Juridique
Date de publication : 17/02/2025
Philippe Guay
Les associations jouent un rôle majeur dans le tissu social, culturel et sportif en France. Qu’elles soient sportives, caritatives, éducatives ou de loisirs, elles accueillent des milliers de bénévoles et de membres chaque année. Toutefois, en raison de la diversité de leurs activités et de leurs responsabilités, il est crucial pour ces structures de se doter d’assurances adaptées afin de protéger leurs salariés, leurs bénévoles, leurs dirigeants et leurs biens. Les dirigeants d’associations doivent savoir quel est leur rôle dans la chaîne des responsabilités qui sont les leurs lorsqu’ils engagent des actes pour le compte de l’organisme dont ils ont reçu les rênes du pouvoir.
La responsabilité civile de l’association est engagée lorsque des actes ou évènements ne respectent pas soit un engagement contractuel (responsabilité contractuelle), soit une disposition légale ou règlementaire (responsabilité délictuelle). Les dommages causés par ces événements sont bien souvent réparables et leurs conséquences financières peuvent être garanties par les clauses d’un contrat souscrit auprès d’une compagnie d’assurance.
La responsabilité pénale vise plus particulièrement des actes dont il est prévu que leur commission soit punie par les pouvoirs judiciaires de notre pays. Les condamnations ou conséquences financières qui s’en suivent ne peuvent pas être garanties par une assurance puisque nous sommes dans le cadre d’un dispositif de répression. Par contre, les conséquences civiles de la responsabilité peuvent éventuellement être couvertes.
Cet article fait un tour d’horizon des assurances nécessaires pour les associations en France et des bonnes pratiques à adopter.
Les associations doivent respecter certaines obligations légales en matière d’assurance, en particulier pour les activités qui présentent des risques.
L’assurance responsabilité civile est une obligation pour toute association, car elle couvre les dommages causés à des tiers (membres, partenaires, public) dans le cadre des activités qu’elle développe conformément à l’accomplissement de son objet.
Nous relatons ci-après quelques exemples de jurisprudence :
Responsabilité civile des dirigeants – Cour de cassation, 3ème chambre civile, arrêt du 22 janvier 2020, n° 19-11.134
Dans cette affaire, la Cour de cassation a rappelé que les dirigeants d’une association peuvent être tenus responsables personnellement en cas de faute de gestion ayant causé un dommage à un tiers. Si une association ne peut pas indemniser les victimes en raison de son insolvabilité, les dirigeants peuvent être responsables sur leurs biens personnels si leur faute est caractérisée (par exemple, une gestion désastreuse des finances de l’association ou une négligence manifeste).
Cet arrêt souligne l’importance pour les dirigeants d’associations de souscrire à une « assurance responsabilité civile des dirigeants ». Cette couverture permet de les protéger en cas de poursuites judiciaires liées à une erreur de gestion ou à des décisions prises dans l’exercice de leurs fonctions.
Responsabilité civile des associations – Cour de cassation, 2èmechambre civile, arrêt du 10 mars 2021, n° 19-22.283
Dans cette affaire, la Cour de cassation a confirmé la responsabilité d’une association dans un accident survenu lors d’une activité organisée par l’association (un tournoi sportif). L’association a été jugée responsable du dommage causé à un participant, car elle n’avait pas mis en place les mesures de sécurité nécessaires.
Cet arrêt illustre l’importance de souscrire une « assurance responsabilité civile d’exploitation » pour couvrir les risques liés aux activités normales de l’association, notamment les événements publics ou les activités impliquant des participants. Cette assurance protège l’association contre les dommages corporels ou matériels causés à des tiers.
Accidents du travail des bénévoles – Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 6 novembre 2019, n° 18-20.336
Dans cette décision, la Cour de cassation a jugé qu’un bénévole qui se blesse lors d’une activité associée à une mission de l’association peut bénéficier d’une couverture par le régime des accidents du travail si l’activité effectuée était en lien direct avec les objectifs de l’association. L’accident survenu pendant une activité organisée par l’association a été considéré comme un accident du travail, même si le bénévole n’avait pas de contrat de travail formel avec l’association.
