Fonds de dotation - Fondation
Date de publication : 09/11/2023
Philippe Guay
Les fonds et fondations perçoivent des ressources issues de leurs dotations, libéralités ou campagnes d’appel à la générosité. Selon leur objet et leurs statuts, il convient pour ces organismes de procéder à une utilisation de ces ressources, soit en organisant eux-mêmes de manière opérationnelle l’utilisation de ces fonds, soit en les confiant à d’autres entités d’intérêt général qui sont venues les solliciter pour bénéficier de financements destinés à réaliser des projets spécifiques qui s’inscrivent dans le même objet. Focus sur des organisations et systèmes réglementés qu’il convient de respecter.
Les fonds de dotation et fondations peuvent organiser et gérer eux-mêmes leurs projets dans le cadre de l’accomplissement de l’objet de leurs statuts. Dans ce cas, on dit qu’ils sont opérationnels. Une autre orientation de leurs actions veut qu’ils confient leurs actions à d’autres opérateurs ou organismes d’intérêt général. Alors, on dit qu’ils sont redistributeurs.
La notion de fonds redistributeur est clairement définie pour les fonds de dotation instaurés par la loi du 4 aout 2008. En revanche, cette notion n’existe que partiellement pour quelques fondations reconnues d’utilité publique, et pas du tout pour les fondations d’entreprise. Dans l’esprit du Conseil d’Etat, une fondation n’est pas un organisme redistributeur. Contrairement à d’autres organismes, comme le fonds de dotation par exemple, elle n’est pas habilitée à redistribuer les sommes qu’elle a reçues, que ce soit dans le cadre de sa dotation, de son objet ou d’une campagne d’appel à la générosité du public.
De même, à l’instar de certaines associations reconnues d’utilité publique « relais » (il s’agit notamment de celles qui ont la forme fédérative) qui sont habilitées à recevoir des donations et legs pour le compte de leurs adhérents qui ne disposent pas de la grande capacité juridique, seules les fondations autorisées au titre de l’article 5 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat, bénéficient de ce dispositif leur permettant de recevoir des legs pour le compte d’autres entités. C’est le cas également des fondation abritantes.
Hormis le cas particulier évoqué ci-dessus, les fondations sont obligatoirement opérationnelles, c’est-à-dire qu’elles décident, gèrent et contrôlent l’orientation et l’utilisation des financements qu’elles attribuent conformément à leur objet social et leur organisation (comités d’orientation, de sélection des projets, etc..) et ce, dans le respect de la volonté des donateurs.
Dans ce contexte, il semble indispensable que l’organisme se dote d’une organisation et d’un système de contrôle interne fiable et efficace qui lui permette de vérifier et rendre compte à tout moment de l’utilisation des fonds qu’il a reçu pour financer les projets qu’il s’est engagé à financer.
Hormis quelques cas particuliers de grandes fondations à objet généraliste et d’envergure nationale, comme on vient de le voir, les fondations reconnues d’utilité publique ne bénéficient pas de la capacité à redistribuer les fonds qu’elles reçoivent, qu’il s’agisse de fonds publics ou de fonds provenant de collectes auprès de la générosité du public.
Elles ont donc plutôt tendance à avoir la qualité d’être opérationnelles. Dans ce cas, la fondation est responsable et gestionnaire des projets qu’elle finance grâce à ses ressources.
Lorsque la fondation bénéficie d’une structure suffisante pour mener et réaliser seule ses projets parce qu’elle en a la capacité et les compétences, son organisation interne doit satisfaire à garantir la bonne exécution des décisions prises par le conseil d’administration. Ce dernier peut, en cas de besoin, déléguer le suivi de la réalisation des projets à une commission ad hoc qui lui rendra compte à tout moment.
Toutefois, rien ne l’empêche, pour réaliser ce projet, de faire appel à d’autres prestataires compétents spécialisés dans les domaines nécessaires à la bonne réalisation du projet. Cette sous-traitance doit être organisée, gérée et pilotée par les instances dirigeantes de la fondation. En effet, la fondation garde la responsabilité du projet.
