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Comptabilité

Réforme du plan comptable général : quel impact sur les associations et autres organismes sans but lucratif ?

Date de publication : 15/05/2023

#Article

Philippe Guay

Afin de moderniser la présentation des comptes, une réforme du plan comptable général a été initiée. Elle va également avoir un impact sur les comptes des associations, fondations, fonds de dotation ou de tout autre organisme sans but lucratif qui appliquent le règlement ANC n°2018-06. Focus sur les modifications que ces derniers vont devoir prendre en considération.

Le contexte de la réforme du plan comptable général

Le plan stratégique de l’Autorité des normes comptables, lancé depuis plusieurs années, visait à moderniser les documents financiers et la nomenclature des comptes d’une manière générale en France. Les travaux ainsi engagés ont été soumis à divers avis et consultations tout au long de leur évolution pour aboutir à la publication d’un important règlement destiné à réformer le plan comptable général (PCG – Règlement ANC n°2014-03) approuvé le 4 novembre 2022.

Cette modernisation poursuit trois objectifs principaux :

  • Faciliter la digitalisation des comptes annuels ;
  • Mettre à jour les modèles des comptes annuels et la nomenclature des comptes ;
  • Simplifier les modèles de comptes annuels.

A partir de quand s’applique la réforme du plan comptable général ?

La mise en application du nouveau règlement (ANC n°2022-06 du 4 novembre 2022) est prévue pour les comptes des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2025.

Il pourra être appliqué par anticipation à compter de sa date de publication au Journal Officiel, ce qui n’est pas encore effectif, le ministère de l’économie ayant décidé de sursoir à son homologation.

L’impact de cette réforme étant significatif sur la pratique quotidienne des opérateurs comptables, il nous semble judicieux d’en présenter, ici, les points principaux qui auront une incidence, non seulement sur le PCG, mais également sur le plan comptable des associations, fondations et autres organismes sans but lucratif (règlement ANC n°2018-06).

Les cinq volets de la réforme du plan comptable général (PCG)

Révision de la notion de « résultat exceptionnel »

Une notion plus stricte du caractère exceptionnel des opérations

Le nouveau règlement comptable instaure des dispositions particulières qui visent à repenser la notion de résultat exceptionnel.

Ainsi, les éléments habituellement inscrits par nature en résultat exceptionnel seront limités aux seuls enregistrements liés à des opérations fiscales, des changements de méthodes ou des corrections d’erreurs.

Par ailleurs, le nouveau raisonnement conserve en résultat exceptionnel les produits et charges directement liés à un évènement exceptionnel. Ce classement ne s’appuie donc plus exclusivement selon la « nature » de la charge ou du produit.

Le nouveau plan comptable ne retient en résultat exceptionnel que les charges et produits directement liés à un évènement majeur et inhabituel (PCG, nouvel art. 513-5) :

  • Un événement est majeur lorsque ses conséquences sont susceptibles d’exercer une influence sur le jugement.
  • Un évènement inhabituel est un événement qui n’est pas lié à l’exploitation normale et courante de l’entité.
  • Un événement est présumé inhabituel lorsqu’un même évènement ne s’est pas produit au cours des derniers exercices et qu’il est peu probable qu’il se reproduise au cours des prochains exercices.

Sont comptabilisés en résultat exceptionnel les produits et les charges directement liés à l’événement majeur et inhabituel qui n’auraient pas été constatés en l’absence de cet événement. Les aides, les remboursements et les indemnités directement liés à l’évènement majeur et inhabituel et reçus en compensation de charges d’exploitation sont classés en résultat d’exploitation.

L’appréciation du caractère majeur et inhabituel d’un évènement est spécifique à chaque entité. Un même événement, dans une circonstance spécifique, peut être qualifié de manière différente.

Par ailleurs, les éléments inscrits par nature qui sont conservés au titre du résultat exceptionnel sont limités aux écritures comptables d’origine purement fiscale, comme les amortissements dérogatoires, aux changements de méthode inscrits en résultat et aux corrections d’erreurs.

En comparaison avec les dispositions actuelles, ces modifications auront pour conséquence de faire appel au jugement du préparateur des comptes et de revoir la pertinence des informations inscrites en exceptionnel et, par conséquent, en résultat d’exploitation. En complément du montant inscrit en résultat exceptionnel au compte de résultat, une description des événements exceptionnels doit être fournie dans l’annexe (PCG, nouvel art. 832-21).