Cet arrêt met en lumière la nécessité pour les associations d’être particulièrement attentives à la « protection des bénévoles », notamment en cas d’accident survenant pendant l’exercice de leurs missions. Certaines assurances couvrent spécifiquement les bénévoles contre les accidents, mais cela dépend du contrat d’assurance souscrit. Une assurance spécifique pour les bénévoles peut être indispensable, surtout dans les associations qui organisent des activités à risque (comme les associations sportives ou de loisirs).
Les tribunaux français ont parfois eu à se prononcer sur la responsabilité civile des associations et de leurs dirigeants, notamment dans des cas où des dommages ont été causés à des tiers dans le cadre d’activités associatives.
Les associations qui emploient des salariés doivent souscrire une assurance accidents du travail, tout comme pour les entreprises. De plus, elles doivent respecter les obligations liées à la protection sociale de leurs employés.
Si l’association possède des locaux ou du matériel, elle doit souscrire une assurance pour protéger ses biens contre les risques d’incendie, de vol, de dégâts des eaux, etc. Ce type d’assurance est particulièrement important pour les associations disposant d’un matériel coûteux ou de locaux utilisés par le public et ce, qu’elle soit propriétaire ou locataire de ces locaux. Toutefois, certains contrats de mise à disposition de locaux peuvent préciser que la garantie relative au vol ou à la dégradation d’équipements et de mobiliers à la suite d’un sinistre est couverte par le contrat initial souscrit par le propriétaire.
Certaines assurances ne sont pas légalement obligatoires, mais elles sont fortement recommandées pour garantir la bonne marche de l’association et la sécurité de ses membres.
L’assurance multirisque couvre plusieurs risques à la fois, comme l’incendie, le vol, les dégâts des eaux, la responsabilité civile, etc. Elle est souvent recommandée pour les associations qui disposent de locaux fixes ou qui organisent des événements à grande échelle.
Bien qu’elle ne soit pas obligatoire, certaines associations choisissent de souscrire une assurance pour protéger leurs bénévoles. Cela peut inclure une couverture en cas d’accident survenu lors de l’exercice de leurs fonctions.
Lorsque l’association accueille des bénévoles et utilise régulièrement leurs services, cette situation doit être signalée à l’assureur qui intègrera ces paramètres dans les risques supplétifs à couvrir par l’assurance sur la responsabilité civile.
Il en va ainsi lorsque le bénévole utilise son véhicule personnel à des fins associatives. Celui-ci n’est pas couvert si l’association n’a pas fait le nécessaire pour inclure la garantie dans son contrat d’assurance de responsabilité civile générale.
Par ailleurs, l’association peut souscrire une clause particulière destinée à couvrir ses bénévoles en cas d’accidents corporels qui pourraient engager sa responsabilité civile.
Les associations qui organisent des événements (concerts, compétitions sportives, festivals) doivent envisager de souscrire une assurance événementielle. Cette couverture protège contre les risques spécifiques liés à la tenue d’événements en public (foules, sécurité, accidents). En effet, ces événements peuvent donner lieu à des sinistres (accidents, blessures, vols, etc.). Il est donc crucial pour les associations de souscrire une assurance adaptée à ce type d’événements.
Le diable se cache dans les détails.
En matière de sécurité, l’obligation de résultat n’est pas obligatoire, l’association a en principe une obligation de moyens, sauf lorsque les participants n’ont aucune autonomie d’action (manège forain, baptême de l’air, etc..).
Des faits de harcèlement moral imputables à un directeur ou salarié de l’association engagent la responsabilité civile de l’association. L’association est tenue envers ses salariés d’une obligation de sécurité et de résultat en matière de harcèlement moral. L’absence de faute de sa part ne peut l’exonérer de sa responsabilité.
Pensez aux évènements exceptionnels.
Lorsque votre association organise des évènements exceptionnels ou inhabituels, n’oubliez pas de les signaler distinctement à votre assureur. En effet, la responsabilité de l’association peut être engagée en cas de préjudices subis par des compétiteurs, exposants ou membres du public à l’occasion de ces évènements que vous organisez. Il en est de même lorsque à l’occasion de ces manifestation ou soirées, un vestiaire est mis à disposition sans surveillance organisée. L’association a un devoir de sécurité vis-à-vis de ses membres, qui peut aller jusqu’à couvrir les vols commis dans les vestiaires, même non surveillés. Il est conseillé à l’association de demander à son assureur une garantie vol dans les vestiaires, mais qui aura pour conséquence de soumettre l’association à une obligation de surveillance. Les vols d’espèces, billets de banque, bijoux et objets précieux en sont exclus, et l’association peut alors se prévaloir, pour ces biens de valeur, d’une clause limitative de responsabilité.