Pour mettre en œuvre ces projets, la fondation peut lancer des consultations et appels à contribution visant à sélectionner les différents candidats à la réalisation du projet. Cette soumission peut être organisée selon les critères bien connus des appels d’offres avec mise en concurrence. Pour cela, et selon l’importance du projet, la fondation peut se doter d’un organe distinct qui aura pour mission de définir les projets, concevoir l’appel à candidature, sélectionner le meilleur candidat et contrôler l’exécution de la commande. Et, bien entendu, rendre compte du déroulement des opérations au conseil d’administration qui reste décisionnaire en la matière.
Dans un cas comme dans l’autre, l’organisation administrative et le contrôle interne mis en place doivent permettre de satisfaire aux différents contrôles éventuels qui peuvent être exercés sur la fondation. S’agissant de fonds publics ou issus du public, la législation exige que les fondations soient soumises tant aux contrôles d’un commissaire aux comptes que d’organismes habilités tels que l’IGAS ou la Cour des comptes. La fondation doit, alors, avoir la capacité à fournir tous les documents demandés et répondre aux demandes d’explications qui seront diligentées sur ses actions.
Il en est de même lorsque la fondation abrite sous son égide une ou plusieurs fondations. Dans ce cas, l’organisation administrative et comptable doit être suffisamment adaptée pour distinguer les dotations, patrimoines et flux revenant à chaque fondation abritée.
Les caractéristiques de fonctionnement du fonds de dotation opérationnel sont les même que celles exposées supra en matière de fondation reconnue d’utilité publique. La définition de la gouvernance étant plus souple et moins contraignante, nous recommandons qu’elle intègre les mêmes exigences en termes d’organisation et de contrôle afin que les dirigeants bénéficient d’une certaine tranquillité d’esprit.
Tout comme la fondation reconnue d’utilité publique, le fonds de dotation opérationnel est responsable des projets dont il est l’organisateur, l’exécuteur et le financeur à partir des ressources qu’il a reçues dans le contexte de son objet d’intérêt général. Ses réalisations sont approuvées par le conseil d’administration et présentées dans son rapport d’activité.
Le fonds de dotation peut servir de « réservoir » à mécénat. Cette caractéristique est une réelle nouveauté introduite par la loi LME du 4 août 2008. Dans ce cas, on parle de « fonds redistributeur ».
En créant le fonds de dotation, le législateur de 2008 a introduit une notion nouvelle de fonds de flux dont la principale caractéristique repose sur la capacité, pour un organisme, « de redistribuer les produits de sa collecte ou de ses revenus pour assister une personne morale à but non lucratif dans l’accomplissement de ses œuvres et de ses missions d’intérêt général » (art.140-I, loi LME n° 2008-776 du 4 août 2008). Une instruction fiscale valide ce dispositif et précise les conditions à respecter (BOI-IS-CHAMP-10-50-30-50).
Pour cela, il convient de respecter quelques caractéristiques qui sont essentielles et incontournables. En effet, qu’il soit opérationnel ou redistributeur, les activités du fonds de dotation doivent impérativement évoluer dans un environnement d’intérêt général et le rester. Cette condition est fondamentale, elle a été reprise comme condition sine qua non par l’administration fiscale pour que les donateurs et mécènes puissent bénéficier des avantages fiscaux attachés aux dons et libéralités qu’ils consentent. Ainsi, un fonds de dotation ne peut pas mettre en œuvre ou financer un projet qui porterait profit à une entreprise commerciale ou à une activité lucrative.
Lorsqu’il est redistributeur, le fonds de dotation finance un projet dont la charge et la responsabilité sont portés par un organisme qui est, lui-même, d’intérêt général. Il appartient à cet organisme d’attester auprès du fonds de dotation qu’il détient bien cette qualité d’intérêt général.