Exemple illustratif 1 – Cession d’une immobilisation

Une entité cède l’une de ses immobilisations corporelles. Le résultat de cette cession sera, désormais, inscrit en résultat d’exploitation car elle n’est pas liée à un événement majeur et inhabituel et à ce titre ne correspond pas au projet de définition du résultat exceptionnel.

Exemple illustratif 2 – Cession d’un ensemble d’immobilisations dédié à une branche d’activité dont l’entité se désengage

Une entité cède une ligne complète et un ensemble d’immobilisations corporelles et incorporelles d’une branche d’activité dont elle se désengage. L’entité considère que ce désengagement d’une branche d’activité remplit les conditions d’un événement exceptionnel. Le résultat de ces cessions sera inscrit en résultat exceptionnel car elles sont liées à un événement majeur et inhabituel et à ce titre correspond au projet de définition du résultat exceptionnel.

Exemple illustratif 3 – Charges encourues pendant un arrêt de la production lié à un évènement majeur et inhabituel

Une entité a subi un arrêt de sa production ou de son activité lié à un évènement majeur et inhabituel. Par ailleurs, du fait de cet événement, l’entité a reçu une indemnité d’assurance venant compenser ses pertes d’exploitation. Ici, les charges encourues durant la période d’arrêt de production (loyers, charges de personnel, dotations aux amortissements) auraient été constatées en exploitation, même en l’absence de cet événement.

Il convient donc, à ce titre, bien qu’en présence d’un événement exceptionnel, que ces charges demeurent inscrites en résultat d’exploitation. L’indemnité d’assurance venant compenser des charges inscrites en résultat d’exploitation est également comptabilisée en résultat d’exploitation.

A voir : Quel impact de la réforme du PCG sur la comptabilité des associations ?

Concrètement, quels sont les comptes concernés par la nouvelle définition du résultat exceptionnel ?

Les subdivisions actuelles des comptes 67 et 77 sont reclassées en comptes contribuant à la formation du résultat courant. On notera, particulièrement que les subdivisions des comptes 67 et 77 liées à la cession d’éléments d’actifs sont remplacées par des subdivisions des comptes 65 et 75 et 66 et 76 (lorsqu’il s’agit d’opérations financières).

Par ailleurs, le compte 777 « Quote-part des subventions d’investissement virée au résultat de l’exercice » est remplacé par le compte 747. Ce reclassement met fin aux commentaires fréquents rencontrés dans le secteur associatif sur la pratique liées à la reprise progressive des subventions d’investissements qui a vocation à compenser les dotations aux amortissements des biens que lesdites subventions ont financés à l’origine.

Enfin, les comptes de produits et de charges exceptionnels dont l’utilisation reste autorisée enregistrent les impacts d’un événement majeur et inhabituel, les provisions réglementées (y compris les amortissements dérogatoires) et les dépréciations considérées comme non déductibles fiscalement, les changements de méthodes inscrits en résultat et les corrections d’erreurs.

Présentation du résultat exceptionnel

Concernant les tableaux financiers de synthèse, il reste donc un niveau de présentation du résultat exceptionnel qui regroupe un total des produits et des charges exceptionnels de l’exercice (PCG, nouveaux art. 821-2 et 822-2), lesquels doivent faire l’objet d’une description détaillée dans l’annexe aux comptes annuels.

Le règlement précise que pour chaque événement majeur et inhabituel à l’origine de l’inscription des produits et charges en résultat exceptionnel, il convient de fournir dans l’annexe la description de l’événement, les montants déjà inscrits au cours des exercices antérieurs, la nature des produits et charges inscrits au cours de l’exercice (PCG, nouvel art. 832-21).

A lire aussi :
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Suppression de la technique du transfert de charges

La technique du transfert de charges faisait partie d’une nouveauté introduite à la suite d’une directive européenne datant de 1981 instaurant le Nouveau Plan Comptable. Les principes comptables de l’époque exigeaient que les opérations inverses au sens normal des comptes soient identifiées dans des comptes spécifiques non-compensés avec le compte principal. Ainsi, le plan comptable était aménagé pour recevoir dans des comptes de « transferts de charges » des refacturations diverses, des remboursements de charges de personnel et des indemnités d’assurance, mais aussi des écritures purement techniques comme l’imputation de dépenses à d’autres comptes de charges afin de ne pas faire défaut à l’interdiction absolue de non-compensation des écritures dans le même compte.

