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Fiscalité

Le régime fiscal applicable aux dons et legs faits aux associations, fondations et fonds de dotation

Date de publication : 13/02/2024

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Philippe Guay

Le régime fiscal applicable aux dons et aux legs faits aux associations, fondations et fonds de dotation contient des particularités qu’il faut connaître. Dans cet article, focus sur les règles des droits de mutation, sur la notion de libéralité et sur les cas particuliers du régime fiscal du donataire.

Quand un particulier ou une entreprise fait un don à un organisme d’intérêt général, le donateur bénéficie d’un avantage fiscal selon les conditions prévues par le Code général des impôts (articles 200 et 238 bis du CGI) .

Mais il convient de ne pas oublier que le premier bénéficiaire de ce don est l’organisme habilité à le recevoir. Il s’agit généralement d’une personne morale de droit privé à but non lucratif. L’avantage fiscal pour l’organisme donataire réside dans une exonération des droits de mutation qu’il devrait acquitter s’il ne respectait pas certaines dispositions élémentaires.

Pour aller plus loin :

Mécénat : le dossier complet

Les règles des droits de mutation à titre gratuit (donation et legs)

En France, lorsqu’un don est effectué entre personnes, physiques ou morales, l’administration prélève des droits de mutation (DMTG – droits de mutation à titre gratuit) qui varient en fonction de la situation du donateur (celui qui donne) et du donataire (celui qui reçoit).

Pour les dons entre parents et enfants, la pression fiscale bénéficie d’abattements et de l’application de taux qui sont aménagés. Ainsi, chaque parent peut donner jusqu’à 100 000 € par enfant sans qu’il y ait de droits de donation à payer. Cet abattement peut être renouvelé tous les 15 ans.

Au-delà de ces abattements, les tarifs des droits de donation dépendent du lien de parenté entre le donateur et le donataire. Seul le montant de la donation restant après l’application de l’abattement et de l’exonération est imposable. Le barème de taxation applicable est progressif. Il s’échelonne de 5% à 45% en fonction de tranches publiées à l’article 777 du Code général des impôts (CGI).

Plus le lien de famille est éloigné ou relève d’opérations en ligne collatérale (par exemple, entre frères et sœurs), plus le taux est important. Ainsi, un don ou une donation entre parents au-delà du 4e degré et entre personnes non-parentes sera taxé au taux de 60%.

L’administration fiscale considère qu’un don effectué à une association relève de cette situation puisqu’il n’existe aucun lien de parenté avec l’entité, à fortiori lorsqu’il s’agit d’une personne morale.

Autant dire que ce principe serait plutôt « confiscatoire » pour l’organisme qui reçoit.

Droit de mutation à titre gratuit : le cadre spécifique pour les organismes d’intérêt général (article 795 CGI)

Toutefois, l’article 795 du CGI énumère toute une liste de situations et d’organismes qui sont exonérés de ces droits de mutation dès lors qu’ils respectent les dispositions exigées pour satisfaire aux conditions de l’intérêt général (au sens fiscal), c’est-à-dire :

  • Absence de gestion intéressée ;
  • Objet conforme aux articles 200 et 238 bis du CGI (ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, etc..).

Pour bénéficier de cette exonération, il convient de vérifier, en permanence, que vous respectez bien ces critères.

Outre les associations et fondations, l’article exonératoire précité intègre, par exemple :

  • Les dons et legs faits aux associations simplement déclarées qui poursuivent un but exclusif d’assistance et de bienfaisance (CGI, art.795, 4°). La doctrine fiscale (BOI-IR-RICI-250-10-20-20) définit ces associations comme étant des organismes dont l’activité exclusive consiste à secourir les personnes qui se trouvent en situation de détresse et de misère, en leur venant en aide pour leurs besoins indispensables, et en favorisant leur insertion et leur promotion sociale ;
  • Les dons et legs faits aux fondations universitaires, aux fondations partenariales et établissements d’enseignement supérieur reconnus d’utilité publique (CGI, art.795, 5°) ;
  • Les dons et legs faits aux associations cultuelles, aux unions d’associations cultuelles et aux congrégations autorisées (CGI, art.795, 10°) ;
  • Les dons et legs consentis aux fonds de dotation répondant aux conditions fixées au g du 1 de l’article 200 (CGI, art.795, 14°).

Bon à savoir :
Par ailleurs, le Code général des impôts a reçu un aménagement qui permet d’étendre le bénéfice de cette exonération des droits de mutation aux dons et legs consentis aux personnes morales ou aux organismes de même nature, constitués sur le fondement d’un droit étranger et dont le siège est situé dans un Etat membre de l’Union européenne ou dans un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales.

