Comptabilité
Date de publication : 25/11/2021
Philippe Guay
Mise à jour – Avril 2023
Les associations cultuelles ont vu leur réglementation complétée par la loi n°2021-1109 du 24 août 2021, confortant le respect des principes de la République qui consacre un titre complet à garantir le libre exercice du culte. Les différents articles de ce titre ont pour objectif de réécrire en profondeur, entre autres, la réglementation et le contrôle financier des associations cultuelles régies par les lois du 9 décembre 1905 et du 2 janvier 1907.
Reprenons en détail les principes et obligations comptables de ces deux types d’associations.
La loi du 9 décembre 1905 vise les associations dont l’exercice exclusif du culte est garanti par la république moyennant l’observation de quelques restrictions indispensables issues de la séparation historique des biens et du financement des églises et de l’Etat.
Les associations formées pour subvenir aux frais, à l’entretien et à l’exercice public d’un culte doivent être constituées selon les modalités et principes qui régissent ceux retenus pour les associations de la loi du 1er juillet 1901. Elles seront donc soumises aux prescriptions relatives au même socle législatif. Les premiers articles de la loi de 1905 précisent les modalités d’attributions originelles des biens meubles et des créances et dettes attribuées aux associations constituées à l’occasion de la réforme de 1905, ainsi que leurs modalités de fonctionnement (articles 3 à 17).
L’article 19 de la loi du 9 décembre 1905 a été repris et abondamment enrichi par les derniers textes mis en vigueur récemment. Il s’applique aux associations cultuelles qui ont exclusivement pour objet l’exercice du culte. Pour constituer une association cultuelle, celle-ci doit avoir au moins sept membres, personnes majeures, domiciliées ou résidant dans la circonscription religieuse définie par les statuts. Les membres adhèrent en payant une cotisation. Ils participent, chaque année, à une assemblée générale qui approuve la gestion et l’administration de l’association.
Pour bénéficier des avantages propres à sa qualité d’association cultuelle, l’association constituée sous les principes de la loi du 9 décembre 1905 doit déclarer sa qualité cultuelle au représentant de l’Etat dans le département de son siège. Si ce dernier entend s’y opposer ou s’il constate que l’association ne remplit pas les conditions prévues par les textes, il dispose d’un délai d’un mois pour le notifier aux dirigeants de l’association. En l’absence d’opposition pendant cette période, l’association qui a déclaré sa qualité cultuelle bénéficie des avantages propres à la catégorie des associations cultuelles pendant une durée de cinq années. Point à surveiller, elle devra renouveler, de sa propre initiative, cette demande à l’expiration du délai de cinq ans.
Les associations cultuelles peuvent recevoir librement des cotisations, des dons manuels et des produits de quêtes pour les frais de cultes. Elles peuvent également recevoir des libéralités entre vifs ou par testament dans les conditions prévues à l’article 910 du Code civil destinées à l’accomplissement de leur objet.
Elles peuvent posséder et administrer tous immeubles acquis à titre gratuit. Il s’agit bien, ici, des immeubles reçus dans le cadre d’un legs ou d’une donation. En aucune façon, une association cultuelle ne peut acquérir un immeuble à titre onéreux pour en tirer des revenus. Et, les ressources annuelles qu’elles tirent des immeubles qu’elles possèdent et qui ne sont ni strictement nécessaires à l’accomplissement de leur objet, ni grevés de charges pieuses ou cultuelles, à l’exclusion des ressources provenant de l’aliénation de ces immeubles, ne peuvent représenter une part supérieure à 50 % de leurs ressources annuelles totales.
Elles sont exemptées de tout impôt foncier sur les édifices affectés à l’exercice du culte.
A contrario, les associations cultuelles ne peuvent sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l’Etat ni des collectivités territoriales ou de leurs groupements. A ce stade, les sommes nécessaires à financer les travaux de réparations et d’accessibilité des édifices du culte (qu’ils soient classés ou non aux monuments historiques) peuvent provenir de subventions publiques.
Les associations cultuelles (ainsi que leurs unions) doivent établir des comptes annuels comprenant un bilan, un compte de résultat et une annexe. Pour cela, elles doivent respecter l’application des dispositions du règlement ANC n°2018-06 du 5 décembre 2018 relatif aux comptes annuels des personnes morales de droit privé à but non lucratif.
Contrairement aux associations relevant de la loi du 1er juillet 1901, aucun seuil ne déclenche cette obligation. Les associations cultuelles sont toutes concernées par cette obligation.
La règlementation instaurée par la loi confortant le respect des principes de la République (appelée dans le langage courant « loi séparatisme ») prévoit notamment la tenue d’un état séparé des avantages et ressources provenant d’un Etat étranger, d’une personne morale étrangère, d’un dispositif juridique de droit étranger comparable à une fiducie ou d’une personne physique non-résidente en France.
De plus, les associations cultuelles dressent également une liste des lieux dans lesquels elles organisent habituellement l’exercice public du culte. Les textes n’exigent pas que cette liste soit jointe à l’annexe des comptes annuels.
Il s’agit d’une démarche administrative distincte. Mais cela n’exonère en rien l’association cultuelle d’indiquer, dans l’annexe de ses comptes, l’état des lieux où elle exerce ses activités. Cette démarche informative s’inscrit parfaitement dans l’esprit de l’article 431-2 du règlement comptable ANC n°2018-06 relatif aux comptes annuels des personnes morales de droit privé à but non lucratif.
Enfin, avec ces documents, elles sont tenues de présenter le budget prévisionnel de l’exercice en cours sur demande du représentant de l’Etat dans le département (le préfet).