Le règlement comptable introduisant le PCG nouveau supprime purement et simplement la technique du transfert de charges. Les comptes 791, 796 et 797 sont supprimés du plan de comptes. Les postes « transferts de charges » figurant dans les modèles de compte de résultat sont supprimés.

Inversant une pratique comptable utilisée depuis plus de quarante années, la nouvelle règle consiste, lorsque la charge n’a pas été inscrite directement dans le compte adéquat, à transférer le montant concerné en créditant tout simplement le compte de charges utilisé initialement et en débitant le compte de charges approprié (PCG, nouvel art. 1221).

Commentaire illustratif 1 – Refacturations diverses

Les refacturations sont inscrites au compte 708 « Produits des activités annexes ».

Les refacturations de charges de personnel sont enregistrées au crédit du compte 7084 « Mise à disposition de personnel facturée » (PCG, nouvel art. 1221-64).

Commentaire illustratif 2 – Remboursements reçus directement en compensation de charges de personnel

Les remboursements reçus directement en compensation de charges de personnel sont enregistrés au crédit du compte 649 « Remboursements de charges de personnel » (PCG, nouvel art. 1221-64).

Commentaire illustratif 3 – Indemnités d’assurance

Les indemnités d’assurance sont enregistrées au compte 7587 « Indemnités d’assurance ».

En revanche, les indemnités d’assurance reçues en compensation de la destruction totale ou du vol d’une immobilisation sont enregistrées au compte 757 « Produits des cessions d’immobilisations incorporelles et corporelles ». (PCG, nouvel art. 1222-75).

Modernisation et actualisation du plan de comptes

La nomenclature comptable fait l’objet d’une mise à jour avec la réforme du plan comptable général.

La révision du plan de comptes permet ainsi de supprimer près de deux cents comptes. Deux raisons majeures justifient ces suppressions. D’une part, certains comptes faisaient référence à des dispositions obsolètes ; d’autre part, le niveau de granularité des comptes était devenu trop fin.

Enfin, le nouveau règlement propose de regrouper certaines subdivisions pour éviter une utilisation obligatoire trop fine du plan de comptes. Au niveau de la nomenclature des comptes, les niveaux de comptes du système développé et du système abrégé, figurant dans le PCG actuel, sont supprimés afin de ne maintenir qu’un seul plan de comptes.

Le plan de comptes présenté dans le nouveau règlement comprend des comptes en caractère normal, dont l’utilisation est obligatoire, et des comptes en caractère italique, dont l’utilisation est facultative (PCG, nouvel art. 1120-1). Lorsque les comptes prévus par le plan de comptes ne suffisent pas à l’entité, elle peut ouvrir toute subdivision nécessaire (PCG, nouvel art. 1130-1).

Par ailleurs, le plan de comptes doit permettre un passage simplifié de la balance des comptes à la présentation normalisée des documents de synthèse. A ce titre, l’ANC a mis en place une initiative pertinente en intégrant en infra-réglementaire des tableaux de passage entre le plan de comptes et les modèles d’états financiers figurant dans le PCG. Les classements prévus dans ces tableaux peuvent être adaptés en fonction des besoins spécifiques des entités.

Révision des modèles d’états financiers

Avec la réforme, le PCG prescrit des modèles d’états financiers. Là encore, par mesure de simplification, plusieurs modèles d’états financiers figurant dans le PCG actuel sont supprimés.

Les modèles d’états financiers auxquels il convient désormais de se référer sont ceux du système de base et ceux du système abrégé. Ils ont été revus et modernisés. Ils figurent dans le règlement aux articles 821-1 et 2 et 822-1 et 2.

Le nouveau règlement précise que les entités peuvent utiliser des modèles de bilan et de compte de résultat plus développés si elles respectent les modèles figurant dans le PCG mais décident d’apporter plus d’informations (PCG, nouvel art. 811-5). De même, par mesure de présentation simplifiée des tableaux de synthèse, le règlement permet que ne soit pas mentionné un poste du bilan ou du compte de résultat qui ne comporte aucun montant, ni pour l’exercice, ni pour l’exercice précédent (PCG, nouvel art. 811-3).

