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Juridique

Dissolution d’une association : les différents cas de figure

Date de publication : 06/12/2023

#Uncategorized

Christian Serpaud

Le Conseil d’État a récemment statué sur la légalité de plusieurs décrets adoptés entre 2021 et 2023 en prononçant la dissolution de quatre associations et groupements de fait. Des dissolutions qui ont fait grand bruit car elles portaient sur des structures très médiatisées comme Les Soulèvements de la Terre et Alvarium illustrant ainsi les pouvoirs du gouvernement envers des associations suspectées d’inciter à la violence et à la discrimination. C’est l’occasion de revenir plus généralement sur les causes de dissolution d’une association.

La dissolution statutaire, choisie par l’association

Avant tout, il convient de rappeler que les responsables d’une association peuvent être à l’origine de sa dissolution.

Ainsi, les fondateurs d’une association peuvent l’avoir créée uniquement pour une durée déterminée. Dans cette hypothèse, sa dissolution est automatique à l’arrivée du terme.

Les statuts d’une association peuvent également prévoir que certaines situations entraîneront automatiquement sa dissolution (réalisation de son objet en cas de création pour une opération ponctuelle, retrait d’un agrément, etc.).

Enfin, les dirigeants et membres d’une association peuvent à tout moment faire le choix de dissoudre leur association. Une décision qui peut être motivée, par exemple, par un manque d’adhérents et/ou de bénévoles, par des difficultés financières ou de gestion, par des mésententes, par la fusion avec une autre association ou par un objet devenu obsolète. Cette décision relève de la compétence de l’assemblée générale. Son adoption doit respecter les règles prévues dans les statuts (quorum, majorité, etc.).

Attention : une association étant à but non lucratif, il n’est bien évidemment pas possible de distribuer à ses adhérents les actifs qui restent après sa dissolution. Cette règle étant posée, il convient de consulter les statuts et le règlement intérieur de l’association qui peuvent prévoir ce qu’il advient de ces actifs. Si ce n’est pas le cas, c’est l’assemblée générale qui devra désigner le bénéficiaire de cette dévolution (association ayant ou non le même objet, fondation, etc.).

La dissolution d’une association par le gouvernement, ou dissolution administrative

Les différents cas de dissolution par le gouvernement

Le gouvernement est autorisé à dissoudre, par décret, les associations qui, notamment :

  • provoquent ou contribuent par leurs agissements à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée ;
  • propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ;
  • incitent des personnes, par propos ou par actes, explicitement ou implicitement, à se livrer à des agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens, de nature à troubler gravement l’ordre public ;
  • légitiment publiquement des agissements violents présentant une gravité particulière, quels qu’en soit les auteurs, ou ne met pas en œuvre des moyens de modération pour réagir à la diffusion, sur des services de communication au public en ligne (réseaux sociaux, notamment), d’incitations explicites à commettre des actes de violence.

Il est à noter que certains agissements des adhérents de l’association peuvent lui être imputés. Il en est ainsi des agissements commis par un ou plusieurs de ses membres agissant en cette qualité ou directement liés aux activités de l’association lorsque ses dirigeants, bien qu’informés de ces agissements, n’ont pas pris les mesures nécessaires pour les faire cesser, compte tenu des moyens dont ils disposaient.

Quelques précisions des juges sur la dissolution d’une association par le gouvernement

Dans plusieurs décisions récentes, le Conseil d’État a rappelé que la dissolution d’une association ne peut être prononcée par le gouvernement que si elle présente un caractère adapté, nécessaire et proportionné à la gravité des troubles susceptibles d’être portés à l’ordre public par ces agissements (Conseil d’État, 9 novembre 2023, n° 464412 et Conseil d’État, 9 novembre 2023, n° 459704)

Illustration n°1 : le groupement Alvarium

Le Conseil d’État a validé la dissolution du groupement l’Alvarium, celle-ci n’étant pas, selon ces juges, disproportionnée compte tenu de la teneur, de la gravité et de la récurrence de leurs agissements.

Il était reproché à l’Alvarium d’avoir justifié ou encouragé la discrimination, la haine ou la violence envers les personnes d’origine non-européenne, en particulier celles de confession musulmane, en diffusant sur les réseaux sociaux des messages « propageant des idées justifiant la discrimination et la haine envers les personnes étrangères ou les Français issus de l’immigration par leur assimilation à des délinquants ou des criminels, à des islamistes ou des terroristes » et en entretenant des liens avec des groupuscules appelant à la discrimination, à la violence ou à la haine contre les étrangers (Conseil d’État, 9 novembre 2023, n° 460457).

Illustration n°2 : Les Soulèvements de la Terre

Le Conseil d’État a annulé la dissolution du groupement Les Soulèvements de la Terre estimant que cette mesure n’était pas adaptée, nécessaire et proportionnée à la gravité des troubles susceptibles d’être portés à l’ordre public.

En effet, si les juges ont considéré que les prises de position publiques du groupement incitaient à des agissements violents contre les biens (destruction ou dégradation des infrastructures portant atteinte à l’environnement et compromettant l’égal accès aux ressources naturelles) et avaient parfois conduit à des dégradations que le groupement avait légitimées publiquement, à plusieurs reprises, sur ses comptes sur les réseaux sociaux, ils ont, pour autant, estimé que la portée de ces provocations ne justifiait pas la dissolution du groupement (Conseil d’État, 9 novembre 2023, n° 476384).

La dissolution judiciaire

Les tribunaux peuvent, lorsqu’il existe de « justes motifs », prononcer la dissolution d’une association. C’est ainsi le cas par exemple :

Les tribunaux peuvent également prononcer la dissolution d’une association :

  • ayant un objet illicite ou poursuivant dans les faits un objet illicite ;
  • qui sont condamnées pour certaines infractions pénales lorsqu’elles ont été créées pour commettre cette infraction ou qu’elles se sont détournées de leur objet pour la commettre.
Qu’elle soit volontaire, statutaire, judiciaire ou encore administrative, la dissolution entraînera la liquidation et la transmission du patrimoine de l’association. Cette dernière étape de liquidation est essentielle pour faire disparaître la personne morale de la structure, personnalité morale qui survit pendant le temps nécessaire aux opérations de liquidation.

A découvrir : la gestion des bénévoles dans une association

Auteur(s) :

Christian Serpaud

Expert-comptable, commissaire aux comptes, associé, directeur national ESS

Christian est associé au sein du cabinet In Extenso. Expert-comptable et commissaire aux comptes spécialiste du secteur associatif et ESS, il est en charge du Marché Economie Sociale du groupe In Extenso.

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