Fonds de dotation - Fondation, Mécénat
Date de publication : 07/01/2022
Philippe Guay
Solène Girard
A l’origine pensé par le gouvernement pour mettre en place le projet de construction du Louvre à Abu Dhabi, le fonds de dotation est devenu une structure philanthropique qui connaît un succès certain depuis plus de 10 ans. L’article 140 de la loi LME (loi de modernisation de l’économie) du 4 août 2008 a dressé le contour de ce qu’est cette personne morale innovante qui permet de financer ou de mettre en œuvre des projets d’intérêt général. Alors que le nombre de créations a dépassé les 4 000 fonds de dotation au 31 mars 2021, on observe que le rythme des initiatives reste soutenu avec la naissance de presque un fonds par jour calendaire. Le niveau des disparitions atteint environ 10 % puisque le site de la DILA affiche un peu plus de 450 radiations depuis la promulgation de la loi.
Les mécènes et philanthropes privés en sont friands puisque le fonds de dotation leur permet de garder la main sur la structure juridique, l’œuvre d’intérêt général et la gestion de la dotation. Ils représentent ainsi plus de 16 % de fonds constitués à ce jour. Les associations en créent, elles aussi, le plus souvent pour structurer leurs activités d’intérêt général. Elles sont les plus nombreuses et représentent 57 % des créations.
Quant aux entreprises, elles préfèrent souvent les fonds de dotation à la fondation d’entreprise pour animer leur engagement sociétal dans le cadre d’une structure souple et moins contraignante. Le nombre de fonds constitués par des entreprises est de l’ordre de 17 % des créations.
Enfin, les collectivités publiques choisissent d’ajouter cette structure à leur environnement habituel pour animer une mission d’intérêt général en lien avec leur territoire. 10 % des fonds de dotation résultent de cette volonté des collectivités d’associer une initiative privée à leur politique publique.
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« Le fonds de dotation est une personne morale de droit privé à but non lucratif, qui reçoit et gère, en les capitalisant, des biens et des droits de toute nature qui lui sont apportés à titre gratuit et irrévocable, et utilise les revenus de la capitalisation en vue de la réalisation d’une œuvre ou d’une mission d’intérêt général ou les redistribue pour assister une personne morale à but non lucratif dans l’accomplissement de ses œuvres ou de ses missions d’intérêt général » (article 140 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008).
En rappelant cette définition initiale de la loi, il convient de souligner que, par sa simplicité, le fonds de dotation a vocation à favoriser le développement du mécénat en permettant à la structure juridique de s’effacer devant le projet. Aux termes de l’article 140 de la loi LME, le fonds de dotation présente les caractéristiques suivantes :
Le fonds de dotation peut être créé par une ou plusieurs personnes physiques ou morales de droit privé, pour une durée déterminée ou indéterminée. Des personnes publiques peuvent également en créer principalement pour effectuer des collectes de fonds privés et mettre en œuvre des projets à dynamique collective confiés à des politiques publiques complémentaires à celles des collectivités. Sa mise en place est assez simple puisque le ou les fondateurs n’ont qu’une déclaration à faire en préfecture accompagnée des statuts du fonds qui sont rédigés librement. Il faut environ un mois pour constituer un fonds de dotation. Il bénéficie de la personnalité morale à compter de la date de sa publication au Journal officiel.
Le rédacteur des statuts n’est confronté à aucune exigence légale ou règlementaire, mais il doit s’attacher à respecter des mentions essentielles permettant d’assurer une définition claire et compréhensible de l’objet poursuivi par le fonds de dotation et des moyens qui lui seront confiés pour l’accomplissement et le développement de son objet. À la simple lecture des articles qui traitent de l’objet et des moyens, le lecteur doit avoir l’assurance que le fonds a été conçu pour garantir la poursuite d’une action d’intérêt général, avec une mission « opérationnelle » ou « redistributrice ».
Pour le reste, comme pour tout organisme de droit privé à but non lucratif, la rédaction des statuts doit faire état de l’organisation du fonds, de son fonctionnement et de sa gouvernance. C’est à ce niveau qu’on appréciera, selon la nature du projet, l’implication plus ou moins grande du ou des fondateurs dans la gestion quotidienne du fonds et de sa dotation.
La loi n°2021-1109 du 24 août 2021, confortant le respect des principes de la République renforce le contrôle de l’autorité administrative sur la création et le fonctionnement des fonds de dotation. Ainsi, pour toute création, l’autorité administrative (la préfecture du département du siège) doit s’assurer de la conformité de l’objet du fonds avec les dispositions du caractère d’intérêt général et non lucratif de ses activités. Tant que l’autorité administrative ne peut avoir cette assurance, elle est en droit de refuser l’inscription du fonds au journal officiel et par conséquent de sursoir à sa création tant que les statuts ne seront pas conformes aux dispositions de l’article 140 (modifié) de la loi LME.
