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Comptabilité

L’état des avantages et ressources provenant de l’étranger, retour d’expérience

Date de publication : 25/11/2024

#Article

Philippe Guay

La loi confortant le respect des principes de la République, du 24 août 2021 (dite loi séparatisme), a introduit une nouvelle obligation conséquente pour les associations, les associations cultuelles et les fonds de dotation en les contraignant, dans certains cas, à établir et publier un « état des avantages et ressources provenant de l’étranger ». Entrée en vigueur pour les exercices comptables ouverts à compter du 1er janvier 2023, cette nouvelle obligation suscite de nombreuses questions sur lesquelles il semble intéressant de revenir.

Bref retour des obligations et organismes concernés par le dispositif.

Qui est concerné ?

Plus précisément, les organismes concernés par l’établissement de cet état sont les organismes qui reçoivent des dons ouvrant droit à un avantage fiscal au bénéfice des donateurs :

• Les associations ayant reçu annuellement des dons d’un montant global dépassant 153 000 euros ;

• Les fonds de dotation qui reçoivent des dons, mais sans notion de seuil. Pour les fonds de dotation, l’obligation s’exerce dès le premier euro perçu ;

• Les associations cultuelles et les unions relevant de la loi du 9 décembre 1905, mais sans notion de seuil. Là aussi, les associations cultuelles doivent se plier à cette obligation dès le premier euro perçu ;

• Les associations cultuelles mixtes relevant de la loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes ;

• Les associations inscrites à objet cultuel relevant du code civil local applicable dans les départements d’Alsace-Moselle, sans condition de seuil. 

On rappelle, ici, que le législateur considère que les fondations ne sont pas concernées par ce sujet.

Quelle est la nature des avantages et ressources qu’il convient de retenir ?

Il s’agit essentiellement de :

  • Ressources pécuniaires au titre desquelles il est possible d’identifier les contributions financières provenant d’organismes étrangers, des subventions, de prêts, dons manuels, libéralités et mécénat, mais également des cotisations perçues de l’étranger ou encore le produit de ventes de biens ou de services à des ressortissants étrangers ;
  • D’avantages en nature comme du mécénat de compétence, la mise à disposition de personnel ou de biens mobiliers ou immobiliers ou la fourniture gratuite de services ;
  • D’apports en fonds propres qui peuvent être le résultat d’apports avec ou sans droit de reprise, de libéralités matérielles comme des immeubles, par exemple, consentis pour renforcer les fonds propres de l’organisme.

Comment identifier la provenance des avantages et ressources ?

Selon les termes de la loi, les avantages et ressources visés sont ceux qui proviennent d’un Etat étranger, d’une personne morale étrangère, d’un dispositif juridique de droit étranger comparable à une fiducie (contrat de transfert d’un patrimoine en vue de sa gestion au profit d’un intérêt commun). Pour une personne physique, c’est la résidence fiscale qui permet de qualifier « d’étrangers » les avantages et ressources. A priori, une personne physique ayant sa résidence fiscale à l’étranger participant volontairement à une activité bénévole auprès d’un organisme de droit français ne serait pas concernée par ces obligations.

Pour une personne morale, il s’agit en règle générale de son siège social.

La provenance dont il est question peut être observée de manière directe ou indirecte par le bénéficiaire concerné à toute association ou à toute société sous contrôle exclusif, sous contrôle conjoint ou sous influence notable de l’association bénéficiaire, à toute entité structurée ou organisée de manière telle que son activité est en fait exercée pour le compte de l’association bénéficiaire.

Comment présenter l’état des avantages et ressources provenant de l’étranger ?

L’ANC – Autorité des Normes Comptables a publié, le 30 juin 2022, un règlement qui détermine les modalités de suivi et de présentation des avantages et ressources provenant de l’étranger. Les informations centralisées en fin d’exercice sont regroupées dans un tableau de synthèse qui est intégré à l’annexe des comptes des organismes concernés. Ainsi, le document visé entre dans le périmètre d’audit du commissaire aux comptes et soumis à sa certification au même titre que les comptes annuels.

Petite précision, les organismes concernés par cette obligation doivent tenir et conserver un état détaillé qu’ils peuvent présenter à leur siège social sur toute demande. Pour les entités soumises à une obligation de publicité de leurs comptes annuels, le règlement donne la possibilité de ne présenter qu’une version synthétique de l’EAR dans l’annexe des comptes annuels approuvés par l’organe délibérant et publiés au Journal Officiel. Il convient de veiller à ce que l’EAR ne contienne pas de renseignement nominatif ou permettant d’identifier le contributeur. Seule sa forme juridique doit apparaître (état, personne morale, personne physique). L’anonymat des donateurs doit être garanti.

L’EAR est un document d’information financière, prévu par le décret n° 2021-1812, qui est à distinguer de l’obligation de déclaration des financements étrangers qui n’est applicable qu’aux seules associations exerçant un culte et aux congrégations légalement reconnues dans certaines circonstances.

Plusieurs organismes qui doivent établir l’état des avantages et ressources provenant de l’étranger sans notion de seuil comme les associations cultuelles ou les fonds de dotation se sont interrogés de savoir s’ils devaient établir un tableau vierge comportant la mention « néant » dès lors qu’ils n’avaient pas reçu de telles ressources ayant les caractéristiques exigées par la loi du 24 août 2021. Sur le fond, les textes n’exigent pas la production de l’EAR lorsque les conditions requises ne sont pas réunies. Toutefois, dans un avis technique publié en avril 2024, la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, après avoir précisé « qu’en l’état actuel des textes et en l’absence de précision dans ces derniers, les associations et les fonds de dotation visés par les dispositions relatives à la tenue d’un EAR mais ne bénéficiant pas d’avantages ou de ressources provenant de l’étranger ne sont pas tenus de présenter un tableau qui serait à « 0 » ». La CNCC considère qu’un commentaire et une mention dans l’annexe indiquant l’absence d’avantage et de ressource provenant directement ou indirectement de l’étranger pourrait être approprié. Ce choix étant optionnel, nous vous recommandons de le partager avec votre commissaire aux comptes car sa mention dans l’annexe aux comptes annuels peut emporter des conséquences sur ses diligences professionnelles.

