Comptabilité
Date de publication : 13/10/2022
Loïc Paul
Tenir une comptabilité pour une association apparaît comme une obligation incontournable afin de justifier de la situation financière de l’entité auprès de ses membres et de ses financeurs. Toutefois, entre simple suivi des encaissements / décaissements et mise en place d’une comptabilité normalisée, il est souvent difficile de savoir précisément quelles sont les réelles contraintes réglementaires.
Une réponse simple serait de se référer au texte fondateur, à savoir la loi du 1er juillet 1901. Or, cette loi, qui ne comprend que neufs articles généraux, ne traite pas de la gestion financière de l’association. Dans de nombreux statuts, il est indiqué que « le trésorier rend compte de sa gestion à l’assemblée générale ». Cependant, ceci ne permet pas de déterminer la nature et les méthodes de comptabilisation qui doivent être retenues.
Peut-on en conclure que l’association peut s’affranchir de toute comptabilité normalisée ?
Cette conclusion serait hâtive car il est nécessaire de pouvoir justifier de l’activité financière de l’association pour diverses raisons :
Aucun cadre comptable spécifique n’était défini avant un avis du Conseil national de la comptabilité (CNC)du 17 juillet 1985 mais qui n’a pas reçu de décret d’application.
Depuis, la comptabilité associative a été définie dans le règlement CRC n°99-01 du Comité de la réglementation comptable puis par le règlement ANC n°2018-06 pris par l’Autorité des normes comptables qui s’applique désormais à tous les exercices comptables ouverts depuis le 1er janvier 2020.
Lorsque ce règlement n’indique pas de disposition spécifique, ce sont celles du plan comptable général qui doivent être retenues (règlement ANC n°2014-03 consolidé).
Cette règlementation comptable ne s’applique toutefois qu’aux structures visées par une obligation légale ou règlementaire d’établir des comptes annuels, puisque la loi du 1er juillet 1901 n’impose pas de façon générale cette obligation.
Ce sont des textes spécifiques qui imposent le respect de cette règlementation, notamment :
A cette liste de structures pour lesquelles le respect du règlement ANC 2018-06 s’impose, il faut également ajouter :
Si l’association n’est pas soumise à cette obligation de respect de la règlementation comptable, elle est alors libre d’organiser son suivi. Il existe deux méthodes : la comptabilité en partie simple et la comptabilité de trésorerie.
Il s’agit dans ce cas d’enregistrer les dépenses et les recettes de l’association au fur et à mesure de leur réalisation.
Il n’est pas fait état des créances et des dettes dans ce système, toutefois un rapprochement bancaire est à établir pour constater le décalage entre la dépense engagée et sa traduction dans la trésorerie ou entre la perception des recettes (remise de chèques par exemple) et leur inscription sur le relevé bancaire.
Cette comptabilité se distingue de la précédente par le fait qu’elle ne prend en compte que les mouvements effectivement constatés en trésorerie que ce soit en caisse (espèces) ou sur la banque de l’association.
Cette méthode est une simplification de la tenue quotidienne de la comptabilité de l’association mais nécessite en fin d’exercice de recenser les recettes et les dépenses qui ont été engagées (chèque émis par exemple) mais pas encore porté sur le relevé bancaire afin de connaitre la situation réelle de trésorerie de l’association.
Pour ces raisons, ces systèmes de comptabilités ne doivent être réservés que pour des petites structures ne présentant pas d’opérations complexes ni de décalage important entre l’engagement des dépenses et la réception des financements correspondants.
Dès lors que l’association souhaite ou est dans l’obligation d’appliquer une comptabilité d’engagement, elle doit respecter les conditions prévues dans le plan comptable général et le règlement ANC n°2018-06. Ceci doit notamment aboutir à la production de comptes annuels en fin d’exercice.
Lorsque l’association est tenue d’établir une comptabilité, elle doit produire des comptes annuels qui comprennent :
Ces données sont à produire et à compléter le cas échéant de la liasse fiscale si la structure est soumise aux impôts commerciaux.
La réglementation a mis en place un plan comptable qui s’impose à toutes les entités établissant des comptes annuels.
Les comptes sont classés (classes 1 à 8) selon une ventilation et des numéros dont l’utilisation est imposée. Quel que soit le mode de comptabilité retenue (trésorerie ou engagement), le respect des classifications du plan comptable est préconisé.
Il permet :
Pour produire les documents comptables annuels, certaines règles doivent être respectées.
La comptabilité en partie double est une technique qui fonctionne sur la correspondance entre des ressources et leur emploi, entre une origine et une destination.
