Fonds de dotation - Fondation
Date de publication : 11/10/2023
Philippe Guay
Les fonds de dotation sont plébiscités autant par les particuliers que par les personnes morales. Cette structure juridique connait une réglementation spécifique qui s’intensifie. Les interrogations de plus en plus fréquentes amenées par la législation récente sont l’occasion parfaite de faire une FAQ spéciale fonds de dotation !
Les universités d’été et autres conférences d’automne permettent, chaque année, aux professionnels et spécialistes de l’économie sociale de se rencontrer pour échanger sur des questions techniques et l’actualité des associations, fondations et fonds de dotation.
La modernisation récente des textes relatifs aux fonds de dotation (loi séparatisme du 24 août 2021) a renforcé la sécurité et le contrôle de ces organismes. Ces nouveautés introduisent de nouvelles interrogations que nous souhaitons évoquer dans cette rubrique sous forme d’un « questions-réponses » argumenté et commenté.
Un fonds de dotation peut être créé par une ou plusieurs personnes physiques, une ou plusieurs personnes morales (publiques ou privées).
La création d’un fonds de dotation par une personne publique seule n’est pas possible car la loi exige la constitution d’une dotation initiale minimale de 15.000 euros versée en numéraire.
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La dotation est soit consomptible, soit, non consomptible. Dans le silence des statuts, la dotation est réputée « non consomptible ». Il n’est pas admis qu’une dotation soit « partiellement consomptible ».
La dotation n’a pas vocation à être consommée (sauf si les statuts le prévoient). Elle est constituée des dotations en capital apportées au fonds. Les dons et legs ont également vocation à être intégrés directement à la dotation. Seuls ceux qui sont issus d’un appel à la générosité du public sont considérés comme des ressources du fonds, et peuvent donc être consommés sans incorporer la dotation.
Les ressources peuvent être librement consommées par le fonds de dotation, et sont constituées des revenus de la dotation, de la partie de la dotation consomptible affectée aux financements des activités du fonds, des produits des activités autorisées par les statuts et des produits des rétributions pour service rendu.
La détention d’un immeuble n’est pas d’intérêt général.
C’est l’utilisation des revenus que le fonds en tire qui doit être d’intérêt général (par exemple : financement de projets sociaux éducatifs, financements d’actions d’insertion, lutte contre l’illettrisme, actions humanitaires, etc.). Il faut garder cette caractéristique en tête et cela doit consacrer le but essentiel de l’objet du fonds.
Par ailleurs, en tant que propriétaire, le fonds doit se comporter en « bon gestionnaire » de son patrimoine immobilier et constituer des réserves suffisantes pour maintenir en état ses immeubles et les entretenir (réserve pour investissements et gros entretiens).
Les dispositions de l’article L. 820-4, 1° du Code de commerce qui sanctionnent le président d’une société ou d’une association, par exemple, ne s’appliquent pas aux fonds de dotation. Cette jurisprudence vient d’être confirmée par un arrêt de la Cour de cassation (Cass. crim. 18 janvier 2023, n° 21-86091).
Rappelons, toutefois, que le commissaire aux comptes doit disposer des comptes et du rapport d’activité 45 jours avant la tenue du conseil d’administration qui doit les approuver (décret n°2009-158 du 11 février 2009 relatif aux fonds de dotation, article 3 al. 1er).
A découvrir : Fonds de dotation, qui arrête les comptes, qui les approuve ?
Pour calculer les honoraires du commissaire aux comptes d’un fonds de dotation, il doit être fait application du barème prévu à l’article R.823-12 du Code de commerce, comme pour les sociétés commerciales. Il n’existe aucune dérogation à l’application de ce barème.
Le fonds de dotation peut recevoir et gérer, notamment en les capitalisant, des biens et droits de toute nature et utiliser les revenus de la capitalisation en vue de la réalisation d’une œuvre ou d’une mission d’intérêt général.
Le fonds de dotation peut :
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La mise à disposition de personnels, biens ou équipements dont le fonds de dotation bénéficie peut prendre différentes formes :
Dans tous les cas, il est fortement recommandé de rédiger une convention décrivant toutes les caractéristiques de ces mises à disposition et leurs modalités de prises en charge.
Il convient, enfin, de rappeler que « tout apport indirect par prêt gratuit de personnel, de locaux ou de moyens quelconques par une collectivité publique, constitue un financement interdit ».
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Aucun texte officiel (article 140 de la loi LME ou décret du 11 février 2009) ne précise si les dispositions relatives à la création d’un comité consultatif s’appliquent à tous les fonds de dotation quelle que soit la nature de leurs dotations.
La modification apportée au décret à la suite de la loi séparatisme du 24 août 2021, en mettant au pluriel le terme « dotations », permet de considérer toutes les dotations qui touchent la vie du fonds de dotation, la dotation « initiale » et les « dotations complémentaires » éventuelles reçues par la suite.
