Fonds de dotation - Fondation, Mécénat
Date de publication : 08/10/2021
Philippe Guay
Avec la loi PACTE publiée en 2019, le législateur incite les entreprises à donner un sens à leur raison d’être. Cette évolution des mentalités entrepreneuriales se concrétise notamment par une prise de conscience de plus en plus marquée vers la structuration des actions de mécénat et de philanthropie qu’elles engagent autour de ce qu’on appelle communément la RSE ou « contribution des entreprises aux enjeux du développement durable ».
Les dirigeants d’entreprises, PE, PME et ETI sont ainsi confrontés à des choix cornéliens destinés à retenir tel ou tel type de structure juridique pour accueillir les actions de mécénat engagées.
En effet, selon que l’entreprise souhaite tenir une place plus ou moins active ou passive dans le projet de mécénat qu’elle engage, selon qu’elle met en œuvre un projet court, ponctuel, ou long et durable dans lequel elle prendra une part opérationnelle ou dispensatrice de fonds, toutes ces caractéristiques sont à retenir pour orienter ses choix vers la structure la plus adaptée et la plus simple à gérer.
Trois types de structures juridiques s’offrent au choix des dirigeants d’une entreprise ou d’un groupe d’entreprises pour loger leur projet RSE :
Nous abordons, ci-après une présentation rapide des caractéristiques de ces structures, avec l’évocation de leurs avantages, contraintes et inconvénients.
La fondation d’entreprise est une structure dont l’existence a été mise en place par la loi du 4 juillet 1990.
Sa mise en place et son fonctionnement sont réglementés et soumis au contrôle de l’autorité administrative. Pour créer une fondation d’entreprise, le dossier est soumis à un examen approfondi du préfet du siège de l’entreprise fondatrice. Ce dernier délivre un arrêté approuvant la constitution de la fondation.
Le ministère de l’intérieur affiche l’existence actuelle de 359 fondations d’entreprise.
Pour créer, une fondation d’entreprise, l’entreprise fondatrice s’engage sur un délai de cinq années et elle doit avoir apporté au minimum une dotation de 150.000 euros au terme de cette période. Lorsque la dotation n’est pas apportée en totalité à la constitution, le plan d’abondement pluriannuel (PAP) doit faire l’objet d’une caution bancaire garantissant les versements des annuités suivantes. Par la suite, le programme d’action de la fondation peut être prorogé par périodes triennales.
De plus, la jurisprudence accorde aux fondations d’entreprise le bénéfice du mécénat de compétence pour la mise à disposition de personnels de l’entreprise fondatrice affecté au fonctionnement de la fondation.
Les dispositions réglementaires soumettent la fondation d’entreprise à diverses obligations comptables et financières habituelles (comptes annuels, certification par un commissaire aux comptes, publicité des comptes, etc..).
D’une manière générale, la fondation d’entreprise a une capacité limitée dans ses ressources. Elle ne peut recevoir ni donations ni legs et ne peut faire appel à la générosité du public. De même, elle ne peut acquérir ou détenir d’autres immeubles que ceux qui sont nécessaires à l’accomplissement de son objet. Elle peut donc recevoir des dons de l’entreprise fondatrice dans le cadre du régime fiscal du mécénat, ainsi que des salariés de l’entreprise ou de ses dirigeants. Mais dans une proportion tout-à-fait limitée pour ces derniers (1.500 € par dirigeant). Sa capacité à détenir des titres de la société fondatrice ou de sociétés contrôlées par elle peut en faire un outil de stratégie financière intéressant pour maintenir la stabilité de la valeur des titres du groupe fondateur, mais elle doit rester passive et ne peut exercer de droit de vote attaché à ces titres.
On constate aisément, à l’évocation des caractéristiques ci-dessus, que la fondation d’entreprise ne permet pas, ou difficilement, d’associer d’autres partenaires à un projet social ou philanthropique que l’entreprise fondatrice pourrait inviter à partager.