Petit rappel sur la notion de « libéralité »

Le Code civil définit une libéralité comme « l’acte par lequel une personne dispose à titre gratuit de tout ou partie de ses biens ou de ses droits au profit d’une autre personne » (C. civ., art. 893).

Dans la pratique, la libéralité peut prendre deux formes différentes selon que le donateur vivant transmet tout ou partie de son patrimoine, dans ce cas, il s’agit d’une donation ; ou au moment de son décès, dans ce cas, la transmission s’opère selon ses volontés exprimées dans un testament (legs).

Dans les deux cas, il s’agit d’un acte unilatéral, réalisé à titre gratuit, pour lequel il convient de faire intervenir un notaire. En effet, l’acte de donation est un acte solennel exigé par la loi pour garantir les droits des parties. De plus, l’intention libérale doit être exprimée par le donateur pour que cette libéralité soit reconnue en tant que telle. L’intervention du notaire, évoquée ci-dessus, est indispensable car ce dernier devra s’assurer du respect de la réserve héréditaire éventuelle lorsque le donateur a des héritiers ou ayants-droits qui pourraient s’opposer à l’opération. Il en est de même en matière de legs où le notaire s’attachera à rechercher des héritiers ou ayants-droits avant d’effectuer les affectations et répartitions relatives à la liquidation de la succession du donateur.

Capacité pour un organisme de recevoir des donations et des legs

Enfin, pour que la donation ou le legs puissent être réalisés, il convient de ne pas oublier que l’organisme donataire doit avoir la capacité à recevoir cette libéralité ce qui n’est pas systématique pour tous les organismes, même si leur objet et les conditions de leur gestion sont désintéressés et relèvent de l’intérêt général.

En effet, si les fonds de dotation, fondations et associations reconnues d’utilité publique peuvent recevoir des libéralités sans condition, il n’en est pas de même pour les associations simplement déclarées. Ces dernières ne peuvent recevoir des libéralités que sous certaines conditions de durée d’existence, d’agrément particuliers liés à leur objet ou d’absence d’opposition du préfet (Code civil, art.910), etc. L’association simplement déclarée peut librement recevoir des dons manuels, mais elle ne peut recevoir des donations et legs que si elle existe depuis au moins 3 ans et respecte les conditions de l’intérêt général au sens de l’article 200 du CGI.

Rappelons, ici, que la fondation d’entreprise n’est pas habilitée à recevoir des libéralités.

Le cas particulier des organismes créés via testament

Certains organismes peuvent être créés, selon le souhait du testateur, à l’occasion de son décès et dans le cadre de l’ouverture de sa succession. Dans ce cas, et si sa volonté est clairement exprimée, la fondation, fondation abritée ou le fonds de dotation bénéficiaire peuvent être constitués dans un délais d’un an qui doit suivre le décès du testateur. Alors, les biens apportés à la dotation de l’organisme échappent au calcul des droits de succession. Certaines dispositions doivent être prises au moment de la rédaction du testament comme la désignation du ou des fondateurs, la désignation précise des biens qui seront conduits à constituer la dotation de l’organisme. En effet, un legs peut être fait au profit d’un fonds de dotation qui n’existe pas au jour de l’ouverture de la succession à condition qu’il acquière la personnalité morale dans l’année suivant l’ouverture de celle-ci. Dans ce cas, la personnalité morale du fonds de dotation rétroagit au jour de l’ouverture de la succession.

Et le texte de loi va encore plus loin. A défaut de désignation par le testateur des personnes chargées de constituer le fonds de dotation, il est procédé à cette constitution par une fondation reconnue d’utilité publique, un fonds de dotation ou une association reconnue d’utilité publique. Pour l’accomplissement des formalités de constitution du fonds, les personnes chargées de cette mission ou le fonds de dotation désigné à cet effet ont la saisine sur les meubles et immeubles légués. Ils disposent à leur égard d’un pouvoir d’administration, à moins que le testateur ne leur ait conféré des pouvoirs plus étendus.

On voit, ici, que la rédaction d’un testament n’est pas un acte anodin qui se rédige sur le coin d’une table !

Cas particulier de l’assurances-vie

La souscription d’un contrat d’assurance-vie permet à certains donateurs de passer outre aux exigences de la réserve héréditaire en matière de succession. Ainsi, certains donateurs souscrivent un contrat d’assurance-vie dans lequel ils désignent un organisme sans but lucratif comme bénéficiaire en cas de décès. Une telle disposition vient nécessairement en diminution de la valeur d’ensemble du patrimoine apprécié en matière de donation ou de legs.

Pour l’assurance-vie, la désignation d’une personne morale de droit privé habilitée à recevoir des donations et legs présente des avantages indéniables. La somme attribuée au titre d’un tel contrat ne peut être entachée d’une réduction au titre de la réserve héréditaire.

