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Comptabilité

Associations cultuelles, nouvelles règles comptables

Date de publication : 18/11/2022

#Article

Philippe Guay

La nouvelle législation imposée aux associations cultuelles et associations cultuelles mixtes, par la loi n°2021-1109 du 24 août 2021 confortant les principes de la République (dite loi séparatisme), ouvre certaines questions auxquelles il convient de s’assurer de trouver une réponse logique et pratique avant d’entreprendre d’en appliquer les règles.

Qu’est-ce que la notion d’exercice d’un culte ?

La notion « d’exercice public d’un culte » n’est pas précisée dans la loi, mais elle a déjà fait l’objet d’une citation par le Conseil d’Etat. L’exercice d’un culte est défini par la jurisprudence du Conseil d’Etat comme « la célébration de cérémonies organisées en vue de l’accomplissement, par des personnes réunies par une même croyance religieuse, de certains rites ou de certaines pratiques ».

Par ailleurs, le législateur n’a pas figé dans la loi séparatisme la liste des activités considérées comme relevant de l’exercice public d’un culte. Il laisse au juge administratif le soin d’adapter une telle définition à la grande diversité des situations et à l’exercice du culte en France. A ce titre, le Conseil d’État a précisé que, si une association dont l’une des activités consiste en l’organisation de prières collectives de ses membres, ouvertes ou non au public, doit être regardée comme ayant, dans cette mesure, une activité cultuelle, tel n’est pas le cas, en revanche, d’une association dont des membres, à l’occasion d’activités associatives sans lien avec le culte, décident de se réunir, entre eux, pour prier.

Ainsi, le simple fait qu’une association se réclame d’une confession particulière ou que certains de ses membres se réunissent, entre eux, en marge d’activités organisées par elle, pour prier, ne suffisent pas à établir que cette association a des activités cultuelles.

Différentes religions comme la religion catholique et le culte musulman ont engagé, chacune de leur côté, des réflexions qui, sans être exhaustives, fournissent des pistes de réflexions aux associations cultuelles mixtes.

Ainsi, tout ce qui concerne la construction, l’entretien et la gestion du lieu de culte peut être considéré comme « cultuel » dès lors que l’affectation de charges et produits y afférents sont exclusivement affectés à l’exercice du culte. Il en est de même pour ce qui concerne la rémunération, l’entretien et la formation des ministres du culte.

La question est plus délicate en ce qui concerne les charges et produits affectables aux services aux fidèles. Il conviendra, ici, de distinguer finement ce qui concerne la préparation aux sacrements comme le baptême, le mariage, la consultation de l’officiant (prêtre, pasteur, rabbin, imam…), de l’organisation et la formation de futurs pèlerins, par exemple. Dans le premier cas, ces charges et ressources seront indéniablement affectées aux activités cultuelles, et pas dans le second cas.

De même, les activités sociales pures, telles que l’assistance humanitaire (collecte de dons, assistance aux personnes en difficultés, soutien social et alimentaire, maraudes, etc.), ne peuvent être considérées comme des activités cultuelles.

Les éléments de communication sont également à considérer avec précaution car certaines mises en situation de prêche ou d’enseignement peuvent correspondre à l’accomplissement de l’exercice d’un culte, alors que l’enseignement d’une langue (latin, arabe, hébreu) ne convient pas à cette affectation.

Enfin, les relations avec la hiérarchie religieuse, qu’elle soit institutionnelle, intra-culturelle ou inter-religieuse ne peuvent en rien correspondre à des activités exclusivement cultuelles bien que leur fondement même réside dans l’expression d’une foi et de l’attachement à une religion. Il conviendra alors de considérer le caractère indispensable de ces engagements et leurs conséquences financières dans les comptes de l’associations pour orienter correctement leur affectation.

A titre d’exemple, le FORIF (Forum de l’islam de France) a publié un guide pratique destiné à éclairer les associations exerçant le culte musulman (édition avril 2022). Il ressort des recommandations issues de cette publication quelques orientations sur les réflexions que peuvent tenir les associations concernées.