Depuis 2015, une dotation initiale minimale de 15 000 € doit être versée en numéraire. En principe, le versement doit être réalisé lors de la constitution du fonds de dotation. Néanmoins, les textes ne prévoient aucun délai pour que cette obligation soit remplie. L’inobservation de cette obligation légale constitue un dysfonctionnement grave qui peut amener le préfet du département dans lequel le fonds de dotation a son siège social à engager une suspension d’activité du fonds, voire sa dissolution. En 2018, un fonds de dotation s’est ainsi vu sanctionner d’une suspension d’exercer de six mois.
La loi impose un cadre minimum pour le mode de gouvernance du fonds de dotation. Il est administré par un conseil d’administration qui comprend au moins trois membres nommés, la première fois, par le(s) fondateur(s), avec désignation d’un président.
Comme pour les fondations, c’est le conseil d’administration qui est l’organe délibérant et qui prend les décisions ultimes. Il vote et approuve, chaque année, le rapport d’activité et les comptes annuels dans le délai de six mois après la date de clôture de l’exercice. Pour assurer la transparence financière, la loi exige que les comptes annuels soient publiés sur le site Internet de la DILA au plus tard six mois après la date de clôture des comptes.
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Les ressources du fonds de dotation sont variées. Comme les associations, il peut recevoir des dons manuels. Et, à l’instar des fondations et associations reconnues d’utilité publique, il dispose également de la grande capacité et peut percevoir des donations et des legs. En revanche, un fonds de dotation ne peut pas bénéficier de fonds publics sous quelque forme que ce soit (en numéraire ou en nature), sauf autorisation ministérielle expresse.
Le fonds peut détenir et gérer tout type de biens meubles (mobilier, actifs financiers) et immeubles. Il peut aussi recevoir des dotations en contrepartie de patrimoines immatériels comme des droits d’auteurs, droits d’image, etc. Le fonds de dotation peut faire appel à la générosité publique. Il devra, dans ce cas, établir une demande d’autorisation préalable adressée à l’autorité administrative.
Le fonds de dotation doit avoir un objet d’intérêt général. Pour le mettre en œuvre, plusieurs modalités sont envisageables :
Ce choix doit impérativement être précisé dans les statuts.
Le fonds de dotation peut consommer sa propre dotation pour financer les opérations affectées à la réalisation de son objet. Cette consommation est accessible à tout type de fonds de dotation, qu’il soit opérationnel ou redistributeur.
Ainsi, les fonds de dotation se répartissent en deux catégories :
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Le fonds de dotation est un organisme sans but lucratif qui bénéficie des mêmes exonérations fiscales que les associations, s’il respecte les conditions posées par la loi et l’administration fiscale, c’est-à-dire que sa gestion est désintéressée et qu’il n’exerce pas d’activité concurrençant les structures du secteur commercial. S’agissant des revenus patrimoniaux qui restent imposables pour les organismes sans but lucratif (déclaration n° 2070), les fonds de dotation dont la dotation n’est pas consomptible sont exonérés de cette imposition.
Les dons et legs consentis aux fonds de dotation sont exonérés de droit de mutation à titre gratuit.
L’administration fiscale est exigeante en ce qui concerne les conditions requises pour qu’un fonds de dotation redistributeur puisse recevoir des dons et du mécénat ouvrant droit à avantage fiscal pour ses donateurs. Elle en a rappelé les conditions dans le cadre d’un rescrit qu’elle a publié au BOFiP (BOI-RES-BIC-000069-17/02/2021 concernant les fonds de dotation) :
« Ne peuvent bénéficier des dispositions de l’article 200 du CGI et de l’article 238 bis du CGI, les libéralités qui, en contravention des dispositions de l’article 140 de la loi n° 2008 776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, seraient redistribuées sans être incorporées à la dotation ou qui seraient incorporées à une dotation ne générant aucun produit. »
Ainsi, l’administration fiscale considère :
1 – que tous dons ou libéralités doivent être affectés à la dotation (hormis ceux qui sont issus de campagnes d’appel à la générosité du public autorisées et pour lesquelles le conseil d’administration n’a pas modifié la disposition légale d’affectation en ressources du fonds) ;
2 – que les redistributions opérées par le fonds doivent également comprendre les produits financiers issus de la gestion de cette dotation.