Incidence sur l’organisation des organismes

La mise en œuvre de ces nouvelles dispositions entraine nécessairement, la mise en place d’une organisation adaptée qui peut se révéler assez lourde pour certains organismes. En effet, il convient d’adopter des procédures qui permettent de définir le mode opératoire de traitement de cette obligation visant à s’assurer de la possibilité d’identifier les avantages et ressources en provenance de l’étranger et de pouvoir collecter des informations sur l’identité des contributeurs en vue de les restituer conformément aux exigences demandées. Sur ce sujet, il est fortement recommandé d’adopter une démarche proactive et d’établir des éléments de dialogue, d’échanges et de demandes d’informations avec les tiers et organismes étrangers, l’objectif étant, ici, de collecter un ensemble d’informations qui faciliteront votre analyse.

Retour d’expérience

Au bout d’une première année, et après avoir satisfait à l’obligation d’établir le premier état, les différentes entités concernées se posent quelques questions bien légitimes.

  • Les fonds détenus par un résident fiscal étranger transitant par une structure bancaire étrangère (ou non), même si le titulaire des fonds est de nationalité française (compte courant, contrat d’assurance-vie…) doivent-ils être déclarés. La réponse à cette question est assurément OUI.
  • Doit-on retenir les fonds en provenance d’une société mère française tête de groupe disposant de filiales à l’étranger. Sur cette question, la réponse semble être négative.
  • Par contre, les fonds en provenance d’une société française filiale d’un groupe étranger sont à retenir, alors que la réponse n’est pas certaine en ce qui concerne les fonds en provenance de filiales étrangères d’une société mère française tête de groupe. Sur ce dernier point, une demande d’éclaircissement auprès du ministère de l’intérieur est en attente de réponse.
  • En ce qui concerne les fonds publics étrangers, les fonds européens transitant par une autorité administrative française ne sont pas à considérer dans l’EAR, alors que ceux qui ne transitent pas par une autorité administrative française sont à retenir.
  • Les fonds provenant d’états étrangers (ministères, agences, ambassades) sont également à inscrire dans l’EAR. Il en est de même en ce qui concerne les fonds issus d’organisations internationales gouvernementales (FMI, OMS, etc..).
  • En ce qui concerne les fonds issus d’entités françaises membres d’organisations internationales non gouvernementales dont le siège se situe en France, ils ne sont pas à retenir au titre de l’EAR. Par contre, lorsque le siège de ces organisation internationales se situe à l’étranger, il convient de considérer que les fonds versés sont à inscrire sur l’EAR (Croix Rouge Française membre de la Fédération internationale de la Croix Rouge, etc.).
  • En ce qui concerne les avantages en nature, les mises à dispositions de locaux à l’étranger que l’organisme assujetti utilise (ou n’utilise pas, mais dont il dispose) doivent faire l’objet d’une valorisation à retenir au titre de l’EAR. Et ce, que la contribution volontaire en nature fasse ou non l’objet d’une comptabilisation au titre des articles 211-1 à 211-4 du règlement ANC n°2018-06 du 5 décembre 2018 relatif aux comptes annuels des personnes morales de droit privé à but non lucratif.

Une question plus vaste reste en suspens en ce qui concerne les faits générateurs des avantages et ressources provenant de l’étranger. En effet, les textes officiels retiennent la notion de « fonds effectivement versés durant l’année considérée ». Cette définition entrainera nécessairement une distorsion avec les comptes de l’organisme qui aura retenu le principe des règles de la comptabilité d’engagement. Ce sera le cas lorsque l’entité aura comptabilisé des subventions ou financement à recevoir provenant de l’étranger ou, encore, du mécénat dont une partie n’est pas versée à la clôture de l’exercice. De même, les promesses de dons non-encore encaissées ou les libéralités à recevoir grevées de conditions suspensives ne seront introduites qu’à leur encaissement. Dans ce cas, l’organisme devra concevoir un état de rapprochement lui permettant de coordonner les montants comptabilisés et les montants portés sur l’EAR afin de s’assurer qu’il n’y ait pas de doublon avec l’exercice suivant.

Pour conclure

Les comptes ouverts à compter de l’exercice 2023 ont manifestement permis aux organismes concernés de se mettre en ordre avec cette nouvelle obligation de fournir une information sur les avantages et ressources en provenance de l’étranger. La grande majorité des cas a pu être traitée sans difficultés car les situations qui se présentent aux organismes sont simples, peu volumineuses et habituelles. Là où le doute s’installe concerne les situations particulières et exceptionnelles pour lesquelles un dialogue relatif au traitement de l’information doit nécessairement faire appel à des échanges avec vos conseils habituels que sont votre expert-comptable ou votre commissaire aux comptes. Les instances de ces deux professions agissent de concert avec les pouvoirs publics pour répondre aux cas particuliers et diffuser des guides et avis techniques éclairants permettant de répondre aux questions délicates.

Auteur(s) :

Philippe Guay

Expert-comptable, commissaire aux comptes, spécialisé ESS

Philippe est un expert-comptable et commissaire aux comptes qui a accompagné pendant de nombreuses années de multiples associations, fonds et fondations.

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