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Date de publication : 07/09/2023
Philippe Guay
Dès lors qu’une entité emploie un salarié, ce dernier acquiert des droits pour sa retraite. A ces droits, s’ajoutent une indemnité que le postulant pourra recevoir le jour où il quittera son emploi pour se retirer de l’activité professionnelle et bénéficier d’un repos bien mérité à l’issue d’une « longue vie de labeur ». Les indemnités de départ en retraite sont régies par le Code du travail et les conventions collectives, le régime le plus favorable s’appliquant. Elles peuvent être également visées par un accord d’entreprise ou simplement contractuelles.
Le versement de l’indemnité appartient au dernier employeur du bénéficiaire en fonction de l’application des différents textes qui serviront de base au calcul de ladite indemnité.
Cette situation complexe représente une charge probable pour l’entité employeuse. Mais, on le comprend bien, elle est soumise à plusieurs paramètres qui ne peuvent s’apprécier assurément qu’au moment du départ du salarié. Ce constat constitue un passif à comptabiliser et ajuster au fur et à mesure de la naissance des droits et de l’évolution probable liée aux effectifs présents dans l’entité ainsi qu’au vieillissement de la population des salariés. Plus on se rapproche de l’âge du départ en retraite, plus la probabilité de présence du salarié dans l’entité est forte et plus le montant de l’indemnité qui lui sera versée est importante.
Face à cette situation, qui présente à n’en pas douter un risque futur et probable de charge à décaisser, l’employeur peut opter pour différentes solutions lui permettant d’en prévoir l’incidence financière.
A ce stade, comme il a été dit plus haut, l’employeur est engagé vis-à-vis de ses salariés sur un niveau de prestation qu’il devra honorer, qu’il y ait externalisation (versement à un organisme tiers) ou non.
L’indemnisation minimum du salarié versée à l’occasion de son départ à la retraite est calculée en fonction de son ancienneté (dans l’entité ou dans la convention collective ) et de sa rémunération. Certaines conventions collectives prévoient des clauses d’indemnisations dont le montant peut être plus important.
Bien entendu, la présence du salarié dans l’entité est exigée pour que celui-ci puisse bénéficier de cette indemnité. Dans le cas contraire, aucune indemnité ne lui est due. C’est le cas, par exemple, si le salarié quitte son emploi par démission avant son départ à la retraite.
S’agissant de l’évaluation de ces indemnités, plusieurs méthodes sont possibles, mais la méthode des unités de crédit projetées est actuellement la méthode préférentielle. Cette méthode est celle préconisée par la norme IAS 19AS 19 telle qu’adoptée par la Commission Européenne dans le cadre de son règlement n° 475/2012 du 5 juin 2012, reprise par l’ANC – Autorité des Normes Comptables dans une recommandation du 7 novembre 2013 (n°2013-02). Cette recommandation modifiée et actualisée le 5 novembre 2021 rattache les disposition comptables relatives à la comptabilisation des engagements de départ à la retraite (IDR) aux dispositions du plan comptable général (PCG).
Le calcul actuariel est basé sur des hypothèses :
A relire :Les points clés de la réforme des retraites
Prenons le cas d’un salarié né en 1975, recruté par l’association en 2005, et dont la rémunération brute mensuelle en 2023 est de 2 500 € avec des charges patronales dont le montant s’élève à 50 %.
Quelles sont les hypothèses actuarielles ?
Résultat des calculs au 31 décembre 2023 :
Soit, au prorata des droits acquis (17 ans restant à courir sur 35 ans de carrière), un engagement pour indemnité de retraite de 2 862 € au 31 décembre 2023.
La comptabilisation se fait au bilan (provision pour charges) ou hors bilan.
Le PCG considère que les passifs relatifs aux engagements de l’entité en matière de pensions, de compléments de retraite, d’indemnités et d’allocations en raison du départ à la retraite ou avantages similaires des membres de son personnel et de ses associés et mandataires sociaux peuvent être, en tout ou en partie, constatés sous forme de provision. La constatation de provisions pour la totalité des engagements à l’égard des membres du personnel actif et retraité, conduisant à une meilleure information financière, est considérée comme une méthode préférentielle (art. 324-1).
La première comptabilisation de cet engagement constitue un changement de méthode qui induit l’imputation dans les fonds propres à un compte de report à nouveau.
L’ajustement annuel de la provision pour indemnité de départ en retraite est ensuite comptabilisé au compte de résultat. Il faut préciser que la variation de la provision pour IDR provient des droits acquis, des départs et de la modification des hypothèses actuarielles. Le référentiel IAS prévoit la possibilité (méthode dite du « corridor ») de ne pas comptabiliser l’ajustement (plus ou moins 10 %) résultant de la modification des hypothèses actuarielles et d’en amortir les effets dans le temps au-delà des 10 % constitutifs du corridor.
Lors du départ en retraite des salariés, l’indemnité versée est constitutive d’une charge couverte par la provision antérieurement constituée, cette dernière donnant lieu à une reprise partielle ou à une moindre dotation au titre de l’exercice.