Enfin, tout organisme sans but lucratif, quel qu’il soit, peut recevoir un contrat d’assurance-vie puisque la désignation du bénéficiaire n’est pas une libéralité au sens du terme. Il n’est donc pas nécessaire d’engager les procédures administratives requises pour demander l’acceptation de la libéralité. Lorsque l’entité désignée est bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie, la procédure d’acceptation est allégée puisqu’une simple délégation de pouvoir permettra à son titulaire d’effectuer les démarches auprès de la compagnie d’assurances.

« En matière de fiscalité, l’organisme bénéficiaire est généralement exonéré (dans les mêmes cas et conditions que pour les droits de mutation). Toutefois, si le contrat comporte des primes versées après l’âge de 70 ans du donateur, l’organisme doit obtenir un certificat de l’administration fiscale constatant la non-exigibilité prévue à l’article 757 B du CGI (Il s’agit d’un abattement appliqué sur la succession. Le capital ou les rentes transmis au décès du souscripteur sont exonérés de toute imposition jusqu’à 152 500 euros). Concernant les formalités à effectuer, Il convient de noter que la réglementation n’impose pas aux organismes sans but lucratif, à l’exception des associations simplement déclarées qui ont un but autre que l’assistance et la bienfaisance, de produire un certificat de non exigibilité des droits de mutation à titre gratuit (article 806, III du Code général des impôts) ni l’attestation visée à l’article 990 I, I du Code général des impôts (indiquant le montant des abattements déjà appliqués aux sommes, rentes ou valeurs quelconques reçues d’un ou plusieurs organismes d’assurance et assimilés à raison du décès du même assuré) ces documents étant reconnus comme inadaptés à la situation des organismes sans but lucratif.»

(Commentaires empruntés au Guide publié par France Générosité ).

Il convient de préciser, ici, qu’un des avantages de la désignation du bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie réside dans le fait que le donateur peut, à tout moment, changer la désignation de l’affectataire du contrat, même s’il s’agit d’une personne morale. Dans tous les cas, la bonne (ou mauvaise) surprise, pour l’association concernée, veut qu’elle ne soit prévenue qu’au moment du décès du donateur. Mais il peut en être autrement.

Situation du donataire (association ou organisme) qui a reçu une libéralité

Soit l’organisme répond aux conditions de l’article 795 du CGI et la donation ou le legs est exonéré de droits de mutation à titre gratuit.

Soit l’organisme qui a perçu un don manuel ou une donation voit sa qualité d’intérêt général contestée, il est alors dans l’obligation de « révéler » ce don à l’administration fiscale.

Dans ce cas, la procédure (déclaration en ligne) est différente, selon que le montant du don est :

  • Inférieur à 15.000 euros, si vous n’avez pas déclaré le don spontanément mais que l’administration l’a découvert (à la suite d’une demande de sa part ou d’un contrôle), la déclaration doit être déposée dans le mois qui suit. Le paiement des droits de donation s’effectue en même temps que la déclaration.
  • Supérieur à 15.000 euros. Dans ce cas, vous devez déclarer et payer l’impôt, qui s’appelle droits de donation, sur ce don. Vous devez signaler le don à l’administration fiscale (de manière spontanée ou sur demande de l’administration fiscale, par exemple, à l’occasion d’un contrôle fiscal)

Dans ce cas, c’est le taux de 60% qui est applicable. Les droits de donation sont calculés sur la valeur des biens soit au jour de la déclaration du don, soit au jour où le don est effectué. C’est la valeur la plus élevée qui est retenue.

A savoir :
Le donateur peut décider de payer les droits. Ce n’est pas considéré comme un don supplémentaire par les services fiscaux.

Conclusion

Si, à un moment ou un autre de la vie de votre organisme, vous êtes concerné par la perception d’une libéralité, nos recommandations portent sur les clauses associées aux dispositions testamentaires ou aux contrats de donations. Ne soyez pas éblouis par la perspective de recevoir une manne céleste sans prendre quelques précautions ! Il convient tout d’abord de vous assurer que les conditions exigées par le donateur ou le testateur ne sont pas associées à des charges ou conditions que votre association ou organisme ne sauraient assumer ou dont le coût se révèlerait plus important que l’intérêt qui mérite d’être porté à cette intention généreuse. Le risque encouru pour non-exécution d’une charge est la révocabilité d’une donation ou la possibilité de refus d’un legs. Certains legs ou donations deviennent ainsi, par l’exécution de clauses ou charges qui leurs sont associées, de véritables « cadeaux empoisonnés » qu’il est préférable, parfois, de savoir refuser.

Auteur(s) :

Philippe Guay

Expert-comptable, commissaire aux comptes, spécialisé ESS

Philippe est un expert-comptable et commissaire aux comptes qui a accompagné pendant de nombreuses années de multiples associations, fonds et fondations.

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