Il convient d’en conclure que tous les fonds de dotation redistributeurs doivent, s’ils entendent bénéficier du régime fiscal de faveur du mécénat et en faire bénéficier leur donateurs et mécènes, réaliser un minimum de placements de leur trésorerie et en tirer quelques produits financiers.
Lesquels devront obligatoirement être affectés à la dotation consomptible (ou dans une réserve à redistribuer).
En ce qui concerne les obligations comptables, le texte de loi est relativement succinct. Les règles comptables applicables sont bien souvent précisées dans les statuts. Elles renvoient à l’application du règlement comptable relatif aux comptes annuels des personnes morales de droit privé à but non lucratif ANC n° 2018-06 du 5 décembre 2018. Cela se concrétise par la présentation de comptes annuels comprenant un bilan, un compte de résultat et une annexe. Les fonds de dotation qui font appel à la générosité du public et sont concernés par les seuils visés par la loi du 7 août 1991 devront ajouter le compte de résultat par origine et destination et le compte d’emploi des ressources à ces documents.
En ce qui concerne la pratique comptable, le règlement apporte des précisions toutes particulières sur la comptabilisation de la consommation de la dotation qui s’effectue désormais a posteriori. C’est donc la dernière écriture à passer en fin d’exercice.
L’effet induit de cette disposition entraînera souvent la présentation d’un compte de résultat « sans résultat » puisque l’ensemble des charges nettes sera couvert par la part de dotation affectée à l’exercice. Même si le conseil d’administration s’est prononcé, en début d’année, sur un budget prévisionnel intégrant une tendance des charges et des financements d’opérations d’intérêt général à engager, c’est bien la consommation exacte de ces charges et financements qui sera compensée en fin d’exercice. Ainsi, le résultat présenté à la clôture de l’exercice sera nul, « 0 ». Un commentaire IR (infra-règlementaire) invite à fournir, dans l’annexe, des informations sur le suivi de la réalisation du plan de consommation ou du budget de consommation de la dotation arrêté par l’organe habilité, lorsque cette information s’avère pertinente.
Le fonds nomme au moins un commissaire aux comptes et un suppléant (lorsque cela s’avère nécessaire) dès que le montant total de ses ressources dépasse 10 000 € en fin d’exercice. Autant dire que le législateur a voulu ainsi confier au commissaire aux comptes un rôle de contrôle et d’appui indispensable auprès des fonds de dotation.
Le rapport d’activité des fonds de dotation est un document spécifique que ces derniers doivent établir chaque année avant de le communiquer au préfet de leur département. Il contient plusieurs mentions obligatoires dont certaines ont été récemment modifiées par la loi séparatisme.
Pour découvrir ce que doit comprendre le rapport d’activité, ainsi que les récents ajouts, consultez notre article dédié :
L’autorité administrative est exercée par la préfecture du département où est fixé le siège du fonds de dotation. 35 % des fonds de dotation ont leur siège à Paris, ce qui a contraint la préfecture de Police de Paris à créer un véritable service spécialisé pour ce type de structure juridique.
Les préfectures reçoivent et contrôlent les formalités administratives relatives à :
Les préfectures doivent aussi suivre l’assiduité des fonds de dotation dans leur obligation annuelle de transmission de leur rapport d’activité, leurs comptes annuels et le rapport du commissaire aux comptes.
Tous manquements à ces obligations constituent des dysfonctionnements graves pour lesquels la loi et le décret d’application ont prévu des sanctions. La loi du 24 août 2021 précitée renforce le pouvoir de police du préfet pour sanctionner les fonds de dotation qui n’obéiraient pas à ces règles.
L’article 4-2 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat est applicable aux fonds de dotation bénéficiant directement ou indirectement d’avantages ou de ressources versés en numéraire ou consentis en nature par une personne morale étrangère, par tout dispositif juridique de droit étranger comparable à une fiducie ou par une personne physique non-résidente en France.
Il en résulte que les fonds de dotation qui se trouvent dans cette situation seront tenus d’établir et de présenter un état séparé des avantages et ressources provenant d’un Etat étranger ou d’une personne morale étrangère. Cet état, joint à l’annexe des comptes annuels, fera partie du champ de certification du commissaire aux comptes.
Philippe Guay
Expert-comptable, commissaire aux comptes, spécialisé ESS
Philippe est un expert-comptable et commissaire aux comptes qui a accompagné pendant de nombreuses années de multiples associations, fonds et fondations.
Solène Girard
Responsable Nationale Marché Economie Sociale
Solène est Responsable nationale de la ligne de marché « Economie Sociale » chez In Extenso. Dans ce cadre, elle anime et coordonne le réseau pour le marché spécifique des associations et de l’économie sociale.