Le compte professionnel de prévention (C2P)
Au-delà du système de versement direct par l’employeur qui est le cas le plus usité en France, ce dernier peut « externaliser » le processus en procédant à un ou des versements à un organisme d’assurances extérieur. L’institution va ensuite verser l’indemnité au salarié au moment de son départ.
Les régimes différentiels ou à cotisation définie constituent également une solution alternative. Dans ce cas, l’organisme d’assurance garantit un certain niveau de ressources par versement de cotisations obligatoires de l’entité. L’organisme gestionnaire est responsable du versement des indemnités de fin de carrière. Ces cotisations constituent des charges sociales courantes de l’entité et il n’y a pas de provision à constituer tout au long de la carrière du salarié.
Par contre, si le contrat se base sur le principe d’un régime à prestations définies, l’employeur reste responsable de ses engagements envers le salarié. Il devra vérifier, chaque année, le niveau de prestations assurées par l’organisme gestionnaire avec lequel il a contracté et le niveau évalué de l’indemnité de départ en retraite du salarié, en procédant le cas échéant par des abondements volontaires. En cas d’insuffisance, une provision pour charge devra être constituée à due concurrence.
Le régime fiscal de l’association n’est pas neutre. Il sera déterminant sur les choix retenus. En effet, pour les associations non fiscalisées, la constitution d’une provision pour indemnité de départ à la retraite n’aura pas d’incidence si ce n’est sur le résultat comptable de l’exercice.
Par contre, si les activités de l’association sont fiscalisées à l’impôt sur les sociétés (IS) au régime de droit commun, la constitution de la provision pour indemnité de départ à la retraite n’est pas admise en déduction par l’administration fiscale. Dans ce cas, l’option pour l’externalisation de la charge auprès d’un organisme d’assurance ou de placements financiers peut présenter un atout judicieux générateur d’optimisation fiscale. Toute somme versée dans ce cas sera déductible fiscalement et l’économie d’IS sera ressentie sur le résultat fiscal.
Avant toute décision, il convient, au préalable, de procéder à une évaluation systématique des passifs sociaux pour connaître et maîtriser les engagements que l’association aura à supporter. Lorsque l’organisme est financé par la générosité du public ou des subventions soumises à de forts aléas, il est fortement recommandé de procéder à la comptabilisation du passif.
Pour les associations relevant du secteur social et médico-social, il est recommandé de procéder à des évaluations permettant de détailler un historique prévisionnel des départs en retraite des différents salariés afin d’en intégrer les coûts dans l’EPRD (états prévisionnels de recettes et dépenses) destinés à solliciter les financements correspondant de ces charges à venir. Certains organismes gestionnaires ont déjà opté pour la comptabilisation de la provision pour indemnités de fin de carrière dans le cadre des charges à financement différé. Cette situation est d’autant plus vraie lorsque l’organisme est engagé dans un CPOM (contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens) qui prendra inévitablement en compte ces charges à venir. Lorsque l’organisme gestionnaire dispose d’une trésorerie suffisante, il est intéressant de réfléchir à l’option d’externalisation exposée supra pour financer les passifs sociaux à long terme de manière étalée dans le temps.
Si votre association est en train de négocier un rapprochement avec une autre entité sous forme de fusion ou d’apport partiel d’actif, nous attirons tout particulièrement votre attention sur le poste « engagements sur les droits de retraites des salariés ». Cet engagement peut représenter des sommes importantes qui ne sont ni comptabilisées, ni signalées en annexe des comptes, alors qu’elles constituent des dettes futures conséquentes que votre organisme aura l’obligation de supporter s’il est l’entité repreneuse. Ce montant est à prendre en compte dans les passifs à intégrer dans le traité d’apport ou de fusion. De même, l’opération de fusion peut engendrer des options comptables importantes si les deux organismes en cause ont retenu des options comptables différentes. Ainsi, lorsqu’une association qui n’a pas opté pour la comptabilisation de sa provision pour IDR absorbe une association qui a déjà comptabilisé sa provision pour IDR, il est recommandé que celle-ci harmonise ses méthodes comptables pour unifier ses pratiques et son information financière sur le sujet.
On voit, ici, toute l’importance qu’il convient de donner à ce sujet car il peut être lourd de conséquences pour l’avenir de l’ensemble ainsi constitué. Dans tout projet de fusion ou d’apport d’actif, il est important de se projeter suffisamment dans l’avenir.
A consulter :
Fusions d’associations et de fondations, scissions et apports partiels d’actifs – les bonnes pratiques
Les dirigeants d’associations sont confrontés à des responsabilités qui s’imposent à tous les employeurs face à l’événement que constitue le départ en retraite d’un de leurs salariés. Car il est naturel et légitime qu’au terme d’une carrière dont l’ensemble, voire la totalité, s’est déroulé au sein de l’organisme employeur, cette fin annoncée du contrat de travail, organisée bien souvent par application d’une convention collective, se prépare. Cet événement peut entraîner des conséquences financières désastreuses si les associations concernées ne le préparent pas suffisamment à l’avance.
Philippe Guay
Expert-comptable, commissaire aux comptes, spécialisé ESS
Philippe est un expert-comptable et commissaire aux comptes qui a accompagné pendant de nombreuses années de multiples associations, fonds et fondations.