On peut penser que cet article 2 du décret peut ne s’appliquer qu’aux fonds dont la dotation n’est pas consomptible (ceux qui sont dans l’esprit originel du législateur). En effet, quel serait l’intérêt de créer un comité consultatif pour un fonds à dotation consomptible dès lors que la dotation serait consommée dans des délais très brefs !
Dans la mise à jour introduite par le décret n°2022-813 du 16 mai 2022 modifiant le décret n°2009-158, la réglementation exige, désormais, que le rapport d’activité précise la liste des libéralités reçues, leurs montants et les personnes émettrices de ces libéralités, la dénomination, l’adresse du siège social, l’adresse électronique, les coordonnées téléphoniques et la nature des personnes morales bénéficiaires des redistributions et les montants des redistributions versées.
Toutefois, cette exigence n’est prévue que pour le rapport d’activité qui n’est diffusé qu’à l’autorité administrative (préfecture) et aux membres du conseil d’administration (pour approbation). Les autres documents de communication (rapport annuel, annexe aux comptes) peuvent être anonymes.
A lire : Fonds de dotation : des dons anonymes, pas si anonymes !
Le fonds de dotation qui fait appel à la générosité publique est soumis aux mêmes obligations que tous les organismes qui organisent des campagnes d’appel à dons.
Il doit établir une déclaration de la campagne auprès de la préfecture du département de son siège social. Cette obligation de déclaration s’applique dès lors que le montant des dons collectés dépasse le seuil de 153.000 euros (décret n°2019-504 du 22 mai 2019).
Il doit présenter un CROD et d’un CER à l’appui de ses comptes annuels conformément aux dispositions du règlement ANC n°2018-06 du 5 décembre 2018. La présentation du CER est obligatoire dès le premier euro collecté dans ce contexte (il n’y a pas de seuil).
Le fonds de dotation alimenté par des dons issus de la générosité du public établit chaque année des comptes qui comprennent un bilan, un compte de résultat et une annexe. L’annexe comporte le compte d’emploi annuel des ressources collectées auprès du public. Faisant partie intégrante de l’annexe aux comptes annuels, ces tableaux entrent dans le champ du contrôle et de la certification du CAC.
La loi séparatisme a introduit une nouvelle obligation pour les fonds de dotation en les contraignant à établir et publier un « état des avantages et ressources provenant de l’étranger » conformément à l’application de l’article 4-2 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat.
Comme pour le CER, cette réglementation s’applique sans condition de seuil (dès le premier euro collecté). Pour établir ce document, le fonds de dotation appliquera les dispositions du règlement ANC n°2022-04 du 30 juin 2022. Faisant partie intégrante de l’annexe aux comptes annuels, l’EAR entre dans le champ du contrôle et de la certification du CAC.
Le fonds peut faire appel à la générosité du public après autorisation administrative. Il s’agit d’un régime dérogatoire à la loi n°91-772 du 7 août 1991 relative au congé de représentation en faveur des associations et des mutuelles et au contrôle des comptes des organismes faisant appel à la générosité du public.
Le dossier de demande d’autorisation d’appel à la générosité du public est envoyé, par lettre recommandée avec avis de réception, au préfet du département dans lequel le fonds de dotation a son siège social, et à Paris, au préfet de Paris.
Ce dossier doit contenir la mention des objectifs poursuivis par l’appel à la générosité du public ainsi que les périodes et modalités d’organisation de la campagne d’appel à la générosité du public. Par retour, le préfet publie un arrêté d’autorisation valable pour un an (qu’il convient de renouveler, annuellement).
Le préfet peut, dans différents cas, refuser de donner cette autorisation notamment, lorsqu’un membre du conseil d’administration a fait l’objet, depuis moins de cinq ans, d’une condamnation relative à des activités professionnelles, financières ou frauduleuses, ou lorsque le fonds de dotation a fait l’objet d’une mesure de suspension ou n’a pas transmis ses documents annuels au préfet (comptes, rapport d’activité, rapport éventuel du CAC et EAR), ou lorsque l’appel à la générosité du public n’entre pas dans les prévisions de l’article 3 de la loi du 7 août 1991.
Pour jouir de la personnalité morale, le fonds de dotation doit publier, au Journal officiel, la déclaration de création faite en préfecture.
Le fonds de dotation établit chaque année des comptes qui comprennent un bilan, un compte de résultat et une annexe. Ces comptes annuels sont publiés sur le site internet de la direction de l’information légale et administrative dans les six mois suivant la clôture de l’exercice. L’absence de communication de ces comptes peut constituer un dysfonctionnement grave. Le fonds de dotation doit adresser à l’autorité administrative, dans les six mois qui suivent la date de clôture de ses comptes, les comptes annuels, le rapport d’activité et le rapport éventuel du commissaire aux comptes (en lettre recommandée avec AR). Enfin, l’acte de dissolution du fonds doit faire l’objet d’une publication au Journal Officiel.
A revoir :
Appel à la générosité publique : les points d’attention
Philippe Guay
Expert-comptable, commissaire aux comptes, spécialisé ESS
Philippe est un expert-comptable et commissaire aux comptes qui a accompagné pendant de nombreuses années de multiples associations, fonds et fondations.