Mécénat
Date de publication : 23/06/2023
Solène Girard
La notion d’intérêt général pour une association interpelle régulièrement. Trop souvent confondue ou rapprochée du caractère non lucratif des activités d’une association, cette notion fait appel à des caractéristiques bien plus larges et plus subtiles.
En effet, il s’agit, pour en apprécier les contours, de se pencher de manière plus approfondie sur la définition de l’objet confié à l’organisme. Et surtout, sur la façon dont il sera mis en œuvre au moyen des différentes actions qui contribuent à sa réalisation.
L’intérêt général n’a pas de définition unique. Il s’agit davantage d’une notion politique, d’une vision de société : la somme des intérêts particuliers, l’intérêt de tous et de chacun. Dans le langage courant, l’intérêt général peut être défini comme « la conception de ce qui est bénéfique à l’ensemble des membres d’une communauté ».
Le droit public envisage une autre définition de l’intérêt général qui est la finalité ultime de l’action publique.
Pour les organismes sans but lucratif, association, fondation ou fonds de dotation, en ce qui concerne l’éligibilité au mécénat, l’intérêt général est une notion fiscale. Il se définit en fonction de l’analyse de plusieurs critères déterminés par l’administration fiscale.
Une association reconnue d’utilité publique (RUP) a obtenu une reconnaissance d’utilité publique, délivrée par le ministère de l’Intérieur. Ses statuts ont été adoptés selon des statuts types. La procédure de reconnaissance d’utilité publique est assez longue et plusieurs conditions doivent être réunies en amont. La reconnaissance d’utilité publique permet aux associations et fondations de bénéficier de certains avantages (par exemple, recevoir des dons et legs).
En revanche, aucune procédure n’est à respecter pour qu’une association soit d’intérêt général. D’ailleurs, on ne parle pas de « reconnaissance » ni « d’agrément » d’intérêt général. L’intérêt général se constate et se déduit à partir de l’analyse de plusieurs critères établis par le Code général des impôts (CGI) et la doctrine de l’administration fiscale.
Plusieurs conditions cumulatives doivent être réunies pour qu’une association soit d’intérêt général (articles 200 et 238 bis du CGI).
La gestion désintéressée est une des conditions emblématiques de la distinction entre le secteur non lucratif et le secteur lucratif.
Une association (ou un autre organisme) est gérée de façon désintéressée si ces trois conditions sont remplies :
Si la gestion de l’association n’est pas désintéressée, elle sera assujettie aux impôts commerciaux au régime de droit commun.
Pour déterminer le caractère lucratif ou non de son activité, l’association qui a une gestion désintéressée va procéder à une analyse de sa situation selon un schéma mis en place par l’administration fiscale.
Si elle ne concurrence pas une entreprise commerciale et, à défaut, si elle exerce son activité selon des modalités qui ne sont pas comparables à celles des entreprises commerciales (règle des 4 P), l’association a une activité non lucrative.
Elle ne doit pas non plus avoir de relations privilégiées avec une entreprise commerciale, c’est-à-dire que ses activités ne peuvent ni venir en complément ni favoriser les activités d’une entreprise commerciale.
Si l’intérêt général suppose nécessairement le caractère non lucratif de l’association, l’inverse n’est pas vrai ! En effet, les autres conditions doivent, aussi, être remplies.
Seules les associations identifiées dans les articles 200 et 238 bis du CGI sont concernées. Il s’agit notamment des associations qui ont un caractère :
D’autres cas particuliers sont prévus dans ces articles, par exemple les fonds de dotation, les associations agréées dont l’objet exclusif est de verser des aides financières en vue de favoriser la création d’activités ou d’entreprises ou encore les associations de spectacle vivant ou qui organisent des expositions d’art contemporain.
Il s’agit d’une notion qui n’est pas prévue par la loi mais qui a été érigée en condition par l’administration fiscale et la jurisprudence.
L’objectif de cette condition est de s’assurer qu’une association, qui prétend être d’intérêt général et bénéficier du régime fiscal de faveur du mécénat, n’agit pas seulement au profit de certaines personnes (des intérêts particuliers).
Cette condition est analysée sur la base d’un faisceau d’indices qui s’intéresse autant à la mission de l’association qu’au public qui bénéficie réellement de cette mission.
Enfin, dernière condition : en principe, l’association doit avoir son siège et exercer ses activités en France ou en Europe.
Certaines exceptions à la territorialité sont bien entendu prévues sous conditions pour des actions hors des frontières européennes, notamment pour les cas humanitaires, scientifiques, environnement naturel et connaissances françaises à l’étranger.
Une association qui répond à l’ensemble de ces conditions est donc d’intérêt général. Elle est éligible au mécénat et peut délivrer des reçus fiscaux à ses donateurs.
Elle peut ainsi recevoir des dons des particuliers (article 200 du CGI) et des dons des entreprises (article 238 bis du CGI), en exonération de droits de mutation à titre gratuit. Les donateurs pourront quant à eux bénéficier d’une réduction d’impôt.
Être d’intérêt général est un moyen pour l’association de pouvoir obtenir plus de dons.
Au préalable, il est important de rappeler qu’il n’est pas obligatoire d’obtenir une autorisation préalable pour délivrer des reçus fiscaux.
Pour déterminer si l’association est d’intérêt général, deux options sont envisageables.
L’association réalise par elle-même, et de manière régulière, l’analyse de toutes les conditions : comment l’association se positionne-t-elle par rapport aux différents critères ?
Si l’ensemble des critères lui paraissent remplis, elle peut alors décider de délivrer des reçus fiscaux à ses donateurs. Elle peut se faire accompagner par un professionnel pour effectuer cette analyse.
Au contraire, si l’association souhaite avoir une prise de position écrite de l’administration fiscale sur sa situation, elle peut engager une procédure de rescrit dit « mécénat ».
Ce rescrit permet à une association de demander à l’administration si elle est bien éligible au mécénat, au regard de la situation décrite par l’association. Il se distingue du rescrit fiscal qui s’intéresse à l’analyse du régime fiscal global de l’association.
Il s’agit donc d’une décision stratégique qui suppose une interrogation à deux niveaux :
La rédaction du rescrit est donc une étape primordiale qui ne doit pas être prise à la légère. Il vaut mieux se faire accompagner d’un professionnel, votre expert-comptable ou un avocat spécialisé dans la fiscalité des associations et organismes sans but lucratif, dès le début de la procédure.
Puisque des avantages fiscaux sont liés à cette notion fiscale d’intérêt général lorsque des reçus fiscaux sont émis, des dispositifs de contrôle ont nécessairement été mis en place et se sont même intensifiés ces dernières années.
Il existe ainsi un contrôle spécifique sur place de la délivrance des reçus fiscaux par les organismes d’intérêt général, élargi à celui de l’éligibilité au mécénat en 2021.
A lire :
Le contrôle des reçus fiscaux émis par les associations
Par ailleurs, les organismes d’intérêt général ont désormais l’obligation de déclarer les dons qu’ils ont reçus chaque année.
Pour en savoir plus :
Ebook mécénat et reçus fiscaux
Solène Girard
Responsable Nationale Marché Economie Sociale
Solène est Responsable nationale de la ligne de marché « Economie Sociale » chez In Extenso. Dans ce cadre, elle anime et coordonne le réseau pour le marché spécifique des associations et de l’économie sociale.