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Commande publique, Juridique

Commande publique : quand les associations sont-elles des pouvoirs adjudicateurs ?

Date de publication : 26/08/2020

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Solène Girard

Outre les personnes publiques, qui sont des pouvoirs adjudicateurs et donc sont concernées par la réglementation de la commande publique, certaines personnes morales de droit privé y sont également soumises, dont les associations et fondations : soit parce que l’association ou la fondation est un pouvoir adjudicateur au sens de l’article L.1211-1 du Code de la commande publique, soit parce que l’association ou la fondation passe un contrat subventionné à plus de 50 % par un pouvoir adjudicateur.
Le Code de la commande publique est entré en vigueur depuis le 1er avril 2019. Il s’agit d’un code unique, simplifié, qui regroupe l’ensemble des règles applicables aux différents contrats de la commande publique (marchés publics et concessions).

L’association pouvoir adjudicateur

Auparavant visés par l’article 10 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 et aujourd’hui codifiés à l’article L.1211-1 du Code de la commande publique, sont des pouvoirs adjudicateurs « les personnes morales de droit privé qui ont été créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial, dont :

  • soit l’activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur ;
  • soit la gestion est soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur ;
  • soit l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié est désignée par un pouvoir adjudicateur. »

Deux conditions cumulatives sont donc nécessaires pour qu’une association ou une fondation soit considérée comme un pouvoir adjudicateur. Elle doit avoir été créée pour satisfaire une mission d’intérêt général autre qu’industrielle et commerciale et elle doit avoir un lien de dépendance étroit avec un autre pouvoir adjudicateur. Tous ces critères doivent être analysés au cas par cas pour chaque entité. Voici quelques éléments permettant d’appréhender ce qui se cache derrière cette définition. La première condition (être une personne morale créée pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général autres qu’industriels et commerciaux) suppose que l’entité, à un moment donné de son existence, prend en charge un besoin d’intérêt général.

S’agissant de la seconde condition relative au lien de dépendance avec un pouvoir adjudicateur, les trois critères sont alternatifs. Sachant que le premier critère de la composition du conseil d’administration ne pose pas de problème particulier d’interprétation.

À lire :
Fondations et fonds de dotation, qui arrête les comptes ? Qui les approuve ?

Un financement majoritaire par un pouvoir adjudicateur

Le second critère du financement majoritaire par un pouvoir adjudicateur peut fréquemment concerner les associations. Elles vont alors devoir analyser la part occupée par des financements publics par rapport à leur financement global. Mais quels financements sont retenus pour effectuer l’analyse ? Précisons immédiatement que tous les financements versés par des pouvoirs adjudicateurs ne sont pas concernés et qu’ils ne répondent pas à la définition traditionnelle des financements publics. Pour la jurisprudence communautaire, sont visés les financements publics qui sont versés sans contrepartie ou contre-prestation spécifique, dans le but de soutenir les activités de l’entité concernée. Il s’agit donc des subventions comme les subventions de fonctionnement ou les aides facultatives contribuant au financement d’une activité initiée, définie et mise en œuvre par l’association ou la fondation…

Les associations et les fondations sont contraintes de respecter le Code de la commande publique dès lors qu’elles sont des pouvoirs adjudicateurs

Dès lors, ne sont pas pris en compte dans l’analyse du critère du financement majoritaire par un pouvoir adjudicateur les versements effectués en contrepartie de prestations de service ou les versements constitutifs d’un complément de prix tels que :

  • les versements constitutifs du prix d’un service rendu (par exemple, le prix d’un marché public) ;
  • les versements se substituant au prix qu’un usager devrait payer (par exemple : le prix de journée versé aux établissements médico-sociaux ou le forfait externat versé aux organismes de gestion de l’enseignement catholique) ;
  • les versements constitutifs d’un versement de prix comme la prestation sociale unique (PSU) pour le financement des crèches par exemple.

Enfin, seuls les financements en numéraire sont pris en compte. Ne sont donc pas visés les financements en nature tels que les mises à disposition gratuite de locaux ou de moyens.

