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Comptabilité

Comptabilité des syndicats et organisations professionnelles : quelles obligations comptables ?

Date de publication : 29/06/2023

#Article

Philippe Guay

La loi du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, s’est particulièrement penchée sur la règlementation comptable et la transparence financière des syndicats et organisations professionnelles. Il faut dire que, depuis de nombreuses années, aucune obligation formelle n’existait en la matière, ce qui a laissé la porte ouverte à plusieurs cas d’abus et de dérives qui ont, en leur temps, défrayé la chronique.

Comptabilité des syndicats : les sources du droit comptable

La loi a introduit au Code du travail un chapitre qui s’intitule « certification et publicité des comptes des organisations syndicales et professionnelles » (Chapitre V : « ressources et moyens » au titre III du livre 1er de la deuxième partie du code du travail, section I).

Ces dispositions invitent les organisations syndicales et professionnelles à respecter les obligations suivantes :

  • Les syndicats professionnels et leurs unions ainsi que les associations régies par la loi du 1er juillet 1901 ayant le même but, sont tenus d’établir des comptes annuels (Article L.2135-1) ;
  • S’ils contrôlent une ou plusieurs entités (au sens de l’article L.233-16 du Code de commerce), ils doivent :
    • Soit établir des comptes consolidés ;
    • Soit fournir en annexe, les comptes de ces personnes morales ainsi qu’une information sur la nature des contrôles détenus. Ces comptes doivent avoir fait l’objet d’un contrôle légal (par un commissaire aux comptes) (Article L.2135-2) ;
  • Ils peuvent établir des comptes combinés, lorsque leurs statuts le prévoient (Article L.2135-3) ;
  • Les comptes sont arrêtés par l’organe chargé de la direction et approuvés par l’assemblée générale des adhérents ou par un organe collégial de contrôle désigné par les statuts (Article L.2135-4) ;
  • Les syndicats, ou associations régies par la loi du 1er juillet 1901 ayant le même but, tenus d’établir des comptes annuels, doivent assurer la publicité de leurs comptes. Cette disposition s’applique à l’association ou au syndicat qui combine les comptes de l’organisation (Article L.2135-5) ;
  • Les syndicats ou associations, régies par la loi du 1er juillet 1901 ayant le même but, tenus d’établir des comptes annuels et dont les ressources dépassent le seuil de 230.000 euros, doivent nommer au moins un commissaire aux comptes titulaire et un suppléant éventuel (Article L.2135-6).

Toutes ces dispositions sont, depuis lors, adoptées et mises en œuvre par les différents décrets qui ont accompagné cette loi.

Champ d’application des normes comptables

La réglementation comptable ANC – Autorité des Normes Comptables a retenu les règlements du Conseil National de la Comptabilité publiés en 2009. Elle les a intégrés dans son recueil des normes comptables françaises applicables au secteur non lucratif (version du 1er janvier 2023; pages 134 à 183).

On retiendra les spécificités du règlement CNC n°2009-10 de la règlementation comptable du 3 décembre 2009 afférent aux règles comptables des organisations syndicales.

Ces dispositions s’appliquent aux syndicats professionnels et unions régis par les articles L.2131-2, L.2133-1 et L.2133-2 du Code du travail, mais aussi aux associations de salariés ou d’employeurs régies par la loi du 1er juillet 1901.

Quelques sont les particularités dans la comptabilité des syndicats professionnels qu’il convient de respecter ?

Affectation du résultat comptable dans les syndicats professionnels

L’affectation du résultat comptable, « excédent » ou « déficit », respectant les caractéristiques propres aux syndicats et organisations professionnelles, relève de la responsabilité de l’instance statutairement compétente, les excédents pouvant être portés en réserves ou report à nouveau et ne pouvant en aucune manière donner lieu à distribution au regard du caractère non lucratif des structures considérées.

Cotisations

En ce qui concerne les cotisations, la règle retenue, pour la comptabilité des syndicats, privilégie l’encaissement effectif comme fait générateur de la comptabilisation des produits de cotisations, mais n’exclut pas la comptabilisation de ces produits sur la base des appels de cotisations dès lors que l’organisme est en droit d’agir en recouvrement.

Par ailleurs, l’analyse des relations statutaires ou contractuelles avec d’autres organismes devrait conduire à choisir entre une comptabilisation des cotisations pour leur montant net des reversements réalisés au profit d’organismes tiers ou bien pour leur montant brut, le reversement constituant alors une charge.

L’annexe des comptes annuels précise le fait générateur retenu, le mode de comptabilisation des cotisations et en tant que de besoin le montant brut de celles-ci sur la base duquel s’appréciera le dépassement éventuel des seuils requis par la loi.

