Fonds de dotation - Fondation, Juridique
Date de publication : 06/09/2021
Philippe Guay
Il aura fallu attendre la fin du mois d’août et la saisine du Conseil constitutionnel pour que la loi confortant le respect des principes de la République (dite « loi séparatisme ») soit publiée dans sa version définitive (loi n°2021-1109 du 24 août 2021).
Présenté au conseil des ministres le 9 décembre 2020, le projet de loi séparatisme comporte plusieurs mesures ayant pour objectif de lutter contre le séparatisme et les atteintes à la citoyenneté.
Le texte important qui résulte des débats parlementaires passionnés qui ont ponctué le processus législatif tout au long du premier semestre aborde des sujets aussi variés que le délit de séparatisme, l’encadrement de l’instruction en famille, le contrat d’engagement républicain pour les associations, la lutte contre la haine en ligne et une meilleure transparence des cultes.
Nous aborderons, ici, les chapitres ayant une incidence sur le fonctionnement des associations, fonds et fondations. Les dispositions relatives à garantir le libre exercice du culte (Titre II de la loi) fait l’objet d’une présentation spécifique sur notre site.
La loi introduit, avec la notion de subvention, le principe du contrat d’engagement républicain qui devient un engagement contractuel obligatoire (article 12).
En effet, toute association qui sollicitera une subvention publique auprès d’une autorité administrative devra, au préalable, s’engager par la souscription d’un contrat d’engagement républicain :
L’existence de cet engagement doit être porté à la connaissance des membres de l’association. Lorsque cet engagement est illicite ou incompatible avec l’objet ou les activités conduites par l’association, l’autorité administrative sollicitée refuse la subvention demandée. Le retrait de subvention peut prendre la forme d’une demande de restitution lorsque l’autorité administrative prend connaissance du caractère illicite de cette situation alors que la convention de financement est déjà engagée.
Le contrat d’engagement républicain devient également une condition préalable incontournable pour les associations et fondations qui souhaitent solliciter leur reconnaissance d’utilité publique (article 15).
Il en est de même pour les associations, unions et fédérations qui bénéficient d’agréments. Ces dernières doivent, dans un délai de deux ans à compter de la publication de la loi, déposer un nouveau dossier de demande d’agrément, lequel est accordé pour une durée de cinq ans.
Replay : Contrat d’engagement républicain : comment se préparer face à ces nouvelles contraintes ?
En ce qui concerne les dons reçus, la loi séparatisme modifie le régime de contrôle établi par le Livre des procédures fiscales et instaure un contrôle sur place par l’administration fiscale de la régularité de la délivrance des reçus, attestations et de tout autre document indiquant au contribuable qu’il est en droit de bénéficier d’une réduction d’impôt. Nous aurons l’occasion de revenir sur cette procédure détaillée décrite dans un nouvel article 14 B du Livre des procédures fiscales (applicable à partir du 1er janvier 2022).
Le Code général des impôts se trouve enrichi d’une nouvelle obligation déclarative. En effet, la loi séparatisme prévoit que les organismes qui émettent des reçus fiscaux et des justificatifs au profit de donateurs doivent désormais déposer une déclaration annuelle à l’administration fiscale (article 19).
Cette déclaration comporte :
En ce qui concerne le régime fiscal de faveur du mécénat des entreprises (article 238 bis du CGI), la loi séparatisme ajoute une règle qui prévoit que le bénéfice de la réduction d’impôt est subordonné à la condition que l’entreprise soit en mesure de présenter, à la demande de l’administration fiscale, les pièces justificatives, répondant à un modèle fixé par l’administration, attestant la réalité des dons et versements (applicable aux dons et versements effectués à compter du 1er janvier 2022).
Rappelons ici que les dispositions en matière de mécénat exigent que les organismes qui bénéficient de dons de personnes physiques ou morales ouvrant droit, au bénéfice des donateurs, à un avantage fiscal doivent assurer la publicité par tous moyens et la certification de leurs comptes annuels au-dessus d’un montant de dons de 153 000 euros par an (article 4-1 de la loi n°87-571 du 23 juillet 1987).
La loi séparatisme s’appuie sur ce texte pour renforcer les obligations faites à ces organismes et leur contrôle.
Ces entités devront, désormais établir un état séparé des avantages et ressources provenant de l’étranger, cet état étant à insérer dans l’annexe des comptes annuels.
Les associations bénéficiant de dons ouvrant droit à avantage fiscal au profit de leurs bénéficiaires. Les associations cultuelles sont également concernées.
A lire : La réglementation financière des associations cultuelles
Les avantages et ressources en numéraire ou consentis en nature provenant de l’étranger, avantages et ressources apportés par des fiducies et des personnes morales de droit français, avantages et ressources consentis directement ou indirectement.
La loi introduit, bien entendu, une sanction pour non-respect de cette disposition (amende de 3.750€ pouvant être portée jusqu’au quart de la somme des avantages et ressources non-inscrits dans l’état séparé).
Comme nous l’avons évoqué dans un précédent article, la loi pénalise la sanction pour défaut de publicité des comptes annuels et du rapport du commissaire aux comptes sur le site internet des Journaux Officiels. Cette obligation légale vise les associations recevant des subventions en numéraire de la part des autorités administratives ou des établissements publics à caractère industriel et commercial. Le montant de l’amende qui frappe le dirigeant de l’association est de 9.000€.
De plus, le représentant de l’Etat dans le département du siège de l’association peut obtenir une injonction sous astreinte des dirigeants pour assurer la publicité des comptes annuels et du rapport du commissaire aux comptes.
La loi séparatisme a réservé quelques articles destinés à renforcer et sécuriser le fonctionnement et le contrôle des fonds de dotation. En fait, plusieurs dispositions qui étaient, jusqu’alors, issues des textes réglementaires (décrets d’application) ont été ajoutées à l’article 140 de la loi du 4 août 2008, leurs donnant ainsi une force de niveau législatif.
De plus, la loi renforce le pouvoir de l’autorité administrative et lui permet d’apprécier le caractère d’intérêt général de l’objet du fonds. Dans ces conditions, si elle constate que l’objet du fonds de dotation méconnaît les dispositions essentielles de l’intérêt général, que des dysfonctionnements affectent la réalisation de son objet, que l’une de ses activités ne relève pas d’une mission d’intérêt général ou qu’il méconnaît les obligations prévues, elle peut, après une mise en demeure non suivie d’effet dans un délai de deux mois, suspendre, par décision motivée, l’activité du fonds pendant une durée pouvant aller jusqu’à six mois, renouvelable deux fois et, le cas échéant, saisir l’autorité judiciaire aux fins de sa dissolution.
Enfin, tout comme pour les associations, les fonds de dotation qui bénéficient directement ou indirectement d’avantages ou de ressources versés en numéraire ou consentis en nature par une personne morale étrangère, par tout dispositif juridique de droit étranger comparable à une fiducie ou par une personne physique non-résidente en France doivent établir un état séparé de ces avantages et ressources à insérer dans l’annexe de leurs comptes annuels.
Pour conclure, il faudra prendre le temps pour digérer certaines dispositions prises et surtout attendre plusieurs décrets à venir pour bien saisir les modalités d’application de ces textes.
À lire :
Plan de relance : les mesures intéressant les associations
Philippe Guay
Expert-comptable, commissaire aux comptes, spécialisé ESS
Philippe est un expert-comptable et commissaire aux comptes qui a accompagné pendant de nombreuses années de multiples associations, fonds et fondations.