Lorsqu’elles bénéficient d’un apport (en nature, en pleine propriété, en jouissance, en usufruit ou en nue-propriété), les associations cultuelles doivent établir un traité d’apport. Cette précision, inscrite dans la loi peut sembler superfétatoire à la loi ESS du 31 juillet 2014. Toutefois, l’article 21 de la loi du 9 décembre 1905 exige désormais, qu’en cette circonstance, ce traité, doit être annexé aux comptes de l’exercice en cours et comporter une description précise de l’apport, sa valeur estimée et ses conditions d’affectation. Le cas échéant, il précise également la contrepartie pour l’apporteur et les conditions de reprise du bien. Cela nous promet, dans certaines associations, des comptes annuels au poids-papier démesuré.
Lorsqu’une association cultuelle perçoit des dons ouvrant droit à un avantage fiscal pour le donateur dont le montant global excède le seuil de 153.000 € par an, elle doit nommer un commissaire aux comptes qui effectuera son audit et exprimera son opinion sur les comptes annuels. Cette règle n’est pas nouvelle et elle est en vigueur depuis une ordonnance qui date du 28 juillet 2005.
La dernière loi séparatisme précise que lorsque l’association cultuelle a bénéficié au cours de l’exercice comptable considéré, d’avantages ou de ressources versés en numéraire ou consentis en nature par un Etat étranger, par une personne morale étrangère, par tout dispositif juridique de droit étranger comparable à une fiducie ou par une personne physique non-résidente en France, elle doit établir un état séparé bien spécifique relatif à ces avantages et ressources qu’elle a perçus en numéraires ou en nature. Ce document supplémentaire doit être joint à l’annexe aux comptes annuels.
Il doit respecter la forme publiée par un règlement homologué de l’autorité des normes comptables françaises (règlement ANC n° 2022-04 du 30 juin 2022). Il peut en être présenté une version simplifiée à condition que l’association publie le document intégral sur son site internet ou en assure la disposition à son siège social. Si elle perçoit des avantages et ressources provenant de l’étranger dont le montant est supérieur à 50.000 €, l’association aura l’obligation de nommer un commissaire aux comptes qui devra certifier ses comptes.
Les dispositions relatives aux avantages et ressource provenant de l’étranger sont complétées, en ce qui concerne les associations cultuelles (et les congrégations religieuses), par l’obligation de procéder à une déclaration administrative des financements (ressources, avantages ou libéralités) en provenance de l’étranger, directement ou indirectement, dès lors que le montant de ces avantages et ressources excède un seuil de 15.300 € pour un montant unitaire total perçu au titre d’un même exercice comptable.
Cette formalité doit être effectuée par voie électronique directement sur le site du ministère.
La loi du 2 janvier 1907 vise les associations à caractère mixte, c’est-à-dire, celles qui développent à la fois des activités cultuelles et des activités conjointes à l’exercice du culte (sociales, médico-sociales, culturelles, enseignement, etc..). Le sujet de la réforme a été longtemps débattu pour savoir s’il convenait de séparer ces activités au sein d’entités juridiques distinctes. Finalement, la loi a retenu la possibilité de « sectoriser » ces activités dans le cadre « d’unités fonctionnelles ».
Bien entendu, ces associations sont soumises aux dispositions des lois du 1er juillet 1901 et du
9 décembre 1905. Elles doivent en appliquer les règles.
Elles établissent leurs comptes annuels de sorte que leurs activités en relation avec l’exercice public d’un culte constituent une unité fonctionnelle présentée séparément. De plus, elles doivent ouvrir un compte bancaire distinct pour recueillir les flux financiers relatifs aux activités cultuelles.
Au plan pratique, il conviendra d’organiser une comptabilité distincte dite « par établissements » (ou « par unité fonctionnelle ») et les comptes annuels globaux de l’association, personne morale, correspondront à la centralisation des comptabilités distinctes (avec élimination des comptes de liaison inter-établissements). L’annexe aux comptes annuels devra intégrer la présentation des comptes distincts de chaque unité fonctionnelle.
Lorsqu’elles perçoivent des ressources collectées par un appel public à la générosité destiné à soutenir l’exercice du culte, elles sont soumises à l’article 4 de la loi n°91-772 du 7 août 1991 relative au congé de représentation en faveur des associations et des mutuelles et au contrôle des comptes des organismes faisant appel à la générosité du public. C’est-à-dire, qu’au-delà d’un seuil de 153.000 €, elles doivent établir un compte d’emploi des ressources (CER).
Ces associations cultuelles « mixtes » doivent nommer un commissaire aux comptes :
L’organisation des associations qui exercent de près ou de loin une activité cultuelle se trouve désormais bien encadrée. Très encadrée, même ! Car, au dispositif présenté ici, la loi prévoit un encadrement strict de l’autorité administrative à l’encontre de ces organismes. Cette caractéristique est, on l’a vu tant pour les associations relevant de la loi du 1er juillet 1901 que pour les associations cultuelles, une dominante forte de la loi confortant le respect des principes de la République.
En ce qui concerne les cultes exercés dans les départements d’Alsace-Moselle, les textes sont adaptés aux conditions particulières du code civil local à savoir que ces associations ont également l’obligation de nommer un commissaire aux comptes dans les situations suivantes :
Pour les associations inscrites à objet cultuel ayant pour objet exclusif l’exercice d’un culte régies par le code civil local des département du Haut-Rhin, Bas-Rhin et de Moselle
Pour les associations inscrites à objet cultuel n’ayant pas pour objet exclusif l’exercice d’un culte régies par le code civil local des département du Haut-Rhin, Bas-Rhin et de Moselle
Philippe Guay
Expert-comptable, commissaire aux comptes, spécialisé ESS
Philippe est un expert-comptable et commissaire aux comptes qui a accompagné pendant de nombreuses années de multiples associations, fonds et fondations.