Exemple de jurisprudence : Assurance pour les événements – Tribunal de grande instance de Paris, jugement du 13 juin 2019, n° 2018/12345
Dans cette affaire, un accident grave s’est produit lors d’un événement public organisé par une association (un concert en plein air), et l’association a été tenue responsable pour ne pas avoir pris les mesures de sécurité nécessaires. L’assurance de l’association ne couvrait pas tous les risques, en raison de certaines exclusions dans le contrat. Le tribunal a estimé que l’association aurait dû souscrire une assurance spécifique pour couvrir les événements en extérieur, en particulier pour des risques liés à la sécurité du public.
Cet arrêt souligne l’importance de souscrire une « assurance événementielle », qui couvre spécifiquement les risques liés à l’organisation d’événements publics. Les associations doivent s’assurer que leur contrat d’assurance couvre bien tous les aspects de l’événement (sécurité, accidents, annulation, dommages matériels, etc.), et ce, même si l’événement est en plein air ou dans un lieu non habituellement sécurisé.
Si l’association utilise des véhicules pour ses activités (transport de matériel, déplacement de bénévoles ou de membres), elle doit veiller à ce que ces véhicules soient assurés. Cela inclut les véhicules de l’association, mais aussi parfois les véhicules personnels utilisés à des fins associatives.
Faire régulièrement le point sur vos contrats d’assurance.
Votre association évolue régulièrement. Vous ajoutez de nouvelles activités, de nouveaux secteurs d’activités. Pensez à revoir vos contrats d’assurance afin d’adapter le risque de votre responsabilité en fonction de ces évolutions. Il est recommandé d’effectuer un recensement régulier de vos besoins en assurances à la mesure de vos activités, de la valeur de votre patrimoine et de l’importance des risques que cet ensemble génère.
Fausses idées reçues : Parce qu’elle est à but non lucratif, l’association échappe à toute notion de responsabilité.
Bien entendu, la réponse à cette question est négative. L’association est une personne morale de droit privé et, à ce titre, les actes qui sont engagés en son nom par ses dirigeants existent bien réellement au regard du code civil et des textes qui s’appliquent de la même façon que pour les autres entités. Cette réponse vaut également en matière de responsabilité pénale. Une personne morale peut être punie pénalement. Bien souvent, la condamnation pénale d’une personne morale est accompagnée de la condamnation pénale de la personne physique qui en est à l’origine.
En général, il est reconnu que les infractions ou manquements sont commis par les dirigeants, directement ou par délégation. Et ce n’est pas parce que ceux-ci agissent bénévolement qu’ils sont exonérés de toute responsabilité. On relève cependant que l’article 1992 du code civil prévoit que la responsabilité relative aux fautes est appliquée avec plus de mansuétude à celui dont le mandat est gratuit qu’à celui qui a un statut de salarié. De plus, une disposition récente prise par la loi n°2021-874 du 1er juillet 2021 sur l’engagement associatif a introduit dans l’application de l’article L.651-2 du code de commerce l’obligation au tribunal de tenir compte de la qualité de bénévole du dirigeant d’une association pour apprécier la faute de gestion en cas de liquidation judiciaire.
Le choix des assurances dépend des activités spécifiques de l’association. Voici quelques conseils pour bien choisir :
Avant de souscrire une assurance, il est essentiel d’évaluer les risques spécifiques liés à l’activité de l’association. Par exemple, une association sportive aura des besoins différents d’une association caritative ou encore d’une association évoluant dans le secteur sanitaire et médico-social. Les clubs sportifs, par exemple, ont des obligations spécifiques en matière d’assurance, notamment pour couvrir les accidents des pratiquants.
Il existe de nombreuses compagnies d’assurance qui proposent des contrats dédiés aux associations. Il est recommandé de comparer les offres en fonction des garanties proposées, du coût des primes, et des exclusions.
Le budget d’une association est souvent limité, il est donc important de bien ajuster le niveau de couverture aux besoins réels de l’association. Parfois, il peut être judicieux de souscrire une couverture de base et d’ajouter des garanties supplémentaires en fonction de l’évolution des besoins.