Un modèle de tableau détaillant les ressources de l’année doit être joint à l’annexe car son établissement est nécessaire pour déterminer si le montant des ressources dépasse le seuil de 230.000 euros qui déclenche l’obligation de certification et de publication des comptes annuels. Sont pris en compte pour le calcul des ressources le montant des subventions, des produits de toute nature liés à l’activité courante, des produits financiers ainsi que des cotisations. Sont toutefois déduites de ce dernier montant les cotisations éventuellement reversées, en vertu de conventions ou des statuts, à des syndicats professionnels de salariés ou d’employeurs, à leurs unions ou à des associations de salariés ou d’employeurs.

Ce tableau peut être établi à partir du modèle ci-joint :

Ressources de l’année
Cotisations reçues+
Reversements de cotisations
Subventions reçues+
Autres produits d’exploitation perçus+
Produits financiers perçus+
Total des ressources=

Les contributions publiques de financement dans les syndicats professionnels

Les contributions publiques de financement comptabilisées en produits supposent l’analyse préalable de la convention, en particulier des conditions suspensives et résolutoires. Comme pour toute autre convention, un produit ne pourra être comptabilisé tant que l’ensemble des conditions suspensives n’aura pas été levé.

L’existence d’une condition résolutoire ne retarde pas la comptabilisation du produit, mais nécessite a minima une mention en annexe, voire la constitution d’une provision pour risque de reversement dès qu’il apparaît probable qu’un ou plusieurs objectifs de la condition résolutoire ne pourront être atteints (le constat définitif de non-réalisation conduira à l’enregistrement d’une dette).

Lorsque les contributions accordées concernent plusieurs exercices, il convient de reconnaitre les éventuels jalons prescriptifs nécessaires à la répartition du produit selon les périodes ou étapes conventionnelles d’attribution ou, à défaut, au prorata temporis.

Les engagements d’emploi pris envers le financeur conduisent à mettre en œuvre le mécanisme comptable des fonds dédiés bien connu des associations et fondations.

Les apports reçus par les syndicats

Les apports reçus par l’organisme sont comptabilisés en distinguant s’ils sont consentis avec ou sans droit de reprise par l’apporteur. En outre, s’agissant d’apports répondant à la définition d’un actif pérenne, l’actif sera comptabilisé au bilan avec une contrepartie en fonds propres, l’entrée dans le patrimoine étant valorisée à la valeur vénale lors de l’apport.

Les statuts des organisations syndicales ou professionnelles prévoient parfois, dans leur objet, la conduite d’actions de solidarité (aide juridique, caisse de soutien, aides sociales ou financières). Ces obligations peuvent répondre à la définition d’un passif et conduire à la comptabilisation, le cas échéant, d’une provision correspondant aux obligations envers les adhérents ou bénéficiaires.

Le traitement des contributions volontaires en nature

Les contributions volontaires en nature se voient appliquer les mêmes règles que celles édictées par le règlement ANC n°2018-06 relatif aux associations et autres organismes sans but lucratif. Il s’agit plus particulièrement de fournir une information qualitative en annexe et inscription au pied du compte de résultat dès lors que le recensement et la valorisation sont possibles.

Présentation des documents de synthèse des comptes annuels des syndicats

Le règlement comptable spécifique aux syndicats et organisations professionnelles fournit un modèle de bilan et de compte de résultat dont les organisations syndicales peuvent s’inspirer. Ceux-ci ne comportent pas de particularités fondamentales. Il convient de reconnaitre que le règlement, plus générique, du 5 décembre 2018 (ANC n°2018-06), englobe les particularités du monde syndical.

Le règlement précise la nature des documents de synthèse constitutifs des comptes annuels, à savoir le bilan, le compte de résultat et l’annexe, ainsi que certaines rubriques spécifiques à présenter en annexe :

  • Pour les ressources, méthode retenue pour la comptabilisation des cotisations (fait générateur et comptabilisation en net ou en brut), montant brut des cotisations,
  • Pour les contributions publiques de financement, tableau de flux des fonds dédiés, fonds dédiés pour lesquels aucune dépense significative n’a été enregistrée au cours des deux derniers exercices, existence de conditions résolutoires ;
  • Pour les actions de solidarité, modalités de constitution des provisions et qualité des bénéficiaires, tableau de variation des provisions et modalités de reprises de ces provisions sur l’exercice en distinguant les montants non utilisés ;
  • Pour les contributions en nature, nombre de personnes mises à disposition, fonctions, durées, nature et identification des biens, dans l’hypothèse d’une quantification de ces contributions, mode de recensement et méthodes de valorisation.