Conformément à la loi du 4 août 2008 qui l’a instauré, pour créer un fonds de dotation les fondateurs doivent déposer les statuts du fonds en Préfecture. Le fonds existe dès sa publication au journal officiel.
Les principaux avantages que recherchent les fondateurs d’un fonds de dotation résident dans la rapidité et la souplesse de sa création tout en bénéficiant des avantages fiscaux et patrimoniaux d’une fondation de type reconnue d’utilité publique tout en ayant la possibilité de réaliser un apport plus modeste. La création du fonds de dotation résulte d’un simple régime déclaratif, ce qui le différencie encore largement de la fondation.
On retiendra rapidement la simplicité administrative de la mise en œuvre d’un fonds de dotation : dépôt des statuts, modification des statuts, comptes annuels remis en préfecture. La rédaction des statuts est libre et leur modification peut intervenir à tout moment sur simple décision de l’organe délibérant.
La gouvernance convenue pour diriger un fonds de dotation peut être très légère. Le législateur prévoit que le fonds est dirigé par un conseil d’administration composé d’au moins trois administrateurs nommés en toute liberté par les fondateurs.
De même, le fondateur jouit d’une totale liberté dans la définition de la mission confiée au fonds dès lors qu’elle répond aux critères d’intérêt général.
Le fondateur maitrise entièrement la dotation et l’utilisation des dons reçus par le fonds, dans le respect des dispositions statutaires. Pour créer un fonds de dotation, il faut apporter une dotation initiale minimale de 15.000 euros mais, contrairement à la fondation d’entreprise, il n’y a pas d’exigence d’abonder, par la suite, au capital du fonds.
Ainsi, l’entreprise fondatrice pourra moduler ses versements de mécénat en fonction de ses résultats commerciaux et la conjoncture économique et financière relative à ses activités.
Le principal inconvénient d’un fonds de dotation est qu’il ne peut recevoir de subvention publique. En effet, aucun fonds public, de quelque nature qu’il soit, ne peut être versé à un fonds de dotation. Toutefois, des fonds publics en provenance d’un pays tiers ne sont pas considérés, comme « fonds publics non autorisés ».
Autre inconvénient différenciant par rapport à la fondation, un mécène ne peut bénéficier des avantages fiscaux IFI pour ses dons à un fonds de dotation.
Enfin, si la dénomination du fonds est libre de choix, la dénomination « fonds de dotation » n’est pas exigée, il est à noter que le fonds ne peut utiliser le terme « fondation » dans sa dénomination.
Les obligations légales du fonds de dotation exigent que celui-ci établisse, chaque année un rapport d’activité et des comptes annuels qui sont adressés à la préfecture de son siège social dans les six mois qui suivent la date de clôture. Il en est de même pour le rapport du commissaire aux comptes qui doit être nommé dès 10.000 € de ressources. Les comptes annuels doivent être publiés sur le site internet des journaux officiels.
Il existe, à ce jour, plus de 3.500 fonds de dotation en France dont 450 environ ont été créés par des entreprises. Contrairement à la fondation d’entreprise, le fonds de dotation est un excellent support juridique pour fédérer et inviter tous types de donateurs, salariés, clients, fournisseurs de l’entreprise, mais également grand public autour d’une collecte de dons pour financer un ou des projets d’intérêt général. Et dans cas, le projet peut être porté par le fonds lui-même (fonds opérateur) ou confié, sous son contrôle, à une autre structure d’intérêt général (fonds redistributeur).
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Instaurée par la loi du 23 juillet 1987, la fondation abritée consiste à ouvrir un compte distinct au sein d’une fondation reconnue d’utilité publique ou de l’Institut de France pour recevoir des dotations et libéralités au même titre que la fondation accueillante et avec les mêmes prérogatives fiscales que celle-ci.