Par prudence, le règlement a prévu le traitement de l’incidence de son application sur la présentation de l’exercice précédent (article 27 du règlement). Ainsi, il est précisé que ses dispositions s’appliquent à compter de l’exercice de première application sans emporter de conséquences sur les comptes antérieurs, autres que les reclassements nécessaires pour se conformer aux nouveaux modèles de bilan et de compte de résultat lors du premier exercice d’application.

Lors du premier exercice d’application, les entités présentent le bilan et le compte de résultat conformément aux nouveaux modèles. Le bilan et le compte de résultat de l’exercice précédant l’exercice de première application sont présentés selon les nouveaux modèles, le cas échéant, en procédant à des reclassements.

Dans le cas où des reclassements sont opérés, le bilan et le compte de résultat arrêtés et publiés au titre de l’exercice précédent sont présentés séparément dans l’annexe à titre de rappel et les informations pertinentes et nécessaires à la compréhension des changements de présentation sont également fournies dans l’annexe.

Informations dans l’annexe des comptes annuels

Le règlement apporte de nombreuses précisions et commentaires complémentaires dans les dispositions relatives aux informations à fournir dans l’annexe des comptes annuels (PCG, nouveaux art. 831-1 à 838-17).

Cette partie est présentée par type d’information, et non plus, comme dans le PCG actuel, par catégorie d’entités. Les premiers articles relatifs à l’annexe (831-1 et suivants) suggèrent des modèles de tableaux normés très intéressants pour la présentation des informations relatives aux principes généraux et aux changements comptables. Les entités concernées peuvent adopter ce mode de présentation synthétique et indexé qui permet d’accéder directement aux rubriques essentielles de l’annexe.

En ce qui concerne la présentation des flux de trésorerie, une disposition de la réforme du plan comptable général introduit la possibilité de présenter un tableau des flux de trésorerie dans l’annexe des comptes annuels, en l’accompagnant des informations relatives à son élaboration (PCG, nouvel art. 811-6).

De même, des modèles de tableaux de financement sous la forme d’un tableau des flux de trésorerie ou d’un tableau des emplois et des ressources sont proposés en infra-réglementaire pour répondre aux exigences en matière de prévention des difficultés des entreprises avec la préconisation d’utiliser un modèle sous la forme d’un tableau des flux de trésorerie (PCG, commentaires infra-réglementaires au nouvel art. 910-1).

Nous relevons, à la lecture du nouveau règlement, que le tableau des soldes intermédiaires de gestion (SIG) et du tableau de détermination de la capacité d’autofinancement (CAF) sont supprimés. Ils avaient également été instaurés en 1981 et constituaient la base même de l’analyse financière des entités soumises à la présentation de l’annexe développée.

Certes, ces principes d’analyse ne sont pas remis en cause. Ils restent valables pour toute analyse financière traditionnelle des comptes annuels.

Quels sont les effets collatéraux de cette réforme pour les organismes sans but lucratif ?

Après avoir pris connaissance des dispositions qui constituent cette réforme de modernisation, il semble opportun de rappeler qu’elle concerne le plan comptable général et que ce dernier constitue le socle de toute comptabilité applicable aux organismes sans but lucratif dès lors que son application s’impose.

Les déclinaisons liées aux règlements relatifs aux associations, fondations et autres organismes sans but lucratif n’en subissent pas de remise en cause.

Il en est de même pour les activités spécialisées comme les établissements et services sociaux et médico-sociaux, les comités sociaux et économiques ou les syndicats et organisations professionnelles, par exemple.

Les principes comptables réformés (transferts de charges, opérations exceptionnelles) devront être respectés dès l’application de ce nouveau plan comptable. Les tableaux de synthèse (bilan, compte de résultat et annexe) devront être actualisés en conséquence.

Pour aller plus loin :
Dossier – La comptabilité dans les associations
et les autres structures de l’ESS

Auteur(s) :

Philippe Guay

Expert-comptable, commissaire aux comptes, spécialisé ESS

Philippe est un expert-comptable et commissaire aux comptes qui a accompagné pendant de nombreuses années de multiples associations, fonds et fondations.

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