Comptabilité, Mécénat
Date de publication : 13/09/2022
Philippe Guay
La loi confortant le respect des principes de la République, du 24 août 2021 (dite loi séparatisme), a introduit une nouvelle obligation conséquente pour les associations, les associations cultuelles et les fonds de dotation en les contraignant dans certains cas à établir et publier un « état des avantages et ressources provenant de l’étranger » (EAR). Cette novation a été guidée par le législateur dans un souci d’améliorer le suivi et la transparence financière de certaines associations qui perçoivent des fonds et avantages afin d’assurer la promotion de valeurs et de principes en opposition avec ceux de la République, l’instrumentalisation politique, notamment par des puissances étrangères, de ces associations à des fins contraires aux principes de la laïcité et de la République.
Rédigé sous la plume des services de TRACFIN, le texte de loi accroit considérablement les contraintes organisationnelles de ces associations tant il est accompagné d’exigences techniques et réglementaires complexes à respecter et à mettre en œuvre.
La loi séparatisme impose la tenue d’un état séparé des avantages et des ressources (EAR) provenant directement ou indirectement d’un Etat étranger, d’une personne morale étrangère, d’un dispositif juridique de droit étranger comparable à une fiducie ou d’une personne physique non-résidente fiscale en France, dans l’annexe des comptes annuels des entités suivantes :
Un décret a été publié le 24 décembre 2021 pour l’application de la mesure (décret n°2021-1812 relatif à la tenue par certains organismes d’un état séparé des avantages et ressources provenant de l’étranger). Ce décret vise l’application de la mesure aux associations et aux fonds de dotation et précise les mentions à faire figurer dans l’état séparé des avantages et des ressources provenant de l’étranger, à présenter sous la forme d’un tableau.
Le règlement comptable ANC n°2022-04 du 30 juin 2022 vient d’être publié sur le site de l’ANC. Il complète le règlement comptable (ANC n°2018-06) relatif aux comptes annuels des associations et apporte des précisions sur l’établissement de ce document.
Les contributeurs visés par la loi sont :
En effet le texte de loi concerne tous types d’avantages et ressources en numéraire ou en nature consentis, provenant de l’étranger, reçus directement ou indirectement.
Ce peut être le cas, par exemple d’un avantage consenti à une filiale sur laquelle l’association bénéficiaire finale de l’avantage exerce un contrôle ou un pouvoir d’influence déterminant.
C’est le cas, également, des entités dont l’activité est exercée en fait pour le compte de l’association bénéficiaire. Il en est de même en ce qui concerne les avantages et ressources apportés par des groupements financiers ou des fiducies. A noter que la règlementation se trouve renforcée pour la circonstance puisque le législateur exige, au demeurant, que les comptes de ces dernières soient certifiés par un commissaire aux comptes.
Le règlement publié par l’ANC présente ce modèle :
(a) Concernant l’Etat du contributeur, les avantages et ressources sont regroupés par Etat.
Il peut s’agir :
(b) Les avantages et ressources sont classés, pour chaque Etat, par ordre chronologique en fonction de la date de l’encaissement ou, pour un avantage ou une ressource non pécuniaire, la date à laquelle il est effectivement acquis ou la période durant laquelle il est accordé.
(c) En ce qui concerne les informations sur la personnalité juridique du contributeur, il convient d’indiquer s’il s’agit :
(d) Il convient, ensuite, de préciser la nature du caractère, direct ou indirect, de la ressource ou de l’avantage considéré, le mode de paiement (pour les versements en numéraire) et son montant.
Ainsi que l’a prévu le législateur, l’état séparé des avantages et ressources provenant de l’étranger doit être joint à l’annexe des comptes annuels.
A ce titre, il convient de souligner qu’il entre dans le champ du contrôle du commissaire aux comptes et qu’il fera l’objet de sa certification comme pour les autres éléments des comptes annuels.
Les associations et les fonds de dotation visés soumis à une obligation de publicité de leurs comptes annuels peuvent intégrer dans l’annexe des comptes annuels approuvés par l’organe délibérant et publiés au Journal officiel une version synthétique de l’état séparé des avantages et des ressources provenant de l’étranger (EAR) en lieu et place de la version détaillée de l’état.
La version synthétique de l’état mentionne le montant total des avantages et des ressources présenté pour chaque Etat et est accompagnée des informations relatives aux modalités selon lesquelles la version détaillée de l’état, conforme au modèle prévu par le règlement comptable, est mise à la disposition du public au siège de l’association ou du fonds de dotation et, le cas échéant, sur son site internet.
La version synthétique de l’état, accompagnée des informations relatives aux modalités de mise à disposition de la version détaillée de l’état auprès du public, est établie selon le modèle ci-dessous :
Etat du contributeur | Montant total des avantages et ressources |
---|---|
Etat X | |
Etat Y | |
Etat Z |
On comprend aisément, ici, que cette présentation synthétique, si elle est destinée à réduire le volume de présentation des comptes annuels, n’allège en rien les obligations administratives et comptables des organismes soumis à cette obligation.
La loi introduit, bien entendu, une sanction pour non-respect de cette nouvelle obligation d’établir l’EAR : une amende de 3.750 € pouvant être portée jusqu’au quart de la somme des avantages et ressources non-inscrits dans l’état séparé.
En effet, conjointement à l’obligation d’établir et publier un état séparé des avantages et des ressources provenant de l’étranger, la loi séparatisme oblige également (et uniquement) les associations cultuelles bénéficiaires de tels avantages à émettre une déclaration spécifique auprès du ministère (loi 2021-1109 du 24 août 2021, article 74).
La déclaration prévue par les textes peut être faite par l’association bénéficiaire au ministre de l’Intérieur par l’intermédiaire d’un téléservice mis en œuvre par le ministère de l’intérieur.
Un décret du 22 avril 2022 a pour effet de rendre applicables ces obligations de déclaration des financements étrangers reçus. Il vise particulièrement :
Hormis les dispositions déclaratives évoquées ci-dessus, le règlement comptable soumet la mise en œuvre des dispositions relatives à la tenue d’un état séparé des avantages et des ressources provenant de l’étranger aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2023. Il n’y a donc pas de temps à perdre pour s’organiser dans l’inventaire des ressources et avantages susceptibles d’être concernés par ces nouvelles dispositions. Et être opérationnels dans les mois qui viennent.
Philippe Guay
Expert-comptable, commissaire aux comptes, spécialisé ESS
Philippe est un expert-comptable et commissaire aux comptes qui a accompagné pendant de nombreuses années de multiples associations, fonds et fondations.