Pour cela, le fonds de dotation ne pourra pas effectuer de financement auprès de cet organisme tant que celui-ci ne lui aura pas remis l’attestation correspondante. Ce n’est pas au fonds de dotation de démontrer que l’organisme, auquel il reverse des fonds, revendique la qualité d’intérêt général. L’attestation est émise par les dirigeants de l’organisme bénéficiaire, sous leur responsabilité. Mais elle est indispensable.
Nous recommandons que toute aide financière versée par un fonds de dotation dans le cadre de sa qualité d’organisme redistributeur fasse l’objet d’une convention écrite présentant les parties, décrivant le projet financé, les modalités de versement et prévoyant l’exigence d’un compte-rendu d’exécution. En effet, par la suite, le fonds de dotation doit pouvoir rendre compte, comme pour les fondations et fonds opérationnels, de l’utilisation des sommes qu’il a collectées. Et redistribuées dans le cadre de son objet d’intérêt général.
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La distinction entre fonds opérationnel et redistributeur, introduite par les textes sur le fonds de dotation, est novatrice. Elle ne s’applique qu’aux fonds de dotation. Ainsi, convient-il de s’interroger sur la transposition de cette doctrine aux fondations d’entreprise. La fondation d’entreprise reçoit un engagement pluriannuel de financement par l’entreprise fondatrice. Il lui appartient d’utiliser ce programme, de manière « opérationnelle », en fonction des prévisions budgétaires qui auront été approuvées par son conseil d’administration. On voit bien, ici, que la réglementation qui régit le fonctionnement de la fondation d’entreprise se distingue de la notion de fonds « relais » introduite bien plus tard avec le fonds de dotation, cette dernière étant exclusive et ne pouvant s’appliquer qu’au fonds de dotation. La distinction est subtile et doit rester maitrisée par l’organe délibérant de la fondation d’entreprise, même si, pour mener à bien les missions qu’elle se propose de réaliser, cette dernière fait appel à d’autres organismes à but non lucratif ayant les caractéristiques d’intérêt général.
Le caractère opérationnel et la responsabilité des engagements, doivent rester confiés à la fondation d’entreprise qui prend l’initiative des missions qu’elle décide de conduire. Au cas particulier, sa relation avec les organismes dont elle utilise les services est analogue à une relation de « sous-traitant » qui s’inspirerait du secteur lucratif et qui est parfaitement transposable dans une telle situation.
Une fondation d’entreprise qui se comporterait en organisme « relais », à l’instar de ce qu’on observe pour les fonds de dotation, et redistribuerait les produits de ses ressources, composées de l’exécution du programme d’action pluriannuel ou d’autres revenus, entrainerait inévitablement la remise en cause du régime fiscal de faveur du mécénat dont bénéficie l’entreprise fondatrice ou les salariés de cette même entreprise qui auront choisi d’orienter leurs dons vers elle.
La fondation d’entreprise a tout intérêt à observer les prescriptions et modes de fonctionnement qui sont attachés à son statut, tout en respectant le sens de son objet fondateur, notamment en conservant l’initiative et la maitrise des actions qu’elle engage.
A consulter :
Quelle structure juridique pour accueillir le mécénat des entreprises ?
Lorsque les activités de l’organisme contribuent à favoriser le développement de la recherche en sciences médicales, sociales ou humaines, il convient que ce secteur figure nécessairement au nombre des missions statutaires de l’entité que ce soit une association, une fondation ou un fonds de dotation.
Fréquemment mis en avant dans sa communication en direction des donateurs potentiels, ce secteur particulier et spécifique peut occuper une place significative dans le compte d’emploi des ressources de celle-ci. C’est pourquoi, il doit faire l’objet d’une organisation solide, sans reproches, transparente et appuyée sur des procédures fiables, identifiées et contrôlables.