La comptabilité des associations cultuelles mixtes

Le législateur a souhaité soumettre les associations relevant de la loi du 1er juillet 1901 à objet mixte à certaines des obligations actuelles où nouvelles imposées aux associations cultuelles. Afin d’assurer la transparence des associations à objets mixtes et d’éviter la prise de contrôle par des groupes ou des personnes qui utilisent les lieux de culte comme lieu de propagande ou pour les détourner de leurs fonctions cultuelles, la loi du 24 août 2021 à étendu aux associations simplement déclarées et exerçant le culte les obligations de transparence applicables aux associations cultuelles.

L’article 4 de la loi du 2 janvier 1907 prévoit désormais l’obligation de soumettre, au moins une fois par an, les actes de gestion financière et d’administration légale de l’association à son assemblée générale.

L’article 4-1, impose, quant à lui, l’obligation d’établir des comptes annuels comprenant un bilan, un compte de résultat et une annexe, conformément à un règlement de l’autorité des normes comptables. Et ce, sans application de seuils. C’est-à-dire que cette obligation s’applique à toutes les associations cultuelles, quel que soit le montant de leur budget. Le législateur a, en outre, imposé à ces associations des obligations de transparence financière spécifique, qui figurent également aux articles 4 et 4-1 afin d’assurer la traçabilité des ressources affectées à l’activité cultuelle des associations mixtes.

Le règlement comptable ANC n°2022-04 du 30 juin 2022 a été publié le mercredi 27 juillet 2022. Il est en cours d’homologation par les ministres concernés par ce texte, mais il est possible de se le procurer sur le site de l’ANC.

A lire : La réglementation
financière des associations cultuelles

Séparation comptable des activités en relation avec l’exercice public d’un culte et des autres activités

Le contexte

Les associations mixtes ont la capacité d’exercer le culte tout en conduisant d’autres activités que des activités cultuelles (culturelles, philanthropique, sociales, éducatives…) pour lesquelles elles peuvent bénéficier de dispositifs fiscaux favorables ou de subventions publiques. Il a été constaté que de telles associations émettaient des reçus fiscaux au titre d’activités cultuelles et non cultuelles sans qu’il soit possible de déterminer de quel régime relevaient les dons. En outre, il est difficile de vérifier que la subvention publique accordée à l’association pour ses activités non cultuelles n’est pas affectée en totalité ou en partie pour des activités cultuelles.

Avec la loi séparatisme, le législateur renforce l’attractivité de la loi du 9 décembre 1905 afin d’inciter les associations mixtes et les associations à objet cultuel d’Alsace-Moselle à dissocier les activités cultuelles et les autres activités par deux structures juridiques distinctes. Celles qui continueront à privilégier une structure unique doivent ouvrir un compte bancaire dédié à l’ensemble des transactions financières liées aux activités en relation avec l’exercice public d’un culte et établir des comptes annuels « de sorte que leurs activités en relation avec l’exercice public d’un culte constituent une unité fonctionnelle présentée séparément ».

L’application comptable pour les associations cultuelles mixtes

L’obligation d’établir des comptes annuels en isolant les activités en relation avec l’exercice public d’un culte résulte de la volonté d’améliorer la transparence des conditions d’exercice du culte, afin de permettre de veiller au respect du principe d’interdiction du financement public du culte et à la destination des ressources.
Concrètement, cette exigence réglementaire implique la mise en œuvre d’une comptabilité adaptée dite « par secteur » ou « par établissement ». L’association cultuelle mixte concernée ouvrira une seconde comptabilité affectée à recevoir les opérations exclusivement destinées aux activités cultuelles. Les deux comptabilités peuvent correspondre entre elles par des comptes de liaison entre établissements (comptes 18 du plan comptable) aménagés à cet effet. Toutefois, la loi obligeant l’ouverture d’un compte bancaire distinct pour les activités cultuelles, ce dernier sera logé dans le secteur approprié. Ensuite, les charges et produits ventilés grâce à l’utilisation de clés de répartition seront affectés au moyen de l’utilisation de ces comptes de liaison.

Pour l’établissement de ses comptes annuels, l’association procèdera à la sommation des deux balances comptables, ce qui entrainera la disparition des comptes de liaison. Dès lors, leurs soldes doivent nécessairement être identiques et de sens opposés dans chaque comptabilité.

Bien que ce ne soit pas exigé par les textes, ni par le règlement comptable, l’association pourra parfaire sa communication financière en présentant, dans l’annexe, des comptes de résultats distincts, propres à chaque secteur (cultuel et non cultuel).