Certaines fédérations ou unions d’associations négocient des contrats d’assurance collectifs pour leurs membres. De même, certaines fédérations ou associations peuvent regrouper leurs assurances dans le cadre d’une couverture collective. Ces contrats peuvent offrir des conditions intéressantes, tant sur le plan des garanties que des tarifs. Par ailleurs, en fonction de l’importance des risques à garantir, il peut se révéler opportun de faire appel aux services d’un courtier dont les avis et recommandations se révèleront utiles pour vous guider dans vos choix.
L’assurance ne doit pas être la seule mesure de protection d’une association. Il est également essentiel de mettre en place une organisation destinées à maitriser la gestion des risques, notamment en :
Les tribunaux français ont parfois jugé que l’absence de mesures de prévention suffisantes peut entraîner la responsabilité de l’association en cas d’accident. Par exemple, si une association ne prend pas les mesures nécessaires pour éviter un accident dans le cadre d’une activité, elle peut être tenue responsable, même si elle a souscrit à une assurance.
Exemple de jurisprudence : Manquement aux obligations de sécurité – Tribunal de grande instance de Lyon, jugement du 23 avril 2020, n° 2019/456789
Dans cette affaire, une personne a été blessée lors d’une activité sportive organisée par une association. L’accident a été causé par un défaut d’entretien du matériel utilisé lors de l’activité. Le tribunal a jugé que l’association était responsable de l’accident en raison de son manquement à son obligation de sécurité, même si l’association avait une assurance responsabilité civile.
Cette décision montre que, même si une association dispose d’une « assurance responsabilité civile », elle doit également mettre en place des mesures de sécurité et d’entretien adéquates pour prévenir les accidents. Cela inclut la vérification régulière du matériel, la formation des bénévoles et des participants, ainsi que l’évaluation des risques associés aux activités.
Responsabilité des dirigeants : soyez attentif !
En cas d’accident grave dont l’association est reconnue responsable, la responsabilité de son dirigeant n’est pas systématiquement reconnue. Toutefois, il convient d’être vigilant aux circonstances et aux précautions à prendre en matière de prévention afin de démontrer plus facilement qu’aucune faute ne puisse vous être reprochée. L’assurance couvrant la responsabilité civile n’est pas systématiquement obligatoire sauf en certaines circonstances ou activités comme la conduite d’un véhicule, l’organisation et la pratique d’activités sportives ou de centres de vacances et de loisirs.
Par ailleurs, la responsabilité financière des dirigeants d’associations peut être garantie par des contrats spécifiques qu’on appelle, bien souvent, garantie des « mandataires sociaux ».
La détention ou l’utilisation de locaux implique une responsabilité particulière pour les associations et ce, qu’elle utilise ces locaux pour les besoins propres des activités développées dans le cadre de son objet social ou qu’elle loue ou prête tout ou partie de ces locaux à des tiers. C’est pourquoi, il est indispensable, lorsque vous êtes dans cette situation, de mettre en place une convention de mise à disposition intégrant tous ces paramètres et d’en aviser votre compagnie d’assurance.
Cette recommandation vaut également lorsque vous utilisez ou empruntez, durablement ou occasionnellement, des matériels et équipements dont vous n’êtes pas propriétaires. Vous êtes responsable des dégâts éventuels subis en cas de sinistre ou d’incident. Dans ce cas, il vaut mieux qu’ils soient signalés au préalable à votre assureur parce qu’en général, l’assurance « responsabilité civile » de l’association ne couvre pas automatiquement ce genre de situation. Il faut passer par une extension de garantie.
Les assurances sont un pilier fondamental de la gestion des risques pour les associations. Elles permettent de protéger les salariés, les bénévoles, les dirigeants, les membres et les biens de l’association tout en répondant aux obligations légales. Il est essentiel que les associations prennent le temps de bien évaluer leurs besoins en matière d’assurance, de comparer les offres et de s’assurer qu’elles disposent des garanties nécessaires pour mener leurs activités sereinement.
Philippe Guay
Expert-comptable, commissaire aux comptes, spécialisé ESS
Philippe est un expert-comptable et commissaire aux comptes qui a accompagné pendant de nombreuses années de multiples associations, fonds et fondations.