Elle est basée sur l’idée que chaque chose peut être interprétée comme un nombre correspondant au prix d’achat ou de vente et sur le fait que chaque opération comptable est un enregistrement réciproque et simultané de deux évènements :
Selon le principe de la partie double, toute opération de l‘association ayant une incidence financière est traduite par une écriture affectant au moins deux comptes. Ce fonctionnement permet d’identifier les notions de dettes et de créances et ainsi de suivre l’impact de ces mouvements sur le patrimoine de l’association.
Une association achète des maillots floqués au logo de l’association pour 100 et les revend à ses adhérents pour 170, générant ainsi un excédent de 70. Ces opérations ne sont pas forcément génératrices d’un flux de trésorerie immédiat, les achats pouvant être payés à la fin du mois de réception des factures et les ventes par un encaissement ultérieur à la commande.
Ce qui donnera la situation suivante :
On constate, à la suite de ces mouvements, que l’association, bien qu’ayant un excédent de 70, ne dispose pas de celui-ci en trésorerie. En effet, elle possède une créance de 170 et une dette de 100.
Cette comptabilité permet donc de transcrire l’activité de l’association sans tenir compte des différentes dates d’encaissement et de décaissement de la trésorerie.
Si nous poursuivons notre exemple, l’association va encaisser auprès de ses adhérents la créance de 170 avec laquelle elle va pouvoir régler le fournisseur de 100.
La situation sera désormais la suivante :
Le compte de résultat n’est pas modifié par ces mouvements puisque l’excédent est constaté dès l’engagement d’acheter et de vendre. Ce n’est que le patrimoine de l’association figurant au bilan qui est impacté, le règlement des créances et dettes se traduisant par des mouvements de trésorerie.
La comptabilité en partie double identifie les mouvements permettant le calcul du résultat de l’association mais également de l’évolution de son patrimoine et des actions à mener (payer des dettes, récupérer ses créances, etc.)
Certains grands principes comptables (définis dans le plan comptable général) s’appliquent également à la comptabilité des associations. Il s’agit notamment de :
Ce principe est le socle de la comptabilité puisqu’il s’agit de retracer le plus fidèlement possible l’activité et le patrimoine de l’association en terme comptable.
Certains éléments tels que la valorisation des contributions volontaires en nature dans le compte de résultat, résultent de ce principe afin de démontrer le volume d’activité réel généré par la structure.
Selon ce principe, la clôture des comptes se base sur le fait que l’activité de l’association va perdurer au moins au-delà de l’exercice à venir (à plus d’un an). Cette question prend tout son sens lorsque l’association est dépendante de financements annuels discrétionnaires qui pourraient donc ne pas se renouveler et mettre ainsi l’association en difficulté financière. La valorisation des actifs et des passifs devrait alors tenir compte de cette situation.
Ce principe permet de comparer les exercices comptables les uns avec les autres en conservant les mêmes formats d’écritures (enregistrement des charges dans le même compte) ou les mêmes hypothèses pour les évaluations de fin d’exercice (valorisation des congés, du stock, …)
Selon ce principe, les charges et les produits doivent être rattachés à l’exercice comptable qui les concerne. Ainsi, par exemple, une facture d’abonnement dont la période dépasse la date de clôture de l’exercice devra donner lieu à une écriture comptable pour « reporter » la partie de la charge au prorata temporis sur l’exercice suivant (charge constatée d’avance)
A l’inverse, un produit non encore enregistré mais qui concerne l’exercice en cours devra faire l’objet d’un enregistrement comptable en produit pour qu’il figure dans le calcul du résultat de cet exercice (produit à recevoir).
Le principe de la comptabilité analytique repose sur un besoin d’identification de résultat par activité de l’association. Ainsi, on réalise alors l’affectation des charges et des produits selon leur destination (objectif, action, projet, etc.) afin de déterminer des coûts de revient, des résultats par action ou projet.
Ce type de comptabilité n’est pas normalisé : chaque structure peut en définir ses propres modalités en retenant cependant qu’il ne s’agit que d’un complément à la mise en place du plan comptable général. Elle est indispensable dès lors que l’entité sollicite des financements par projet et doit rendre compte in fine des charges réellement engagées.
Pour décider de la bonne pratique comptable à adopter, l’association doit s’assurer, en premier lieu, de ses obligations compte tenu de sa taille, de son activité, de ses financements.
Elle pourra alors identifier si elle est dans l’obligations d’établir des comptes annuels et respecter toutes les normes du plan comptable général et du règlement ANC n°2018-06 relatif aux comptes annuels des personnes morales de droit privé à but non lucratif.
Le délai d’établissement des comptes annuels peut être amélioré en anticipant l’ensemble des travaux à conduire sur le plan de la comptabilité comme de l’organisation interne.
Faites le point avec notre article dédié
Loïc Paul
Expert-Comptable, associé, responsable régional ESS Centre-Ouest