguer » aux programmes informatiques de gestion comptables.
Cette gestion millimétrée par la machine pourrait rapidement améliorer le recouvrement des créances de certaines associations très exposées aux retards de paiement et ainsi mieux préserver leur trésorerie. Au passage, les personnes en charge de cette gestion administrative, dégagées de ces tâches complexes et peu gratifiantes, pourront se consacrer à d’autres missions plus valorisantes.
Au-delà des avantages immédiats, la facturation électronique va permettre de bâtir, au niveau de l’association, une base de données comptable structurée qui reflètera, en continu, les activités de l’association, le comportement (comptable) de ses clients et de ses fournisseurs ou encore l’état de sa trésorerie. Des données grâce auxquelles il devient possible de créer des tableaux de bord, mis à jour en temps réel, qui une fois paramétrés (en fonction du cœur d’activité de l’association, de ses contraintes et de ses objectifs), permettront aux gestionnaires de l’association d’avoir une vision exacte et complète de sa situation financière et d’anticiper les tendances pour, le cas échéant, initier des corrections sans attendre.
Mais plus globalement, la facturation électronique s’inscrit dans une mutation sociétale, celle de la dématérialisation généralisée de nos échanges de données. Une mutation qui prend encore une nouvelle dimension avec l’arrivée des outils d’intelligence artificielle (IA). Nous les avons tous testés et avons tous, j’en suis convaincu, été « sidérés » par leur puissance et les perspectives de changement et d’innovation qu’ils apportent.
Alors qu’on les craigne ou, au contraire, qu’on les attende, on ne peut les ignorer. Sachant qu’avec ou sans nous, ces outils d’IA prendront place dans le fonctionnement des structures professionnelles (celles de nos partenaires privés et publics, de nos clients, de nos « concurrents », etc.). S’y préparer et adapter en amont les organisations pour que ces IA deviennent nos « super assistants » plutôt que nos « super concurrents » est donc fortement conseillé. Ne serait-ce que, pour cela, engager d’ores et déjà le chantier de la facturation électronique – clé de voûte de la dématérialisation des données de l’association indispensable au fonctionnement des outils d’IA – est une stratégie d’anticipation et de bon sens.
Christian Serpaud
Expert-comptable, commissaire aux comptes, associé, directeur national ESS
Christian est associé au sein du cabinet In Extenso. Expert-comptable et commissaire aux comptes spécialiste du secteur associatif et ESS, il est en charge du Marché Economie Sociale du groupe In Extenso.