La notion de « majoritaire » suppose plus de la moitié de l’ensemble des revenus de l’entité, y compris ceux qui résultent d’une activité commerciale, de dons, etc. L’appréciation se fait sur une base annuelle en tenant compte de l’exercice budgétaire au cours duquel une procédure de passation doit être lancée. Ainsi, une association dont les ressources proviennent pour plus de la moitié de cotisations, de ventes de produits et de dons de particuliers par exemple ne sera pas considérée comme financée de manière majoritairement publique.

Le contrôle de la gestion par un pouvoir adjudicateur

Le troisième critère est celui du contrôle de la gestion de l’association ou de la fondation par un pouvoir adjudicateur, c’est-à-dire par l’État, les collectivités territoriales ou d’autres personnes morales de droit public. La notion de contrôle suppose un contrôle actif, qui permet d’influencer les décisions de l’entité. Il ne peut s’agir d’un contrôle a posteriori. Par ailleurs, ce contrôle doit créer une situation de dépendance de l’entité vis-à-vis des organismes publics. La jurisprudence communautaire considère, par exemple, que ce contrôle peut être issu d’une réglementation détaillée sur les modalités de gestion et d’organisation, telle celle pour une société anonyme d’HLM par exemple (CJCE, 1er février 2001, aff. C-237/99, Commission contre République française).

Sont exclus les contrôles de nature comptable, ceux portant sur l’utilisation de subventions, ceux diligentés par la Cour des comptes ou par les autorités de tarification (agence régionale de santé, conseils départementaux). L’association ou la fondation qui répond aux conditions du pouvoir adjudicateur doit respecter les dispositions du Code de la commande publique pour tous ses marchés de travaux, de fournitures et de services. Le site du bulletin officiel des annonces des marchés publics (boamp.fr) donne des informations pratiques pour organiser son marché.

À savoir : le Code de la commande publique prévoit aussi que les organismes de droit privé qui ont été constitués par des pouvoirs adjudicateurs afin de réaliser certaines activités en commun sont des pouvoirs adjudicateurs.

Parfois, même si l’association ou la fondation n’est pas un pouvoir adjudicateur, certains des contrats qu’elle passe sont soumis aux règles des marchés publics. C’est le cas lorsqu’ils sont subventionnés à plus de 50 % par un pouvoir adjudicateur. Les deux conditions suivantes doivent alors être réunies :

  • la valeur estimée du besoin est égale ou supérieure aux seuils européens, c’est-à-dire 221 000 € HT pour les fournitures de services et 5 548 000 € HT pour les travaux ;
  • l’objet du contrat correspond à des activités de génie civil ou des travaux de construction relatifs aux hôpitaux, aux équipements sportifs, récréatifs et de loisirs, aux bâtiments scolaires et universitaires ainsi qu’aux bâtiments à usage administratif ou à des prestations de services liées à ces travaux

Cela pourrait, par exemple, être le cas d’un Ésat qui réalise des travaux de construction d’un immeuble pour plus de 5,5 millions d’euros, dont plus de la moitié est financée par des pouvoirs adjudicateurs. L’association dont le contrat est subventionné à plus de 50 % par un pouvoir adjudicateur doit alors respecter les règles des marchés publics pour ce marché en particulier et non pour l’ensemble de ses contrats. Elle doit procéder à des mesures de publicité et de mise en concurrence sur ces contrats.

Commande publique : Focus sur les associations et fondations gestionnaires d’ESSMS

Focus sur les associations et fondations gestionnaires d’ESSMS

Les financements reçus

Dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS), les prix de journée et le forfait soins ne sont pas des subventions mais la contrepartie (le prix) de services rendus aux usagers financés par l’autorité de tarification. Ils ne sont donc pas considérés comme des financements publics au sens de la réglementation sur les pouvoirs adjudicateurs.

Seules les subventions de fonctionnement sans contrepartie spécifique, comme des crédits non reconductibles ou des subventions d’investissement, peuvent être retenues au titre des financements publics. Or, en général, ce type de financement est minoritaire au sein d’un ESSMS. Toutefois, en cas de subventions exceptionnelles reçues, l’organisme gestionnaire doit apprécier, au cas par cas, année par année, le caractère majoritaire ou non de ces financements publics et, le cas échéant, la qualification ou non de pouvoir adjudicateur par l’organisme.

La notion de contrôle

L’autorité de tutelle et de tarification opère un contrôle sur l’activité et le patrimoine des établissements mais non sur ceux des entités gestionnaires. Ce contrôle ne crée pas une dépendance pouvant influencer les décisions de l’organisme gestionnaire.

