Gestion
Date de publication : 13/05/2024
Philippe Guay
Le contrôle interne est un concept simple et essentiel à mettre en place dans une association afin de faciliter l’organisation de celle-ci. Dans cet article, retrouvez les différentes composantes du contrôle interne, les acteurs et la mise en œuvres de ce dernier. Découvrez les conseils de notre expert sur le sujet.
Derrière ce terme souvent utilisé dans toute organisation se cachent, bien souvent, de nombreuses définitions qui peuvent paraitre complexes. Alors que la réalité quotidienne permet de comprendre qu’il s’agit tout simplement d’un concept simple et solide d’organisation administrative et de répartition des tâches et des compétences entre les différents opérateurs et responsables de l’organisme.
Si elle n’est pas obligatoire, la mise en œuvre du contrôle interne dans les associations est fortement conseillée.
Le contrôle interne correspond à un ensemble de procédures mises en œuvre par les dirigeants et responsables de l’association en vue de permettre de respecter certains objectifs sécuritaires.
Toute organisation doit nécessairement s’assurer que l’ensemble des opérations menées dans l’entité est bien conforme au projet associatif et respecte les dispositions légales et réglementaires qui s’imposent aux activités développées par l’association. De plus, une bonne répartition des tâches et des responsabilités contribue à assurer une certaine sécurité et fiabilité des informations financières produites.
Si l’organisation est satisfaisante, on aura ainsi l’assurance que toutes les opérations financières seront prises en compte dans la comptabilité de l’association.
Le but d’une bonne organisation en matière financière est essentiel pour apprécier son contrôle interne. Il permet ainsi de s’assurer que toutes les opérations sont enregistrées, qu’elles sont correctement présentées, qu’elles sont comptabilisées dans la bonne période et correctement évaluées. Les comptes annuels qui sont issus d’une telle organisation n’en sont que plus fiables et rassurants pour les tiers auxquels ils sont présentés.
Les grands principes du contrôle interne font bien souvent appel au bon sens. Ses composantes principales sont les procédures, les contrôles et les corrections. Si un de ces éléments n’est pas mis en œuvre, le contrôle interne ne sera pas efficace.
Pour procéder à une mise en place efficiente du contrôle interne au sein de votre association, il convient de prendre en considération les cinq éléments suivants :
Une des caractéristiques du contrôle interne est qu’il est fragile. En effet, les règles que chacun doit appliquer et les consignes à respecter sont sensibles. Elles peuvent se trouver rapidement modifiées, volontairement ou involontairement. C’est pour cela qu’il faut régulièrement vérifier que l’organisation mise en place est toujours correctement appliquée. Des points forts dans l’organisation peuvent rapidement se révéler être devenus des points faibles si on ne veille pas régulièrement à leur maintenance et leur stabilité.
Sans être exhaustif, le tableau ci-dessous présente les principaux risques représentatifs en matière comptable :
Comptabilité non conforme au règlement ANC n°2018-06 du 5 décembre 2018 | Contrôle interne inadapté | Non encaissement des ressources | Risque sur la contrepartie – mauvaise utilisation des ressources affectées | Risque d’exhaustivité |
Risque d’exactitude | Risque sur la bonne période | Mauvaise imputation comptable | Omission des charges liées aux produits | Risque sur les ressources internes (liens entre établissements) |
Risque d’information financière insuffisante ou erronée | Risque sur litiges liés aux ressources | Risque sur les informations relatives au CER | Risque sur les informations relatives aux Avantages et Ressources provenant de l’Etranger |
Ressources de financement d’immobilisations : le financeur cesse de financer les immobilisations ou le financeur ne renouvelle pas son agrément ou son habilitation ou met fin au contrat | Ressources de fonctionnement : discontinuité des financements obtenus (dons, legs, financements publics) | Risque de trésorerie : insuffisance des moyens obtenus pour assurer la continuité de l’association en cas de rupture de financement privé ou public |
Risque de détournement d’objet de la ressource | Risque de montage frauduleux pour bénéficier de subventions indues | Risque de montage frauduleux pour bénéficier de réductions fiscales indues | Risque sur les conditions dans lesquelles les ressources sont obtenues | Risque sur les conditions auxquelles sont subordonnées les ressources |
Risque de détournement de fonds | Risques sur les systèmes d’information inappropriés à l’objet pour lequel ils ont été mis en place et aux fonctions de contrôles qu’ils doivent respecter | Risque d’abus de confiance | Risque d’affecter la même dépense à plusieurs recettes | Risque de détournement financier |
Risque de détournement d’objet du don | Risque d’emploi fictif en justification de dépenses affectées à des ressources | Risque sur les comptes de liaison |
Risques juridiques (contractuels, droit commercial, droit de la concurrence, respect des règles d’hygiène et de sécurité, environnement, etc.) | – Risques fiscaux : impôts directs, impôts indirects, droits d’enregistrement notamment en matière de mutation et d’exonérations -Risque d’encaisser des dons et libéralités sans y être autorisé | Risques administratifs : respect des conditions contractuelles ou réglementaires ; impact des comptes administratifs et des conséquences sur les engagements qui peuvent en résulter pour l’association | Risque Budgétaire | Risque lié au contrôle de l’État : missions de vérifications prévues par les textes |
Les différents acteurs du contrôle interne interviennent à différents niveaux dans l’organisation de l’association. Ils ont chacun un rôle qui est indispensable dans la chaine de décisions et de responsabilités.