Cette fondation abritée est constituée à l’initiative d’un fondateur qui peut être une entreprise. Pour créer une fondation abritée, on dit également « sous égide », il faut passer une convention avec une fondation abritante. Il en existe une cinquantaine dont la Fondation de France, la Fondation Caritas, la Fondation pour la Recherche Médicale par exemple ou l’Institut de France dont le statut particulier lui permet d’abriter des fondations au sein d’une des cinq académies. La convention est un contrat de droit privé entre le(s) fondateur(s) ou ses représentants et la fondation abritante. L’égide reçoit une rémunération pour services rendus (de 5% à 12% selon les fondations abritantes).
L’avantage qu’une entreprise peut trouver à constituer une fondation abritée réside certainement dans la rapidité et la souplesse de sa création tout en bénéficiant des avantages fiscaux et patrimoniaux d’une fondation de type reconnue d’utilité publique. La facilité administrative de fonctionnement lui permet de s’appuyer sur l’organisation de la fondation abritante tout en bénéficiant de sa réputation.
A ce stade, la fondation abritée ne jouissant pas de la capacité juridique, la responsabilité est prise en charge par la fondation abritante. La convention engagée avec l’abritante permet à la fondation abritée d’avoir accès à tout un éventail de conseils existants au sein de l’abritante. Cette organisation lui permet aussi, tout en disposant de son propre organe de direction, de bénéficier de solutions particulièrement adaptées pour mettre en œuvre des actions distributives pilotées et gérées par l’abritante et ses services opérationnels.
Le dispositif relatif à la fondation abritée est intéressant à étudier pour une entreprise qui souhaite réaliser des projets de mécénat sur une durée limitée (par exemple sur une durée de 5 ans) car il offre ainsi davantage de liberté pour une structure de flux. De plus, la création d’une fondation sous égide permet aussi à une entreprise de s’inscrire dans un réseau, ce qui peut éviter l’isolement dans l’action et les projets engagés (culturels, humanitaires, insertion, par exemple). La création d’une fondation abritée permet également d’optimiser les coûts de fonctionnement de la structure qui se trouveront opportunément partagés et mutualisés avec l’égide et d’autres fondations abritées. Libéré des charges administratives, le fondateur peut ainsi s’adonner pleinement à la mission sociale de sa fondation.
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Quelques inconvénients ou contraintes peuvent apparaitre à l’examen de cette option. La fondation abritée ne dispose pas de la personnalité juridique et morale distincte de celle de la fondation qui l’abrite. De ce fait, elle dépend totalement des règles de fonctionnement de la fondation abritante.
Elle ne peut outrepasser dans ses actions la mission de la fondation abritante et son autonomie opérationnelle est plus ou moins importante en matière de finances, d’organisation, de communication selon le contrat établi avec la fondation mère. Les legs et donations qui lui sont apportés deviennent propriété de la fondation abritante. La gouvernance est obligatoirement partagée avec la fondation abritante.
La fondation abritée peut perdre une partie de sa notoriété et de son image au profit de la fondation abritante ce qui, dans le cas d’un projet de mécénat d’entreprise, peut être contreproductif.
Le contrat d’égide doit faire l’objet de soins attentifs et d’accords qui ne peuvent souffrir aucune contestation ultérieure. Ce contrat détermine les frais de gestion que la fondation abritante prélèvera. Les comptes annuels de la fondation abritée sont des sous-comptes indépendants de la fondation abritante, mais ils sont intégrés dans les comptes globaux de cette dernière. Ils entrent dans le périmètre de certification du commissaire aux comptes de l’abritante.
Il existe à ce jour plus de 2.500 fondations abritées dont 1.700 sous l’égide de 55 fondations reconnues d’utilité publique et environ 800 portées par l’Institut de France. Peu de fondations abritées disparaissent et seules quelques-unes (moins de dix par an) choisissent de s’émanciper en demandant leur reconnaissance d’utilité publique. A croire que fondateurs et égides y trouvent leur compte et leur sérénité.
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Philippe Guay
Expert-comptable, commissaire aux comptes, spécialisé ESS
Philippe est un expert-comptable et commissaire aux comptes qui a accompagné pendant de nombreuses années de multiples associations, fonds et fondations.