Conclusion

En principe, les associations et fondations gestionnaires d’ESSMS ne sont pas des pouvoirs adjudicateurs. Par contre, elles peuvent être soumises aux règles de la commande publique pour certains contrats qui sont subventionnés à plus de 50 % par un pouvoir adjudicateur.

Focus sur les organismes de gestion de l’enseignement catholique

Un arrêt de la Cour de cassation a récemment jugé qu’un organisme de gestion de l’enseignement catholique (OGEC) était un organisme créé pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général autres qu’industriels et commerciaux car il « participe à la réalisation des objectifs et à l’accomplissement des missions du service public de l’enseignement », nonobstant son caractère confessionnel et alors même que l’activité de gestion d’établissements d’enseignement ne constituerait pas sa mission principale (Cassation commerciale, 7 mars 2018, n° 16-13138 et n° 16-1345). Qu’en est-il de la seconde condition relative au lien avec un pouvoir adjudicateur ?

Les financements reçus

Les forfaits d’externat ne sont pas des subventions mais des financements obligatoires versés en contrepartie d’un service d’enseignement. Il ne s’agit donc pas de financements publics au sens de la réglementation sur la commande publique. Par ailleurs, généralement, les OGEC sont financés à plus de 50 % par des fonds privés.

La notion de contrôle

Le contrôle par la direction départementale ou régionale des finances publiques est un contrôle financier a posteriori et sans pouvoir contraignant sur l’activité de l’OGEC. Il ne s’agit donc pas d’un contrôle créant une dépendance et ayant le pouvoir d’influencer les décisions de l’OGEC.

Conclusion

En principe, un OGEC n’est pas un pouvoir adjudicateur mais il peut être amené à appliquer les règles de la commande publique pour certains contrats s’ils sont subventionnés à plus de 50 % par un pouvoir adjudicateur (par exemple, des travaux de construction relatifs aux équipements sportifs, récréatifs et de loisirs, aux bâtiments scolaires et universitaires ainsi qu’aux bâtiments à usage administratif). Toutefois, en fonction du contexte, chaque OGEC devra procéder à sa propre analyse.

Commande publique : conséquence du non respect des associations

Conséquences du non-respect de la procédure des marchés publics

Que se passe-t-il lorsqu’une association ou une fondation ne respecte pas les règles des marchés publics ? Les contrats ne sont pas nuls de plein droit mais ils sont susceptibles d’annulation. Plusieurs actions sont alors possibles :

  • une action en référé précontractuel et contractuel qui permet de suspendre ou d’annuler la procédure de passation des marchés, voire d’annuler le marché sauf si cette annulation cause une atteinte excessive à l’intérêt public ;
  • une action en contestation de la validité du contrat, qui est ouverte exclusivement aux candidats évincés ainsi qu’à tout tiers au contrat susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon certaine et directe.

Ces actions peuvent également mener au versement de dommages-intérêts. L’annulation d’un contrat peut justifier également la restitution d’une subvention reçue. Enfin, le fait de ne pas respecter les procédures des marchés publics peut également constituer le délit de favoritisme ou d’avantage injustifié. Sont notamment concernés les pouvoirs adjudicateurs, personnes morales de droit public comme privé, ainsi que les personnes agissant pour leur compte, qui ont tenté de procurer ou qui ont procuré à autrui un avantage injustifié par un acte contraire à la réglementation de la commande publique. Ce délit est sanctionné de 2 ans d’emprisonnement et de 200 000 € d’amende (article 432-14 du Code pénal).

Attention !

Il est important que les associations et les fondations s’interrogent sur leur situation au regard du droit de la commande publique. Nous attirons votre attention sur le fait que les éléments explicités ici sont des données générales alors que chaque association ou fondation est unique. Elles doivent donc réaliser leur propre analyse pour déterminer si elles sont, ou non, des pouvoirs adjudicateurs.
Auteur(s) :

Solène Girard

Responsable Nationale Marché Economie Sociale

Solène est Responsable nationale de la ligne de marché « Economie Sociale » chez In Extenso. Dans ce cadre, elle anime et coordonne le réseau pour le marché spécifique des associations et de l’économie sociale.

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