Le comité scientifique est un organe de gouvernance distinct prévu qui s’insère dans la gouvernance de l’organisme qui le met en place. Bien souvent, il est fait appel à des personnes qualifiées dont les compétences sont reconnues pour mettre en œuvre la sélection des programmes de recherche dont le financement sera proposé au conseil d’administration du fonds ou de la fondation. Le comité scientifique garde un rôle consultatif ; il propose et oriente les choix du conseil d’administration sur ses programmes de recherche.
Il est recommandé que l’existence du comité scientifique soit prévue par les statuts. A minima, ces derniers devront prévoir et définir sa composition et ses attributions, le nombre de ses membres et la durée de leur mandat. Le fonctionnement du comité scientifique peut faire l’objet d’un chapitre à part entière d’un règlement distinct des statuts afin de ne pas alourdir ces derniers. Toutefois, ce règlement devra organiser les modalités de fonctionnement du comité scientifique (procès-verbaux, présidence, prises de décisions, suffrages, etc.). Par la suite, le comité scientifique doit établir son propre règlement afin de s’assurer un mode de fonctionnement autonome et convenu par tous ses membres.
Le formalisme doit être strict et permettre une très bonne « traçabilité » des choix et décisions pris par le comité scientifique. Tout membre susceptible d’être directement ou indirectement intéressé par les choix prononcés ou les décisions prises doit se désister ou se retirer des délibérations. Il convient de veiller à ce que ces désistements soient bien notés afin que nul reproche ne leur soit opposé par la suite.
Le comité scientifique doit déterminer sa politique d’action dans les attributions de bourses ou de financements de projet et la soumettre à l’approbation du conseil d’administration (selon les dispositions statutaires de l’organisme).
Cette politique d’attribution doit être orientée en fonction de plusieurs critères selon le nombre de chercheurs engagés, la durée potentielle des actions à soutenir et la pertinence des choix à opérer.
L’entité doit définir avec suffisamment de précision et de pertinence les thèmes de recherche sur lesquels porte son appel d’offres chaque année. Il convient de bien penser à faire la distinction entre « jeunes chercheurs » et « chercheurs confirmés ». Les demandes de bourses doivent être expertisées par le comité scientifique dans des délais prévus par la procédure établie par le comité lui-même.
Dans l’organisation, les prérogatives respectives du conseil d’administration et du comité scientifique doivent être clairement définies.
En ce qui concerne la composition des jurys d’attribution des bourses, le règlement doit préciser comment sont gérés les éventuels conflits d’intérêt qui peuvent surgir lorsque les demandes de bourses concernent directement ou indirectement des membres du comité scientifique ou de laboratoires partenaires de l’organisme.
Le processus de renouvellement doit faire l’objet d’une procédure particulière qui ne peut s’appuyer que sur l’examen attentif de plusieurs critères comme l’état d’avancement de la recherche engagée, l’examen du compte rendu d’activité, la désignation d’un groupe de diagnostic intermédiaire, la mise en place d’une commission de renouvellement ou encore la fréquence des renouvellements.
Tout ceci ne constitue que des suggestions. La fréquence des renouvellements de bourses, l’attribution au vu du développement du travail en cours, témoignent de la pertinence à soutenir un travail de recherche nécessitant une certaine durée.
Il est recommandé que le comité scientifique mette en place un processus de suivi dans la publication des résultats de recherches qu’il a financées par l’attribution de bourses. C’est un minimum ! L’organisme se doit de rendre compte « jusqu’au bout » à ses donateurs de l’utilisation des fonds dispensés à la recherche. Il lui est recommandé de mettre en place un travail « d’évaluation » portant sur le devenir des boursiers ayant reçu des aides ainsi que les résultats des travaux de recherche financés.
Pour aller plus loin :
Associations, fondations, fonds de dotation : dans quels cas devez-vous nommer un commissaire aux comptes ?
Philippe Guay
Expert-comptable, commissaire aux comptes, spécialisé ESS
Philippe est un expert-comptable et commissaire aux comptes qui a accompagné pendant de nombreuses années de multiples associations, fonds et fondations.