Pour en savoir plus :
La comptabilité dans les associations :
quelles sont les règles applicables ?

Les comptes consolidés ou « agrafés », une spécificité réservée aux syndicats et organisations professionnelles

Afin de satisfaire à une transparence financière parfaite et exhaustive, le Code du travail prévoit que, sous certaines conditions, les syndicats professionnels et leurs unions, les associations de salariés ou d’employeurs, doivent :

  • Soit établir des comptes consolidés selon une méthode A ;
  • Soit fournir en annexe à leurs propres comptes, les comptes des personnes morales appartenant au périmètre d’ensemble, selon une méthode B.

L’utilisation de cette méthode est exclusive de l’autre, c’est-à-dire qu’il n’est pas possible pour une organisation syndicale d’utiliser concomitamment la méthode A et la méthode B. Le règlement comptable précise que, lorsque l’organisation syndicale applique la méthode A (consolidation), elle devra se conformer aux dispositions spécifiques de la réglementation comptable en matière d’établissement de comptes consolidés. Et lorsque l’organisation syndicale applique la méthode B (agrafage), elle devra appliquer des règles spécifiques définies au règlement sur les syndicats. Il s’agit, effectivement de joindre à l’annexe des comptes de l’entité « tête du périmètre » l’ensemble des comptes des entités rattachées à ce périmètre (bilan, compte de résultat et annexe).

Dans un cas comme dans l’autre, les syndicats et organisations professionnelles sont invités à se pencher sur leur situation afin de déterminer le périmètre d’ensemble constitué par toutes les entités liées par une adhésion, une affiliation ou une notion de contrôle les conduisant à mettre en œuvre les dispositions du texte.

L’entité tête du périmètre d’ensemble est nécessairement une organisation syndicale, elle est tenue d’appliquer les dispositions spécifiques du règlement comptable en matière de comptes consolidés ou agrafés dès lors que des personnes morales peuvent être identifiées comme répondant aux critères d’appartenance du périmètre d’ensemble. L’identification des entités constituant ce périmètre est faite selon l’analyse des deux critères cumulatifs suivants :

  • Être contrôlée par l’organisation syndicale au sens de l’article 233-16 du Code de commerce ;
  • Et ne pas entretenir avec elle un lien d’adhésion ou d’affiliation.

Les comptes combinés dans les syndicats et organisations professionnelles

Le Code du travail prévoit que  » les syndicats professionnels de salariés ou d’employeurs, leurs unions et les associations de salariés ou d’employeurs peuvent, lorsque leurs statuts le prévoient, établir des comptes combinés intégrant la comptabilité des personnes morales et entités avec lesquelles ils ont des liens d’adhésion ou d’affiliation « .

En application de ces dispositions, les organisations syndicales qui décident de combiner leurs comptes doivent entretenir entre elles un lien d’adhésion ou d’affiliation. A la suite de précisions apportées par le ministère du Travail, les associations dont l’objet n’est pas syndical ne peuvent pas entrer dans le périmètre de combinaison.

En application de ces principes et des règles présentées par l’ANC, l’entrée dans le périmètre de combinaison résultera :

  • Soit de l’adhésion aux statuts d’une organisation syndicale prévoyant la combinaison des comptes ;
  • Soit d’un accord contractuel entre les organisations syndicales.

Il convient de préciser, ici, qu’en vertu des règles applicables à l’établissement et à la présentation de comptes combinés, une même entité ne peut appartenir à deux combinaisons différentes.

Par ailleurs, il faut préciser que la combinaison des comptes des organisations syndicales s’entend de la combinaison des seuls comptes individuels de ces dernières. Mais, lorsqu’une organisation syndicale combinante souhaite appliquer les dispositions spécifiques du règlement comptable relatif aux comptes consolidés, elle doit intégrer, dans ses comptes combinés, les comptes établis selon les dispositions du Code du travail par chacune des organisations syndicales du périmètre de combinaison.

La pratique observée depuis ces dernières années montre que peu d’organisations syndicales ont franchi cette étape des comptes combinés qui reste, rappelons-le, optionnelle.

A lire :
Les comptes combinés dans les associations

Pour aller plus loin :
Dossier – La comptabilité dans les associations
et les autres structures de l’ESS

Auteur(s) :

Philippe Guay

Expert-comptable, commissaire aux comptes, spécialisé ESS

Philippe est un expert-comptable et commissaire aux comptes qui a accompagné pendant de nombreuses années de multiples associations, fonds et fondations.

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