L’assemblée des membres de l’association définit le projet associatif. En réglant, par les statuts et, parfois le règlement intérieur, les différents niveaux de délégations qu’il convient d’attribuer aux dirigeants et membres de la direction, l’assemblée générale des membres précise les objectifs du contrôle interne confié à l’association.
Il est ensuite recommandé que le conseil d’administration s’assure de la mise en œuvre du contrôle interne. Le conseil d’administration constitue un facteur essentiel de l’efficacité du contrôle interne. Lorsque l’organisation de l’association le permet, les dirigeants confient cette mission à la direction. Les délégations de pouvoirs sont essentielles dans les processus de contrôle interne car elles définissent les responsabilités déléguées. Elles relient l’autorité et la responsabilité.
Dans les structures complexes et importantes, un comité spécialement chargé du contrôle interne et de la cartographie des risques est souvent mis en place. Il porte fréquemment le nom de « Comité d’Audit et des Risques ». Les valeurs d’intégrité et d’éthique adoptées par cette instance ont un impact significatif sur le degré d’exigence de l’organisme en matière de contrôle interne.
En ce qui concerne l’effectif salarié de l’association, la direction générale est responsable de la mise en œuvre du contrôle interne et des procédures appliquées par le personnel de l’organisation.
Les auditeurs externes s’appuient sur le contrôle interne et, le cas échéant, les travaux d’audit interne pour effectuer leurs diligences. Le commissaire-aux-comptes orientera son programme de travail vers une appréciation régulière des forces et faiblesses. Il en déduira les risques qui orienteront ses vérifications.
Avant de mettre en œuvre le contrôle interne dans votre organisation, il convient de dresser la liste des procédures appliquées et d’identifier celles qui méritent qu’on y porte une attention particulière.
En effet, par exemple, si la tenue de votre comptabilité est externalisée auprès d’un cabinet d’expertise-comptable, cette fonction n’est pas concernée par votre contrôle interne. Par contre, si la tenue de votre comptabilité est traitée, en interne, par une ou des personnes qui sont chargées de ces opérations, il convient de vous assurer que leurs travaux respectent bien les différentes caractéristiques qui fiabilisent la circulation des informations comptables et financières de votre association.
Il en va ainsi pour tout un ensemble de fonctionnalités essentielles liées au fonctionnement courant de votre association. Généralement, le conseil d’administration définit et oriente les sujets et objectifs du contrôle interne. Il précise les niveaux de délégations et les confie à la direction. Cette dernière s’assurera, ensuite, de la mise en œuvre du contrôle interne et des procédures appliquées par le personnel de l’association.
Généralement, il appartient au conseil d’administration, qui définit le projet associatif, de préciser les objectifs du contrôle interne et les délégations qu’il donne à la direction. Cette dernière est responsable de la mise en œuvre du contrôle interne et des procédures appliquées par le personnel et les bénévoles de l’association. Pour cela, la direction doit identifier les principales fonctions de l’association et s’intéresser en priorité à celles sur lesquelles portent les risques les plus importants.
De façon générale, les risques les plus fréquents qui sont abordés sont les suivants :
Pour ces fonctions, s’il n’existe pas de procédures décrites, la direction doit effectuer des interviews des responsables et des intervenants principaux pour comprendre ce que chacun fait.
Cette analyse permet par exemple de mettre en évidence les différentes tâches relatives à des opérations financières et de vérifier si elles sont suffisamment séparées pour qu’il n’y ait pas notamment de risque de malversation.