Signature du contrat d’engagement républicain

En ce qui concerne les dispositions prises en matière de respect des principes de la République, l’association cultuelle mixte devra signer le contrat d’engagement républicain prévu à l’article 12 de la loi du 24 août 2021. Cette disposition n’est pas exigée pour les seules associations cultuelles ou pour la partie des activités exclusivement consacrées à l’exercice du culte, mais bien pour la partie sociale et culturelle si l’association souhaite solliciter un financement de nature publique.

En ce qui concerne les reçus fiscaux pour dons, il est fortement recommandé d’instituer deux séquences d’émission, avec deux séries numérotées distinctement, une pour chaque secteur défini par les statuts de l’association.  Cette organisation présentera le mérite de distinguer parfaitement les flux financiers destinés aux activités cultuelles de ceux destinés aux activités autres que cultuelles.

A regarder : Contrat d’engagement républicain : comment se préparer face à ces nouvelles contraintes ?

Obligation d’un CER à la suite d’un appel à la générosité du public destiné à soutenir l’exercice du culte

L’obligation d’établir un compte d’emploi annuel des ressources collectées auprès du public (CER) à la suite d’un appel à la générosité du public destiné à soutenir l’exercice du culte vise à assurer la transparence financière sur les fonds collectés à l’occasion d’un tel appel.

L’obligation d’établir un CER à la suite d’un appel à la générosité du public destiné à soutenir l’exercice du culte (si le montant des ressources collectées est supérieur à 50 000 €) et l’obligation d’établir un CER à la suite d’un appel à la générosité du public conformément aux articles 3 et 4 de la loi n° 91-772 du 7 août 1991 (c’est-à-dire lorsque le montant des ressources collectées est supérieur à 153 000 €) sont indépendantes et peuvent être concomitantes si les seuils respectifs de ressources collectées sont dépassés.

Lorsque l’association est tenue d’établir un compte d’emploi des ressources collectées à la suite d’un appel à la générosité du public destiné à soutenir l’exercice du culte (le montant des ressources collectées est supérieur à 50 000 €) et un compte d’emploi des ressources collectées à la suite d’un appel à la générosité du public conformément aux articles 3 et 4 de la loi n° 91-772 du 7 août 1991 (le montant des ressources collectées est supérieur à 153 000 €), elle peut :

  • soit présenter d’une part, le compte d’emploi des ressources collectées à la suite d’un appel à la générosité du public destiné à soutenir l’exercice du culte et d’autre part, le compte d’emploi des ressources collectées à la suite d’un appel à la générosité du public conformément aux articles 3 et 4 de la loi n° 91-772 du 7 août 1991, tous deux établis selon le modèle prescrit par le règlement comptable applicable aux associations,
  • soit présenter un compte d’emploi des ressources collectées auprès du public selon le modèle prescrit par le règlement adapté pour distinguer, pour chaque rubrique figurant au compte d’emploi des ressources collectées auprès du public, le montant total, le montant relatif aux activités autres que celles en relation avec l’exercice public d’un culte et le montant relatif aux activités en relation avec l’exercice public d’un culte. Un exemple de modèle du compte d’emploi des ressources collectées auprès du public ainsi adapté est présenté à l’appui du règlement ANC n°2022-04 du 30 juin 2022.

A lire : Appel à la générosité publique : rappel des règles de mise en œuvre et de contrôle

Pour conclure

La mise en œuvre de cette nouvelle réglementation doit pouvoir conforter un grand nombre d’associations cultuelles qui s’interrogeaient depuis de nombreuses années sur leurs pratiques mixtes logées au sein d’une même entité.

Il en découlera, inévitablement, une adaptation certaine de leur organisation administrative et comptable. Il est temps d’y réfléchir avant de les appliquer car les décisions qui seront prises passeront également par des mises à jour des statuts, voire la restructuration de certaines associations ayant des relations entre elles.

Pour aller plus loin :
Dossier – La comptabilité dans les associations
et les autres structures de l’ESS

Auteur(s) :

Philippe Guay

Expert-comptable, commissaire aux comptes, spécialisé ESS

Philippe est un expert-comptable et commissaire aux comptes qui a accompagné pendant de nombreuses années de multiples associations, fonds et fondations.

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