Par exemple : en matière de paiements, la personne qui reçoit les chèques au courrier ne doit pas être celle qui effectue les remises en banque, prépare les chèques, enregistre les opérations comptablement et fait les états de rapprochement. En matière sociale, le risque d’erreurs et de fraudes est très important lorsqu’une même personne vérifie les temps de travail, établit les paies, réalise les virements bancaires et les enregistre comptablement.
Par exemple : dans une entité dans laquelle il n’existe qu’une personne à la comptabilité, la direction doit mettre en œuvre un contrôle périodique pour vérifier les états de rapprochement, les originaux de relevés bancaires, les ordres de virements de la paie, etc.
Après cette phase d’interviews qui permet de mettre en évidence les forces et les faiblesses de l’organisation, la direction est amenée à préciser, modifier, de préférence par écrit, certaines procédures pour expliquer les tâches de chacun.
Les procédures écrites précisent aussi les modalités de l’organisation du contrôle des uns et des autres à différents stades.
Par ailleurs les systèmes de contrôle interne représentent une démarche préventive car le processus mis en place a pour objet de prévenir les erreurs ou les fraudes. Dans ce cas, le contrôle se fait AVANT.
Mais la démarche peut également se révéler « détectrice ». Dans ce cas, le contrôle a pour objet de détecter l’erreur commise et de la corriger. Alors, le contrôle se fait PENDANT.
Enfin, la démarche peut être « correctrice ». Et dans ce cas, si les contrôles préventifs et ceux opérés lors de la réalisation des opérations n’ont pas fonctionné, les contrôles sont opérés pour trouver les erreurs APRÈS.
Depuis la loi sur la sécurité financière du 1er août 2003, le président d’une société commerciale doit établir un rapport sur les procédures de contrôle interne mises en place par la société, et le commissaire aux comptes doit présenter un rapport sur ses observations concernant les procédures relatives à l’élaboration et au traitement de l’information comptable et financière, mises en place dans la société.
Pour les associations, quelle que soit leur taille, aucune obligation de cette nature n’est imposée par les textes législatifs. Toutefois, la mise en œuvre du contrôle interne est conseillée.
Les bonnes pratiques pour limiter les risques
L’association optera pour rédiger un « Manuel des procédures de contrôle interne » approprié et adapté à son organisation. Ce document permet de décrire les principaux processus de contrôle mis en œuvre, les objectifs, les moyens et leur évolution dans le temps. Les délégations écrites, les subdélégations ainsi que les comptes rendus d’application des délégations sont des composantes du contrôle interne. Leur mise à jour périodique est l’une des conditions de leur bonne application.
Prenons l’exemple des séparations de fonctions qui doivent exister entre l’ordonnateur, le payeur, le comptable et le contrôleur. Supposons que la même personne tienne les comptes de banques, prépare les chèques, les fasse signer au responsable, tienne à jour les chéquiers vierges, enregistre les opérations comptables, établisse les états de rapprochement. Une telle situation, en matière de contrôle interne est inacceptable. Les cumuls sont trop importants et présentent des risques trop lourds. Supposons qu’il s’agisse d’une association dans laquelle il n’y a qu’une seule personne à la comptabilité. Quelles solutions existent pour réduire les faiblesses observées qui manifestement peuvent induire un risque de détournement ?
La responsabilité du système de contrôle interne est, nous l’avons vu, du ressort du conseil d’administration de l’association qui définit les objectifs, les orientations et les délégations principales de responsabilités.
Le comité d’audit exerce une fonction privilégiée. Il a le pouvoir d’interroger la direction sur la façon dont elle assure ses responsabilités en matière de contrôle interne et de communication financière.
La direction générale est responsable de la mise en œuvre des systèmes et de la fiabilité avec laquelle ils sont appliqués.
Les directeurs de services et le personnel sont responsables, dans les domaines qui leur sont propres de l’application des procédures de contrôle interne.
Les services d’audit ont pour rôle d’examiner l’application des processus mis en place. Ils établissent périodiquement un rapport de leurs constatations, notamment au comité d’audit. L’auditeur externe, dont le commissaire-aux-comptes, mais aussi l’expert-comptable font partie sont en relation avec les autres catégories d’intervenants évoqués ci-dessus.
Une bonne organisation et un contrôle interne solide et efficace ne pourront que contribuer à sécuriser les flux et le fonctionnement de votre association. Sachez y consacrer le temps nécessaire et vous pourrez ainsi dormir sur vos deux oreilles !
Philippe Guay
Expert-comptable, commissaire aux comptes, spécialisé ESS
Philippe est un expert-comptable et commissaire aux comptes qui a accompagné pendant de nombreuses années de multiples associations, fonds et fondations.